En huit mois, les portes se sont progressivement refermées. Celles de son bureau, à l'Académie des Beaux-Arts. Celles des journaux libéraux qui servaient, jusqu'ici, de tribune aux politiciens réformistes. Son neveu a été tué fin décembre. Sa femme, attaquée lors des dernières manifestations. Ses déplacements sont surveillés. Contraint au silence, fragilisé par l'ampleur de la répression des derniers rassemblements du 11 février, Mir Hossein Moussavi contre-attaque, ce matin, dans une interview publiée sur son site, kalame.org, dans laquelle il en appelle au droit des Iraniens à manifester.
Le rival d'Ahmadinejad au scrutin du 12 juin dernier, métamorphosé en leader par défaut de la contestation iranienne, y réclame l'autorisation d'organiser un rassemblement de l'opposition, lui permettant de répondre aux affirmations du pouvoir selon lesquelles la contestation s'est marginalisée. « Après les discussions que nous avons eu avec Mehdi Karoubi (ndlr : autre chef de l'opposition), nous réitérons notre demande de permission d'organiser un rassemblement, tel que l'autorise l'article 27 de la Constitution. Son ampleur permettra de mettre un terme aux rumeurs et aux allégations », précise-t-il, en dénonçant le manque de spontanéité des commémorations officielles de l'anniversaire de la révolution, le 11 février dernier, pendant laquelle les forces de l'ordre empêchèrent l'opposition de s'exprimer. « Le mouvement vert (couleur de l'opposition) a raté un moment historique, car le régime a éclipsé sa présence », dit-il. En revanche, précise-t-il, pour ces rassemblements, le gouvernement a utilisé un « nombre considérable d'autobus et de trains pour acheminer les gens et les membres des forces de l'ordre ». Selon lui, « une telle attitude ressemble aux méthodes despotiques d'avant la révolution », de 1979, quand « les employés du gouvernement qui refusaient de participer à des rassemblements pro-Chah étaient inquiétés ».
Pour Mir Hossein Moussavi, « il aurait été plus judicieux de la part du régime de prendre conscience l'existence d'un mouvement important de façon à corriger la politique erronée en cours, au lieu de continuer à remplir les prisons et poursuivre une politique de répression ». Car, d'après lui, « cette répression massive ne fera que renforcer et élargir le mouvement ».
Et de rappeler les revendications de l'opposition, « dans le cadre de la Constitution ». « Des dizaines de millions d'Iraniens réclament l'abolition de la censure, des restrictions, de la répression, de l'aventurisme et de l'ambivalence qui prévalent en matière de politique internationale, de la politique économique infructueuse, de l'essor de la corruption et des mensonges », insiste-t-il, en appelant également de ses vœux la « création d'une télévision du mouvement vert ».
L'ex-premier Ministre dans les années 80 n'hésite pas, au détour d'une phrase, à épingler les puissants Gardiens de la révolution, dont le pouvoir s'est largement accru au cours de ces dernières années. « Notre nation ne veut pas voir tant de projets et d'activités économiques octroyés aux Gardiens de la révolution, sous couvert de privatisation », précise-t-il, tout en insistant sur le fait que, d'après lui, ces demandes sont en parfait accord avec l'islam et la constitution ». Pour lui, « ces demandes ne sont pas anti-islamiques et il est injuste qu'elles fassent l'objet de peine de mort ou d'emprisonnement ».
« Notre peuple ne peut tolérer les comportements non-religieux sous couvert de la religion », précise Mir Hossein Moussavi. Une façon indirecte de répondre au guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei qui, dans une déclaration, ce jeudi, a ouvertement adressé une nouvelle mise en garde à l'opposition en affirmant que "ceux qui, par leur paroles, leurs actes et leurs provocations remettent en cause les principes du régime perdent la qualité pour faire partie du système". Dans son allocution de jeudi, le numéro un du régime avait également affirmé que par sa participation massive, "le peuple et en particulier les jeunes ont crée une épopée lors de la manifestation du 22 Bahman (11 février)".