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147ème semaine de Sarkofrance : la monarchie en place

Publié le 27 février 2010 par Juan
147ème semaine de Sarkofrance : la monarchie en placeLa République n'est pas morte, mais la monarchie sarkozyenne est déjà bien en place. Une monarchie qui nomme, convoque, régule, remercie. Mais une monarchie qui vacille, quand son story-telling est contredit par les faits. Et la réalité, comme toujours, est têtue.
Sarkozy régule
Cette semaine, le président français a tenu à montrer, une nouvelle fois, qu'il incarnait la régulation. Après les banques (l'été dernier), l'automobile (en janvier), voici au tour des dirigeants de Total de se voir convoqués à l'Elysée à cause d'un conflit social dans leur entreprise. N'espérez pas autre chose que des convocations. Point de loi pour mieux répartir les profits («dans trois mois, il tranchera» nous répète-t-on tous les 6 mois), ou réévaluer le rôle des salariés dans la gestion des entreprises. Sarkozy préfère convoquer dès qu'un conflit devient trop symbolique. Et cette fois-ci, il l'est. Total, multinationale multi-profitable, veut fermer une usine de raffinage à Dunkerque. L'Elysée lui avait secrètement demandé d'attendre l'issue des élections régionales pour l'annoncer. Les syndicats ont dévoilé le pot aux roses. La grève s'étend. Total assure la moitié de l'approvisionnement en essence du pays. Voici coup sur coup Thierry Desmaret, le président, puis Christophe de Margery, le directeur général, qui gravissent les marches de l'Elysée, sommés de s'expliquer. Sarkozy doit faire semblant d'être surpris. On imagine l'interrogation commune de Sarkozy et de ces patrons : que va-t-on dire au bon peuple en sortant de la réunion ? La monarchie a cette caractéristique politique bien précise que la régulation émane in fine du monarque et non des corps intermédiaires au premier rang desquels le parlement. En coulisses, certains relèvent que la régulation de l'énergie en France a pris un sacré coup ces dernières années : privatisation de GDF (malgré les promesses de Sarkozy ministre des Finances en 2004), ouverture du marché de l'électricité à la concurrence (Europe oblige), et maintenant un discret décret, paru la semaine dernière, qui conférait l'arbitrage ultime en matière de fixation des tarifs réglementés du gaz à une autorité indépendante. Auparavant, le ministre de l'Economie avait le dernier mot. GDF vient de révéler qu'il s'apprêtait à augmenter de 9% le prix du gaz le 1er avril prochain. En toute légalité sarkozyenne. Que fait Nicolas ?


Sarkozy nomme
Que le frère de Philippe de Villiers devient chef d'état major particulier du président français n'est ni surprenant - vu la carrière de l'intéressé - ni choquant. En revanche, d'autres nominations le furent assurément. Sarkozy a choisi Didier Migaud pour présider la Cour des Comptes, en remplacement de Philippe Séguin. Le socialiste présidait jusqu'à lors la commission des finances de l'Assemblée Nationale. C'est la «relance de l'ouverture», la preuve que nous vivons dans «une démocratie aboutie» ont rapidement commenté quelques zélotes du Monarque élyséen. Vraiment ? Nicolas Sarkozy préfère un socialiste à la tête de cette institution de contrôle, pour deux raisons très simples : primo, il espère chahuter le parti socialiste. Jack Lang ne s'est d'ailleurs pas privé d'applaudir des deux mains avant même que cette nomination ne fut confirmée. Instrumentaliser les nominations à quelques semaines d'une échéance électorale est une opération politique minable. Secundo, tant qu'à être critiquer par la Cour des Comptes, il vaut mieux l'être par un socialiste dont il sera toujours facile de rappeler l'appartenance politique, que par un esprit indépendant de son propre camp.
Nicolas Sarkozy a aussi choisi Michel Charasse pour le conseil constitutionnel. Ce n'est plus de l'ouverture, c'est du retour d'ascenseur pour quelqu'un qui avait reçu en grandes pompes, juste avant le scrutin présidentiel de 2007, le candidat de l'UMP. Charasse a été exclu du parti socialiste officiellement en 2008. Cette nomination, il l'attendait avec gourmandise et ne s'en cachait pas. Le Monarque a également fait placer un ex-responsable internet de l'UMP au sein d'HADOPI, la haute autorité chargée de lutter contre les pirates du Net. Il n'y avait sans doute pas de meilleur candidat. Chez France Télécom, il a trouvé une place à Christine Albanel, son ancienne ministre de la Culture, et Pierre Louet, le patron de l'AFP. Ce dernier, pourtant tout juste réélu à la tête de l'agence, était vivement critiqué par l'UMP en 2008, qui accusait l'agence de rouler pour Ségolène Royal. Les deux travailleront pour Stéphane Richard, ancien dircab de Christine Lagarde, devenu en moins d'un an le patron de France Télécom.
Sarkozy créé
Mercredi, l'Elysée s'est félicité d'une commande d'un paquebot de croisière au constructeur public STX. «La commande de ce nouveau paquebot fournira 5 millions d'heures de travail à STX France» a sobrement commenté Nicolas Sarkozy sur son site internet. Le Monarque créé des emplois jusqu'en Poitou-Charentes. Des emplois, la France en a besoin. Le chômage a encore progressé en janvier. Les commentaires mensuels de ces envolées finissent par être lassants. Le 25 janvier dernier, Nicolas Sarkozy promettait à la télévision que le chômage allait baisser. On a vu. Sur les 4,4 millions de chômeurs que comptent le pays, quelques 323 000 sont les fameux Dispensés de Recherche d'Emploi. Ces derniers ont eu chaud. Laurent Wauquiez vient d'annoncer que Nicolas Sarkozy, dans sa grande clémence (ou sa grande prudence ?) avait décidé de «reconduire exceptionnellement l'allocation équivalent retraite» qui est versée aux seniors au chômage qui ne peuvent pas partir en retraite malgré tous leurs trimestres de cotisation, parce qu'ils n'ont pas encore 60 ans. Mais il y a mieux, ... ou pire : Wauquiez, cette semaine, a dû reconnaître que le chômage n'avait pas baissé en décembre. C'est la faute aux corrections des variations saisonnières. En mars 2009 déjà, le gouvernement avait changé de méthode de comptabilisation des chômeurs, et dissimulé ainsi quelques dizaines de milliers de demandeurs d'emploi. Nicolas Sarkozy s'est abrité derrière la baisse du chômage comme seule et unique réponse aux angoisses professionnelles et sociales des quelques témoins rassemblés par TF1 un soir de janvier. Un mois plus tard, on ne peut qu'être agacé, énervé, déçu par ce story-telling présidentiel permanent qui croit dompter la réalité. En décembre, le chômage a bel et bien augmenté. Du coup, pour se racheter, Laurent Wauquiez a lâché que l'Etat co-financerait pour plusieurs centaines de millions d'euros des aides aux chômeurs en fin de droits. Une promesse qu'il était incapable d'annoncer voici encore 10 jours. Lors du sommet social du 14 février, Sarkozy avait pourtant prévenu qu'il attendrait le diagnostic, en avril, avant de décider quoique ce soit. La Sarkofrance paniquerait-elle ?
La Sarkofrance a peur pour sa crédibilité. L'exemple grec d'un Etat secoué par la spéculation mondiale pour cause de surendettement a marqué les esprits. Là encore, Sarkozy a joué les donneurs de leçons. Depuis 18 mois, il s'est fait le chantre de la régulation de la finance mondiale sur toutes les tribunes mondiales. Tout en protégeant son bouclier fiscal et les autres baisses d'impôts, qui bénéficient en premier lieu aux spéculateurs en tous genres. La France n'est pas mieux lotie que la Grèce. Le gouvernement français escamote comme il peut le dérapage de sa dette publique. Pour défendre son grand emprunt, il se paye des pages de publicité dans tous les journaux du pays figurant une Marianne enceinte souriant à l'horizon. Mieux, il cache dans la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale créée par Alain Juppé premier ministre en 1995, quelques 93 milliards d'euros de dettes depuis sa création. Comme la Cades est un organisme juridiquement indépendant, sa dette n'est pas consolidée dans les comptes de la Nation. Et hop ! En 2009, Eric Woerth a innové: il a fait émettre par l'ACOSS, la caisse centrale des URSSAF quelques 65 milliards d'euros de billets de trésorerie pour financer son propre déficit de financement.
Jeudi, Nicolas Sarkozy a révélé combien il était à cours d'idées. Il a demandé à Jacques Attali de reconstituer sa commission de 40 experts pour proposer dès la mi-mai « des réformes nouvelles pour accroître le potentiel de croissance de notre pays dans les domaines de la création d'emplois et de la réforme du marché des biens et services pour augmenter le pouvoir d'achat et pour simplifier les procédures qui pèsent sur l'activité économique ».  Habiller l'action politique par la création de commissions aussi vite oubliées est une autre forme de boulimie sarkozyenne.
Sarkozy remercie
Mercredi, le Monarque s'est envolée pour le Gabon, avant d'aller au Rwanda le lendemain. Il veut, et peut, remercier Ali Bongo, fils d'Omar et président du pays. Nicolas Sarkozy aime les dictateurs quand ils sont utiles. Et utile, le Gabon l'est assurément. Le pays est riche en pétrole et surtout en uranium, ce minerai si précieux pour la filière nucléaire française. Sarkozy était accompagné de son fidèle secrétaire d'Etat à la Coopération Alain Joyandet. Ce dernier possède également une société de distribution de bateaux équipés de bois précieux africains. La protection des forêts est un sujet qui importe en Sarkofrance... Au Gabon, Sarkozy a dit l'inverse de la vérité : la France n'aurait pas soutenu la candidature d'Ali Bongo lors des élections présidentielles gabonaises de l'été dernier. Bien sûr. Oubliées les belles promesses de rupture avec le soutien aux dictatures et, notamment, la Françafrique. Le Monarque français a poursuivi son périple au Rwanda, pour un exercice de vraie-fausse repentance. Sur place, il a reconnu les erreurs passées de la France, notamment au moment du génocide de 1994, mais s'est refusé, à plusieurs reprises, d'utiliser le terme d'excuses.: «Nous ne sommes pas ici pour s'amuser, pour faire la course au vocabulaire». On reconnaît qu'on s'est planté, mais on ne s'excuse pas. Voici une courtoisie toute diplomatique !
Sarkozy s'inquiète
Tout monarque qu'il est, Nicolas Sarkozy s'inquiète. La France ne répond pas à ses attentes. Deux ans et demi déjà qu'il est impopulaire. Jamais il n'a réussi à redresser la barre. Les élections régionales approchent. Ses proches choisissent une ligne dure, faite de coups bas et de dérapages. Marie-Luce Penchard ne semble pas s'être remise de sa gaffe quand elle déclarait voici 15 jours qu'elle souhaitait réserver un maximum de fonds publics de l'Outre-Mer à la seule Guadeloupe où elle est candidate. Une gaffe qui a provoqué l'ire présidentielle à en croire le Canard Enchaîné. Samedi dernier, deux zélotes de l'UMP ont attaqué un candidat socialiste, Ali Soumaré, l'accusant d'être un «délinquant multirécidiviste chevronné». Des trois accusations, l'une est fausse, l'autre invérifiable pour quiconque n'a pas accès au fichier STIC de la police, et la troisième purgée depuis plus de 5 ans. Un temps sonnés par la grossièreté de leur propre bassesse, les dirigeants de l'UMP se sont ressaisis en début de semaine, vantant l'exigence de transparence des passés judiciaires des candidats. «La transparence est une condition indispensable quand on sollicite la confiance des électeurs» a déclaré Xavier Bertrand mercredi. «Il faut qu'il y ait un avant Soumaré et un après Soumaré» a renchéri l'ineffable Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP. Bizarrement, M. Lefebvre n'a jamais eu les mêmes exigences de transparence sur ses propres liens avec les milieux d'affaires via son cabinet de lobbying.
Samedi, le Salon de l'Agriculture a ouvert ses portes à Paris. Nicolas Sarkozy n'était pas là pour l'inauguration. Cette manifestation est une épreuve pour lui, une confrontation avec une réalité qu'il déteste.
Ami Sarkozyste, où es-tu ?
Credit photo

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