Et voilà un mois de février bien bouclé : quatre semaines, ça passe vite. Tellement, d’ailleurs, qu’on a un peu cette impression de n’avoir avancé sur rien…
Prenez les sujets d’importance comme la criiiiise. Rien ne semble avoir vraiment évolué : le gouvernement continue, tête baissée bien droit dans son petit casque, à pédaler vers le mur en ahanant de plus en plus lourdement sous l’effort, en répétant avec insistance son mantra de concentration « Cépanou, céléméchanlibéros. Cépanou, céléméchanlibéros. Cépanou, … »
Si l’on prend la bagatelle comme les élections, même constat : les batailles de petits-suisses dans la cantoche continuent de plus belle, ça s’éclabousse à grands bruits, et le Français moyen continue d’observer tout ça d’un œil blasé de celui qui sait pertinemment que tout ça ne fera pas chauffer sa marmite, au contraire. Et avec la tempête, on va même plus loin dans le ridicule : l’eau ne s’est pas encore retirée des pavillons charentais que certains tentent déjà la petite polémique politicienne, pour ajouter les catapultages de petits pois à l’homérique bataille de fromage frais qui se déroule en arrière-plan..
Tenez : même sur la neutralité du Net, rien ne semble avoir vraiment évolué, au contraire même : on se lance à nouveau dans un projet législatif alors qu’on pourrait fort bien s’en passer… Mais je vois dans votre regard que vous semblez perdu : « La neutralité de qui de quoi qu’est-ce que c’est ? »
Mmmh, oui, je crois qu’on va devoir faire appel à la spécialiste de la question, qui a tenu à conserver son anonymat – désignons-la donc par son pseudo en ligne, @nk_m – pour nous éclairer sur le sujet.
En gros, la Neutralité du Net, c’est le concept selon lequel chaque utilisateur a le droit d’avoir accès à un internet dont le contenu n’est pas filtré en fonction de son fournisseur d’accès, son appareil ou son prestataire de service. Oui oui, encore un nouveau droit.
En somme, si un méchant constructeur, un vilain prestataire de service ou un maudit fournisseur venaient à filtrer le net pour ne laisser passer, par exemple, que les octets fraise et pas les octets vanille, la Neutralité du Net arriverait séant et déclarerait : « Nan, c’est mal, car vous avez le Drwâ à un Internet Non Filtré ».
Ce qui pose d’emblée plein de questions, dont toutes ne sont pas existentielles : mettre un petit mouchard hadopiesque, serait-ce fauter ? Inspecter les petits paquets qui voyagent sur le réseau, pour les empêcher d’arriver à bon port, ce serait donc mal ? Crypter les données de bout en bout, ce serait donc souhaitable ?
Quoiqu’il en soit, on saisit tout de suite qu’il a urgence à agir : comme on peut le constater, tous les jours, de vilains prestataires, de méchants fournisseurs et d’abominables constructeurs parviennent à construire un Internet toujours plus fraise et de moins en moins vanille. Des entreprises privées qui empêchent complètement des internautes d’accéder à des données, ça se voit tous les jours, comme par exemple…
… comme par exemple (attendez, ça va me revenir)
… comme par exemple ah oui en Chine où le gouvernement filtre activement son réseau ah oui mais zut ce n’est pas une entreprise privée.
Mmmh.
La neutralité du net serait-elle une arme de plus pour le moutontribuable Citoyen contre le Gouvernement ? Voilà qui pourrait devenir intéressant.
Comme @nk_m ne semblait pas totalement synchro sur le sujet, elle a décidé de faire un petit playback en utilisant une troupe d’artistes convoqués pour l’occasion.
Comme d’habitude en France, quand un problème – ici, le filtrage honteux par des sociétés privées – ne se pose pas, on fait vite vite une commission, on paye cher cher des gens pour grignoter des petits fours, on fait venir la presse youpi youpi et on pond pif paf une loi totalement inutile qui viendra encombrer les textes déjà existants, tout en ne tenant absolument pas compte des technologies qui rendront l’édifice caduc six mois avant même son application.
Dans le groupe, on trouve quelques fonctionnaires ou assimilé (étonnifiant) comme le directeur de l’INRIA, le président de RENATER, de l’ISOC, des acteurs d’internet, et un avocat d’affaire. Tout ça pour discuter, je vous le rappelle, d’un problème qui n’existe pas.
Au passage, l’avocat d’affaire, dénommé Winston Maxwell, est un fervent partisan du Deep Packet Inspection, procédé qui revient, pour les fournisseurs, à rechercher dans les paquets ceux qui pourraient contenir des informations particulières. On n’est pas loin d’une commission dont la neutralité elle-même est étrangement biaisée. Cependant, pas de quoi trembler : la DPI est une blague qui risque surtout de faire basculer tous ceux qui veulent vraiment être tranquilles dans les solutions de cryptographie et d’obfuscation sévèrement burnées.
Bref, pour ce qui est de protéger les gentils naïfs qui voguent sur la toile de la non-neutralité des tuyaux privés sur lesquels passent leurs petits paquets, la commission mise en place ne semble pas tout à fait apte à proposer quelque chose d’opérationnel.
Cette commission sera-t-elle au point pour, a contrario, garantir la non-intervention de l’État sur le réseau ?
On peut en douter : la famille @nk_m ne s’est jamais spécifiquement affichée contre les trois sœurs mutantes DADVSI, HADOPI et LOPPSI. De même, tant l’incontinent de la vessie fiscale, locataire de l’Elysée que ses ministres en charge du petit monde intérieur, tous sont adorateurs d’un Loft Story national et de vidéo-reluquage à l’échelle du pays. On les voit mal se dédire « Oups pardon rayez tout ça, et en avant la musique« .
Autrement dit : sauf à imaginer que la commission prône, à la surprise générale, que l’état retire ses sales pattes du sujet, il n’y a rien à attendre de bon de tout ce mic-mac dont l’essence même est de faire croire à l’existence d’un débat là où tout est déjà joué d’avance.
D’ailleurs, on pourra jeter un œil morne à la vidéo de cet article dans lequel les intervenants se bousculent mollement pour fournir une vision pour le moins confuse de la problématique dans un salmigondis de grands idéaux et une absence frappante d’exemple concret, ponctués de petits mouvements de mains, de mots-clefs comme « démocratie », « citoyen », « débat », « régulation », qui font crier Bingo dès la première minute, et de « heu hein heu ah heu » révélateurs : tout se passe à la hauteur stratosphérique des idées de concepts de méta-abstractions schématiques.
« C’est une consultation tous azimuts, très large, parce qu’on n’a pas d’idée a priori. » y déclare ainsi la sémillante @nk_m, et on la croit sur parole : tous azimuts, c’est à dire dans tous les sens, et a priori, sans aucune idée.
Voilà qui augure du meilleur et ne fait pas du tout penser à la course d’un poulet décapité dans une basse-cour.
De mon côté, je préfère cette petite vidéo, tiens :