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Thierry Henry, fiction d’une rédemption

Publié le 02 mars 2010 par Vinz

main-thierry-henry-france-irlande11 juillet 2010, 20H30 heure Française. Le moment tant attendu arrive enfin. La finale de la coupe du monde sud africaine va  débuter et contre toute attente, la France est de nouveau candidate au titre suprême, face à l’Espagne! Oui, la France, celle que personne n’attendait, est en finale pour prendre sa revanche sur la dernière CM, maudite à jamais pour sa fin tragique, tant au niveau du résultat, que de la mauvaise fin du film de zizou.

Après s’être facilement dépêtrée de son groupe de qualification, humiliant au passage la Céleste par un 4-0 retentissant, la France affirme clairement ses prétentions en éliminant en 8ème , les décevants argentins. Pourtant pour ce match la France est obligée d’aligner pratiquement une équipe B, car de nombreux titulaires ont été sérieusement secoués par les rugueux uruguayens. En ¼ l’Allemagne ne pèse pas lourd face à des Français entreprenants.  La ½ finale, face au   Brésil et son jeu qui ne s’illumine plus que par intermittence, confirme que l’EDF est devenue la bête noire des sud américains qui doivent de nouveau s’incliner. Ainsi pour la seconde fois consécutive, le Brésil ne sera pas en finale de CM.

Le jeu de l’EDF surprend tous les observateurs. Cette équipe moribonde il y a encore quelques semaines, est méconnaissable. L’impression d’homogénéité et d’équilibre est impressionnant. Faut  il voir dans le repositionnement de Toulalan en défense centrale un indice pour expliquer l’invincibilité de Lloris depuis le début de la compétition? A moins que le bilan offensif prolifique des attaquants, subitement efficaces, soit une autre piste! En effet, depuis que Ribéry a enfin accepté de jouer à droite et que Anelka est seul dans l’axe avec Henry sur sa gauche, les buts s’enfiles comme des perles. Il faut bien admettre, également, que Gourcuff positionné en numéro 10 – bien que son maillot affiche obstinément le 8 – derrière ce trident offensif, semble enfin bénéficier de la confiance de ces partenaires, ce  qui se ressent dans la qualité de son jeu qui a vraiment pris de l’épaisseur. D’ailleurs ses prouesses techniques ont déjà attiré l’œil du bon vieil Alex, qui aurait déjà biffé son nom sur la liste d’emplettes de MU pour la saison prochaine. Ajoutons à ce bilan, le comportement exemplaire des remplaçants et notamment Govou, Gignac et Malouda brillantes doublures de Ribéry, Anelka et Henry pour expliquer cette mutation. Seul Benzéma semble ronger son frein et vivre mal sa position sur le banc, qui lui rappelle, sans doute, sa situation madrilène.

Mais celui qui rayonne littéralement sur ce mondial, c’est Thierry Henry. Titi est dans une forme éblouissante.  A chacune de ses sorties il est irrésistible soit par la qualité de ses passes, soit par son efficacité de buteur. La métamorphose du joueur catalan n’est finalement pas si surprenante, puisque notre titi national n’a que très peu joué en cette fin de saison au Barça et l’on sait qu’il s’agit là, de sa dernière compétition internationale et qu’après la WC il filera  aux USA, finir sa carrière par un juteux dernier contrat. La motivation du joueur est donc maximale et cela se voit, car l’individu n’est pas seulement le moteur de l’équipe, c’est également celui qui accepte enfin, de parler dans les vestiaires à la place de Raymond qui n’est  plus qu’un sélectionneur  virtuel,  depuis que Blanc a accepté de prendre sa place à la fin de la compétition.  Cette information a galvanisé les troupes. La révolution de vestiaire qui s’en est suivie a bouleversé l’équipe, qui est devenue un bloc compact, soudé, équilibré…. Et autonome, à l’instar de l’équipe de 2006. D’ailleurs, il se murmure que Zizou n’est pas étranger à  ce coup d’Etat, putsch qui  se déroule sous les yeux bienveillants des grabataires de l’avenue d’Iéna, complètement dépassés par les évènements et qui ne savaient plus quoi faire pour se débarrasser de l’encombrant et traumatisant astrologue .

Mais je m’égard, la finale débute. La tension est a son comble car l’équipe espagnole joue toujours aussi bien. Fidèle a son style, complètement adapté aux qualités de ses joueurs, elle conserve bien le ballon, condamnent la France a errer dans son camp pour défendre sa cage. Cependant, petit à petit la France se décrispe, desserrant ainsi l’étau du jeu espagnol. La partie s’équilibre et ses deux équipes qui ont enchantées la compétition par la qualité de leur football,  se neutralisent, sans doute paralysées par l’enjeu.

A la mi-temps c’est un terne 0-0. Les finalistes semblent fatigués et le  feu d’artifice promis n’est pour l’instant qu’un simple feu de paille à peine attisé par quelques phases de jeu relevant plus de l’exploit individuel que de la performance d’ensemble.

A la reprise, la France semble, enfin, dominer son sujet. Elle fait main basse sur le jeu et domine des espagnols qui paraissent vraiment au bout du rouleau au fur et à mesure que la partie avance. Néanmoins, cette domination demeure stérile et cette finale ressemble maintenant à un match de boxe ou les deux adversaires groggy par les coups,  cherchent avant tout à ne pas sombrer.

Il ne reste plus que 5 minutes, lorsque Gignac rentré en lieu et place d’Anelka, il y a moins de 10 minutes, envoie Henry sur orbite par une superbe balle en profondeur. Henry, qui n’en peut plus après avoir tant donné, s’arrache une dernière fois en serrant les dents, son visage grimaçant de douleur et de fatigue. Il laisse sur place le pauvre Puyol qui tente, dans un dernier geste désespéré, d’attraper le maillot du joueur Français, en vain. Henry donne tout ce qui lui reste, dans ce dernier sprint, qui peut faire entrer l’EDF, une nouvelle fois dans l’histoire, et faire de lui le seul joueur Français a avoir gagné deux CM. Il oublie l’infortuné joueur espagnol, pour se présenter seul face à  Casillas, son meilleur ennemi  du  Réal.

Que se passe t’il, alors, dans la tête de Henry?  Pense t’il encore aux quolibets de nos moralistes,  suite à sa main contre l’Irlande, main qui le conduit aujourd’hui, à cet ultime duel face au  gardien espagnol?

Nos penseurs, journalistes, sociologues à la petite semaine ou « philosophes » de comptoir, ces êtres contemplatifs pleins de certitudes capables d’ériger la nature humaine  au titre de dogme, plutôt  que d’affirmer le doute  et l’inconscience palpable  chez n’importe quel homme digne de ce nom se sont déchaînés, jetant l’opprobre  sur le misérable tricheur .  L’analyse intellectualisée d’une situation de jeu sortie de son contexte,  pour éviter toute tentative d’expiation, effectuée par nos sages inquisiteurs, toujours plus prompts à condamner qu’a réfléchir et à comprendre, ne fait  en  réalité que confirmer cette aptitude à l’auto flagellation  et la piètre opinion  qu’ont, du propre de l’homme et de son instinct, certains de nos si brillants concitoyens, plus proches du bourreau  que du supplicié tourmenté .

Oui, ce qui passe à ce moment là devant les yeux de Thierry,  personne ne le sera jamais! Toujours est il qu’il reste lucide et lobe Casillas  venu a sa rencontre, d’une superbe pichenette. Ce but déclenche l’hystérie collective en France. Moi même, après être resté crispé tout au long de la chevauchée fantastique de Thierry, je bondis quand je vois le ballon franchir, tranquillement,  la ligne et lorsque l’arbitre siffle, enfin,  la fin du match, quelques instants plus tard, c’est la délivrance.

Dans mon village, tout le monde est dehors. Les voitures klaxonnent, les gens se congratulent et s’embrassent dans une communion qui fait chaud au cœur.

Mais le héros, c’est titi! tout le monde loue son nom ! sur les champs Elysées, c’est la fête. Les gens scandent le nom de Henry, ou Titi président, bref  le capitaine des bleus est élevé par la  vox populi, au rang de demi-dieu.

Devant ces images diffusées en boucle, sur une bonne partie de la planète, l’émotion me gagne. C’est beau un peuple heureux, c’est beau un héros!

Mais j’en avais presque oublié mon copain Brian, Irlandais pure souche avec ses cheveux poil de carottes et ses taches de rousseurs. Il me tapote l’épaule, histoire de me faire redescendre de mon  nuage en douceur et me dit:

- Thierry Henry, ce n’est pas ce joueur qui a permis à la France de se qualifier au mondial, au détriment de l’Irlande, grâce à une main ? A  ce moment, vous avez tous dit que s’était un tricheur et maintenant vous en faite un surhomme ? vous n’avez donc pas de mémoire ?

- Ecoute Brian, là tu touches à la spécificité française, voir à un fondement de ce qu’est réellement l’identité nationale, à savoir qu’on adore brûler ce qu’on a adoré la veille, mais qu’en revanche, on n’hésite pas à oublier les reproches faits à un tiers pour peut que celui-ci s’amande honorablement.  En l’occurrence, Thierry Henry qui nous ramène  la coupe du monde, a rejoint le panthéon non seulement de la gloire, mais encore de la probité et de l’incorruptibilité. A ce titre il a gagné son pardon et son intégrité ne sera plus jamais remise en doute. D’ailleurs tu verras quand il sera reçu à l’Elysée pour y être décoré de la  légion d’honneur, il sera honoré non seulement pour sa qualité de sportif mais aussi pour son honnêteté et sa moralité.

Maintenant, plus personne ne retiendra ce geste autrefois qualifié de tricherie, mais aujourd’hui, au pire commué en simple réflexe et au mieux, complètement oublié…. D’ailleurs  tu me parles d’un geste… mais de quel geste au juste?


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