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Paso Doble n°169 : La punition d’Hippolyte

Publié le 01 mars 2010 par Toreador

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Par Toréador | mars 1, 2010

A las cinco de la manana…

Arrêtez le monde, je veux descendre !*

Epuisée psychologiquement, la France a le moral dans les chaussettes, c’est vrai. Elle a peur et ne sait même pas pourquoi elle a peur. Il s’agit d’une inquiétude diffuse.

On lui a promis une épidémie grippale mondiale en juin dernier, puis un réchauffement climatique cataclysmique en décembre. L’année dernière, c’était une crise financière qui risquait d’engloutir tout sur son passage. Pas étonnant que le frêle esquif tricolore,  ballotté de vague en vague appréhende l’avenir.

Parmi toutes ces alertes, l’annonce d’une crise économique sans précédent est selon moi le risque le plus sérieux. Les pères La Rigueur, un temps muselés par l’affaire des subprimes qui a redonné aux théories keynésiennes leurs lettres de noblesse, tentent de retourner le sens du vent : le danger ne serait plus les banques, mais les Etats. Brandissant l’insoutenable légèreté de la Dette, ils clament que sans coordination économique forte, c’est à dire sans gouvernement économique de l’Europe, l’euro explosera.

Ce type de prédiction me laisse songeur. Je me souviens d’un temps où l’on m’expliquait doctement que justement l’euro nous protègerait des bourrasques. D’ailleurs, les libre-bonpenseurs n’imaginent même pas que l’euro puisse exploser : seule l’option d’une plus grande coercition européenne est « crédible ». Mais passons…

L’euro : notre monnaie, notre problème

En réalité, le tableau est très noir. Grevés de déficits abyssaux, le gouvernement des Etats-Unis va devoir continuer à massivement faire appel aux liquidités internationales pour se renflouer. Ils trouveront preneurs pour leurs obligations. D’une part, les nouveaux ratios de solvabilité européens dans le secteur de l’assurance vont désinciter à l’investissement en actions, et donc accroître mécaniquement la demande obligataire. D’autre part, les Etats-Unis seront aidés par la très bonne notation que les agences continuent de leur conférer du seul fait de la prédominance du dollar. Ils vont donc très égoïstement  siphonner les capitaux disponibles, rendant le financement des économies émergentes de plus en plus difficile.

Privés de financement sur le marché international des capitaux à bon marché du fait de la hausse des taux d’intérêt à long terme, des pays comme l’Egypte ou le Maroc (ne parlons-même pas du reste de l’Afrique) vont subir des chocs budgétaires sans précédents qui vont enclencher une crise d’économie réelle très grave.

Accrochée au dogme de l’inflation à 2%, la BCE va refuser d’assouplir sa politique de taux d’intérêt, qui permet d’influer sur les taux de court-terme, lesquels conditionnent le refinancement bancaire,  laissant la FED jouer seule sa partition en fonction  des seuls besoins de l’économie américaine. La politique accommodante de la FED par rapport à celle de la BCE devrait soutenir la surévaluation de l’euro.

Néanmoins, l’inflexibilité de la BCE face aux déficits budgétaires des Etats qui vont donc s’aggraver, ne peut qu’entraîner un doute croissant sur la soutenabilité de cette politique. Nous sommes bons à terme  pour des tensions récurrentes sur la monnaie unique et peut-être son éclatement. Seule bonne nouvelle : l’affaiblissement de l’euro qui devrait résulter de cette pagaille devrait finalement redonner un peu d’oxygène à nos industries. Reste que la philosophie de la Commission européenne étant toujours celle du libre-échange, le rouleau compresseur chinois (aidé par un yuan sous évalué) va continuer à laminer le Vieux continent. Il n’est pas du tout improbable que les Etats-Unis réagissent avec des tarifs protectionnistes plus élevés, ce qui annulera les effets de la baisse de l’euro.

L’UEM vire au Hallal(i)

Les deux années qui viennent vont donc être à mon sens totalement chaotiques. Le plus grave est qu’un schisme est en train de se créer entre l’Allemagne et ses partenaires. L’Allemagne ne veut plus être le créancier du continent. Elle n’autorisera pas, essentiellement pour des raisons de politique interne, des transferts vers les PIGS (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne). Elle ne tolèrera pas une inflation plus importante (manière de payer en monnaie de singe la dette contractée) ni une réorientation de la politique de la BCE.

Bref, soit les PIGS décident de revoir très structurellement leurs politiques économiques – mais je leur prédis un sort comparable à celui de l’Argentine – soit ils refusent et l’explosion de la zone euro est un cas d’école de plus en plus réaliste. Le chômage va exploser, rendant chaque jour plus instable le climat social et in fine le climat politique.

Les gars de chez Philips ont raison. Malheureusement, même le boycott de l’ensemble de l’économie Française de produits de multinationales délocalisant ou dégraissant sauvagement n’aura bientôt plus aucun effet dissuasif face aux promesses de l’énorme eldorado oriental (l’ASEAN et la Chine ont décidé le premier janvier de créer une vaste zone de libre-échange). Vu de Chine, nous sommes déjà une espèce de Nebraska sur la carte.

Dans Phèdre , Racine fait dire à Hippolyte : « Moi (…) Qui, des faibles mortels déplorant les naufrages, Pensais toujours du bord contempler les orages... ». Parait-il qu’on donne des noms aux tempêtes. J’ai mon idée lorsque la lettre H arrivera.

* Il faut rendre à César ce qui est à César. Ce titre est tiré d’une pièce qui est actuellement à l’affiche.

Tags: BCE, crise économique, FED, Taux courts, taux longs

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