Serge Grossvak 95 - Val d’Oise
A : Ministère de la Justice Madame Alliot-Marie 13 place Vendome 75042 Paris
Groslay, le 22 février 2010 Lettre Recommandée
Madame la Ministre,
Je l’avoue,
Je boycotte les marchandises d’Israël. Je ne veux pas de ces produits poussés dans le sang et la domination. Ils puent la haine et l’oppression. Je les refuse, et je pense à mes parents m’enseignant le martyr infligé par les nazis. Cette géhenne qui avait dévoré notre famille. « Plus jamais ça ! » était la clameur venue du cœur, au sortir du malheur. « Plus jamais ça » avaient dit les survivants. Enfant de juifs immigrés, j’avais entendu cette leçon comme un devoir d’humanité, comme un engagement de solidarité, comme une exigence de vie. Je boycotte, aujourd’hui, pour que les petits enfants d’un grand martyr sortent du chemin assassin, pour que l’État d’Israël et son peuple égaré dans un grandissant extrémisme sortent de sa tyrannie.
Je l’avoue, j’appelle au boycott des produits de ce pays aujourd’hui guerrier, conquérant et oppresseur, de ce pays abdiquant toute morale. Je l’avoue, c’est de toute ma voix et de tout mon cœur que je convie à cet acte de résistance. Acte pacifique. Acte raisonné. Mon appel est une clameur contre l’indignité des crimes commis, la pratique des colonies. Mon appel est pour peser et faire renoncer à la guerre.
Je l’avoue, j’y étais. J’étais dans ce supermarché de Cormeilles pour sortir les produits israéliens des rayons et les déposer en vrac à l’entrée des caisses. J’y étais, et j’y ai pris la parole. Les services de police peuvent l’attester, j’avais donné mon nom. Lorsqu’on agit pour l’honneur, nul n’est besoin de se cacher.
Je l’avoue, j’y étais et j’ai accompli tout cela pour mon humaine dignité et l’honneur de mes ancêtres. Parce que je ne peux supporter d’abandonner dans la souffrance et l’injustice le peuple de Palestine. Parce que je suis juif descendant de Marek Edelman, de Joseph Epstein et de Raymond Aubrac, ma racine juive est du côté des opprimés, de tous les opprimés.
Madame la Ministre et gardienne des sceaux de justice et des lettres de cachet, condamnez moi, pas Sakina ! Madame la ministre, puisque vous avez fait vœu de châtier ces gestes de résistance et d’honneur, oubliant qu’ils visent un Etat désigné comme relevant de « crimes de guerre, voir crimes contre l’humanité » par le juge Goldstone (juif comme moi), condamnez moi, pas Sakina. Madame la Ministre, je ne redoute pas vos geôles et vos invectives, je suis prêt à affronter vos fureurs comme mon père avait du affronter l’internement par une police aux ordres d’un pouvoir totalitaire.
Madame la Ministre, rien ne me fera renoncer à mon engagement pour la Paix et la Justice, pour que le peuple palestinien recouvre sa dignité dans son pays indépendant, aux frontières de 67 et à la capitale en Jérusalem-est.
Madame la Ministre, je vous prie d’agréer toute ma détermination à combattre vos menaces à l’encontre d’une lutte juste et votre soutien à un extrémisme nationaliste qui fait honte à ma culture juive.
Serge Grossvak
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