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Nicolas Sarkozy, Président des villes mais pas des champs

Publié le 01 mars 2010 par Hmoreigne

 En plein désarroi, le monde agricole attend un geste fort du Chef de l’Etat … qui se fait attendre. Alors que la profession traverse une crise sans précédent marquée par un effondrement dramatique des revenus, Nicolas Sarkozy était le grand absent de l’inauguration du salon de l’agriculture. Il sera néanmoins présent pour la clôture avec un discours qui devrait contenir un certain nombre d’annonce sur la réforme de la PAC qui doit entrer en vigueur en 2013.

Nicolas Sarkozy, aime à le répéter : son truc à lui, ce sont les usines. On peut en conclure que par défaut, l’ancien maire de Neuilly ne goûte guère à la chose agricole. Contrairement à ses prédécesseurs qui avaient gardé les deux pieds dans le terroir, toujours prêts à tâter le cul des vaches, l’actuel locataire de l’Elysée est un président des villes, pas des champs. A ce titre le dérapage verbal du salon 2008 (”case-toi pauv’ con”) est révélateur de la tension générée par une immersion dans un milieu ressenti comme hostile par le simple fait qu’il ne le comprend pas.

Ca tombe d’autant plus mal qu’au même titre que l’économie et les finances, l’agriculture traverse une crise qui n’a rien de conjoncturelle mais qui témoigne de la fin d’un système hérité de l’après-guerre largement bousculé à son tour par la mondialisation.C’est aujourd’hui tout le système agricole qu’il faut repenser.

Le pari hautement stratégique de l’après-guerre d’assurer l’autosuffisance agricole de l’Europe est aujourd’hui gagné au moins sur les grandes cultures. Ce résultat s’inscrit dans le contexte d’un demi-siècle exceptionnel en termes de progrès de l’agriculture à l’échelle mondiale. La pression démographique contraint à ne pas en rester là. Le nombre d’habitants de la planète devrait passer de 6,7 milliards d’habitants actuellement à prés de 9 milliards d’ici 25 ans. Concrètement alors qu’on évalue déjà à 1 milliard le nombre de mal-nourris, il faudrait que la production agricole soit multipliée par 2,25 d’ici 2050.

Dans ce contexte tendu, l’agriculture est redevenue un secteur hautement stratégique. En toute logique, il devrait être un secteur porteur qui assure des lendemains radieux à nos agriculteurs or, c’est tout l’inverse. Le contexte a changé depuis la création de la PAC dont l’objectif premier était le quantitatif et non le qualitatif. L’agriculture européenne se trouve concurrencée par des pays émergents très puissants qui assurent souvent la compétitivité de leurs produits au détriment de l’environnement. Somme toute, ce qui a été fait chez nous mais, à une échelle encore plus grande.

Dans ce paysage, la seule réponse portée par l’UE au titre de son précepte de la libre concurrence a été et continue d’être l’encouragement aux concentrations oligopolistiques, à l’agrobusiness. A titre d’illustration on retiendra que pour le secteur des exploitations laitières en très grandes difficultés, il est prévu en France de faire passer leur nombre actuel de 90 000 à 60 000 en 2015, étape provisoire avant l’objectif final de 30 000 en 2030.

Comme pour l’industrie, l’agriculture est happée par une spirale de la compétitivité incompatible avec la notion de qualité. D’ores et déjà on réfléchit à la mise en place de production laitière “hors-sol” avec des vaches stationnées en permanence dans des usines à lait. On ne parle plus d’exploitations agricoles mais d’entreprises agricoles toujours plus vastes et qui nous conduisent vers le modèle sud-américain.

Depuis 1960 les rendements ont été multipliés par 3. A cette époque il fallait un agriculteur pour nourrir 20 personnes, aujourd’hui un seul suffit pour cent autres. En 50 ans, le nombre d’agriculteurs dans la population active est passé de 30 à 2% mais cette phase d’hyperconcentration n’est pas encore arrivée à son terme.

Les consommateurs qu’on présente comme les grands gagnants de cette agriculture “performante” se trouvent en fait les dindons de la farce. A plusieurs titres : une dégradation de l’environnement qui leur est souvent facturée (dépollution de l’eau), une dégradation de la qualité des produits et une augmentation des prix. Concernant les produits laitiers, la Cour des Comptes a relevé que sur la période 2000-2007, le prix du lait a augmenté de 17% quand la rémunération des producteurs a chuté de 6%. Cherchez l’erreur.

Contrairement aux affirmations, la volatilité des prix se traduit donc par une hausse des prix à la consommation et une paupérisation des producteurs. L’un des enjeux primordiaux consiste donc à une organisation des filières indispensable pour assurer une régulation. Si elle n’était prisonnière du dogme ultra-libéral de l’UE, la PAC pourrait avoir un triple objectif : réguler les marchés, assurer un revenu minimal aux agriculteurs et permettre une “remise à niveau” de l’environnement.

Les 40 milliards affectés à la PAC, premier budget de l’UE, sont naturellement très convoités par les autres secteurs qui attendent avec avidité 2013. C’est là où Nicolas Sarkozy est attendu par le monde agricole. Le ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire a indiqué que le week-end prochain, “Il y aura des annonces et il y aura surtout, ce qu’attendent les agriculteurs, le signe très clair de la part du président de la République de sa volonté de s’engager dans le débat européen.” “Le président de la République est déterminé à se battre à son niveau, au niveau des chefs d’Etat, pour une PAC forte“, a assuré le jeune ministre, excellent jusqu’ici mais, terriblement isolé.
Bis repetita placent. “Les choses répétées plaisent” assure la locution latine. La dernière fois que le président a prononcé un discours sur l’agriculture remonte au 27 octobre dernier à Poligny (Jura). Un discours qui reprenait mot pour mot celui tenu
le 19 février 2009 à Daumeray (Maine-et-Loire). Souhaitons que les mots qu’emploiera le président en clôture du salon échappent aux lieux communs précédemment employés, à ce “chef d’entreprise qui doit s’adapter en permanence au climat, aux marchés, aux technologies, aux réglementations” et à ces références aussi douteuses que nauséabondes à la terre élément de l’identité nationale. Les hommes et les femmes qui donnent un visage au noble métier de paysan méritent mieux que cela.

Sarkozy au salon de l’agriculture
envoyé par paola38. - Plus de vidéos fun.

Nicolas Sarkozy : discours agricole à Poligny
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