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Dur d'être une enfulte.

Publié le 01 mars 2010 par Reenco

février 044
Outre le bonheur qu'elle nous procure, la naissance de la deuxième petite perle de ma meilleure amie m'a fichu un sacré coup.
Il y a deux jours, je disais à ma Zoubzoub au téléphone "Tu te rends compte, tu es en train de faire tout ce que faisaient nos parents quand nous étions petites, et qu'on savait que seuls les grands pouvaient faire ça : des enfants, construire une maison ...".
Elle m'a répondu après un petit silence un " Ah oui ... dis donc ... " qui semblait lui faire réaliser la même chose que moi au même moment, auquel j'ai ajouté " Mon dieu que le temps passe vite ... ", histoire de bien enfoncer le clou.
On a réussi à dire "Maintenant, c'est nous les Grands".
Paf, dans mes dents Mademoiselle Peter Pan.
Ces dernières semaines, j'ai reçu de partout des signaux de je ne sais quel messager,  certainement sadique, qui voulait me faire prendre conscience qu'à 27 ans ... je suis devenue a...ad...adul..te. Adulte. Voilà, c'est dit -dieu que ce mot est laid.
Il y a eu la dame de l'accueil du don du sang qui m'a appelée Madame. Puis la secrétaire, qui m'a aussi appelée Madame. Et enfin le médecin, qui m'a appelée ... Madame.
L'infirmière, elle, a eu la délicatesse, au moment de me demander de m'installer, de me dire "Madame ... Mademoiselle peut-être?".
Ah, quand même.
Trois Madame et demi dans une journée, ça a fait un peu beaucoup pour moi. Je le sais, moi, que je ne ressemble pas à une femme.
Je suis une jeune fille, je sors à peine de l'adolescence. Y a encore cinq ans, ma mère me punissait tellement je faisais des bêtises. Et j'allais à l'école. Enfin, du moins, j'y étais inscrite.
Puis 27, c'est un peu comme 17, je veux dire, y a le 7 en commun. Et puis de 1 à 2, y a pas tant que ça.
La vérité, c'est que je ne me suis jamais dit un jour "Ma vieille, t'es adulte maintenant".
Je ne me suis jamais sentie passer à l'autre étape. Je ne me suis pas vue non plus.
Le plus vicieux de tous les signaux, c'est un vernis.
Rouge.
Qu'une de mes amies, avec qui j'ai fait du tri dans son maquillage il y a trois semaines, m'a proposé de me donner. Elle m'a dit "Ca changera un peu, tes ongles sont toujours brillants mais sans couleur".
Je lui ai répondu "Du rouge, oh non, je ne le mettrai pas".
Sous-entendu "Du rouge, oh non, c'est pour les grandes, pour les adultes".
Le vernis rouge, c'est interdit pour les petites filles.
Je me souviens bien quand je m'enfermais dans la salle de bains et que je piquais celui de ma maman, que je m'en mettais plein les mains, que je m'admirais en me prenant pour une grande dame.
Je ne pouvais pas sortir de la pièce avec, car je savais que je n'avais pas le droit d'en mettre. Et comme je ne connaissais pas l'existence du dissolvant à cette époque (je devais avoir 8 ans), je passais de longues minutes à le gratter sur mes ongles avec une lime.
Il en restait évidemment plein, donc je me faisais griller chaque fois. Si bien qu'un jour, ma mère m'a acheté un vernis transparent, puis plus tard, un beige naturel, et j'en suis restée à ça : le rouge, c'est pour les grands. Pour les gamines, c'est le plus clair possible.
J'ai osé, je crois, une ou deux fois, mettre du rouge que je sortais de je ne sais où, il y a deux ou trois ans. Mais c'était uniquement pour des soirées, et le lendemain je l'enlevais. Avec du dissolvant, cette fois.
Alors quand mon amie m'a tendu ce petit flacon en me disant que ça m'irait bien, résonnait dans ma tête "J'ai pas le droit, tu sais".
Elle me l'a donné quand même.
La semaine dernière, je l'ai trouvé dans mon sac à main. Alors j'ai décidé de l'essayer, juste pour voir, et peut-être même pendant quelques minutes me rêver un jour femme,  cachée dans ma salle de bains, comme je le faisais à 8 ans.
Je l'ai mis, j'ai regardé mes mains, j'ai repensé à celles de ma mère quand j'étais petite, que j'enviais d'avoir le droit de faire ce genre de choses qui m'étaient interdites, puis je suis allée trafiquer je ne sais quoi, et je l'ai oublié.
Le vernis.
Sur mes ongles.
Le bonhomme m'a invitée au resto le soir-même, endroit où je me suis aperçue soudainement que j'avais oublié de nettoyer le rouge qui trônait sur le bout de chacun de mes doigts.
J'avais tellement l'impression d'avoir fait une bêtise, d'avoir l'air vulgaire avec cette couleur, que j'ai tout fait pour la cacher toute la soirée.
Pas pratique pour manger, je vous assure.
Jusqu'au moment où le bonhomme, qui n'avait même pas remarqué que je m'étais fait une coloration sur les cheveux qui surplombent ma grosse tête, a posé ses yeux sur mes dix ongles qui prennent bien moins de place.
Mais surtout, ni choqué, ni révolté,  qu'il a dit "C'est joli cette couleur".
A mon âge, ma mère avait deux filles, comme ma meilleure amie. J'ai l'âge d'être une Madame et celui de mettre du vernis rouge.
C'est officiel, je suis grande.
Pouah, c'est dur.


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