Les Français et leurs démons

Scène dans le tram. Les voyageurs jouent avec leurs prothèses exosquelettiques : mp3, portables... Ils ne s'appartiennent pas dans le déplacement. Ils ne s'appartiennent pas dans leur conscience, sont les maillons du réseau infosphérique. Parmi eux, quelques Roms avec des poches de supermarché. Ils parlent une langue d'Europe centrale. Personne n'entend cette langue. Car personne ne voit les Roms.
Sauf les contrôleurs qui montent.
Papiers !
Les contrôleurs sortent déjà leur carnet à souche. Ecrivent dessus. Les Roms ne disent rien. Les autistes du mp3 et du portable s'aperçoivent qu'il y a d'autres humains dans le même espace qu'eux. Froncent les sourcils. Hochent la tête.
Une jeune Rom dit : Nous, pas argent.
Une contrôleuse répond : Allez voir l'assistante sociale !
La jeune Rom dit : Nous pas parler bien français.
La contrôleuse répond : Vous savez bien où vous adresser !
Un autre contrôleur dit : La prochaine fois c'est la police.
Les handicapés du mp3 et du portable approuvent. Tordent la bouche...
Voilà ! Une scène banale. La situation en France n'est pas aussi tendue qu'en Italie. Mais les démons sont les mêmes.
Quand l'humain apparaît à la conscience endormie par la technologie exosquelettique, c'est la méfiance qui s'installe. Voire la peur. La réalité tout entière devient une menace. Un seul grain de sable dans la mécanique du voyage, et tout pourrait basculer...