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Souffle de Vie: Aristide Najean

Par Wepulse

Cher Aymeric,
J’ai rencontré Starck à Murano, il y a peu, 13.000 heures, à Pâques 2008. Il cherchait quelque chose de particulier pour le Royal Monceau, quelque chose de profond en verre, d’autre. Il a vu dans une galerie, un assemblage de couleurs et de matières, tête de dragon, lampions, or et cuivre sur noir, transparences obscures, un peu d’humour, beaucoup de poésie, une de mes appliques. Il a voulu voir davantage ainsi que le Français installé sur l’île depuis des lustres… avec femme et enfant ! Un apatride de la création…

Notre première séance de travail de travail était consacrée à l’étude d’une tête de licorne : oreilles de lièvre, corne plus éclatante qu’un caprice, sous laquelle un led devait se nicher, un œil frontal, un museau pas trop… éviter la barbiche torsadée, peut-être deux ailes… Son trait de crayon glissait sur le calque… puis enchaîna sur un projet de lustre pour Le Paradis du Fruit (Paris George V). Il voulait de l’amour, encore de la poésie, des branchages, des fruits mûrs à point, à tel point qu’Eve succomberait à nouveau… Il fallait trouver La Pomme ! C’était un vendredi ; lundi matin avant son départ, le prototype de la licorne l’attendait ! Oui… l’enthousiasme aidant, le verre transforme tout. L’exigence engendra d’autres licornes. Elle devint Royale.

Deux mois plus tard, Starck voulait une lampe dont le pied serait un arbre incliné, mi racine, mi … avec la force de Goya, la magie de Bacon, l’animation de Burton, sans oublier la poésie de Garouste. En somme GoyaBaconBurtonGarouste… ensemble. Facile ! Tous de la même obédience, il suffisait de les réunir avec de l’ambre pilé, quelques feuilles d’or, de l’améthyste sombre enrobée de verre, le tout porté à 1.200 degrés…
Nos séances sont devenues plus fréquentes, toujours précises, efficaces, magistralement orchestrées par Jasmine, parfumées par l’apparition de Sylvie, mon épouse. Inventer une forme Schrrrmeuleu, mais pas trop pour les miroirs du Royal Monceau. Trouver mesures, densités et formes exactes pour le Restaurant Mori, Venice bar à Paris…
J’aime partager l’aventure de la réalisation d’une pièce, la recherche des matières et des formes que j’espère intemporelles, positives, étranges à la fois, afin que la création élève notre esprit. Pour Palazzina Grassi à Venise, Starck m’a offert sa confiance ! Pratiquement carte blanche avec bien sûr son Fil conducteur. Et encore de l’Amour, de la poésie. Charger l’objet d’énergie apaisante, renaissante.
J’ai créé une alcôve où le Dieu de l’amour, endormi, grave ses rêves sur un miroir. Lumières évocatrices, métamorphoses du désir, branchages de l’applique se tendent vers l’hôte, l’invitant à découvrir de nouveaux espaces. C’est une alcôve de transition, placée après la réception, avant le restaurant où Starck a développé un confortable espace SalonSalleàmangerBibliothèqueBar où une collection d’objets hétéroclites posés ça et là sur les consoles et entre les livres, expriment la croisée des chemins, des voyages et de la connaissance. On ne peut que se sentir bien au centre de ce point cardinal. Quel talent ! Dans l’entrée, deux grandes appliques fixées sur miroir, dragon, dragonne, aux langues de feu rubis et jaune froid, compositions en mouvement, s’élèvent de la terre à l’air, telles deux oppositions complémentaires.
Au-delà du restaurant, deux autres appliques sur miroir annoncent le Canale Grande. Des crabes rouges surgissent des coupes or/noir, mouchetées d’avventurina. Les tasses coquillages trouées jouent avec la lumière et la profondeur du miroir. L’infini s’y devine avec ses grandes mèches étirées, soufflées, aux allures marines…
Chacune des créations nous emmène vers d’autres rivages…
J’aime travailler le verre, dans les ateliers séculaires, laissant miroiter aux ouvriers la Terre Promise, les poussant au-delà de leur sens habituel des choses. Chercher dans la matière, par de savants mélanges, entre transparence et profondeur, la paix qu’apporte une œuvre accomplie. Etirer au maximum les expériences, faire naître ou pas, la forme tant recherchée, telle une pierre philosophale, éclatante, apaisante, révélant en nous l’amour et la confiance.
Notre prochaine collaboration sera d’élaborer un Mur de Verre, de plus de 60 mètres de long, 5 mètres de haut… un assemblage de Perles, soufflées, étirées avec des inclusions à chaud dans un Pays lointain et prometteur.
Imaginez… Pour ce faire, dès à présent, je garde mon souffle…
Bien à vous, 
Aristide Najean - Murano, 02. 03. 2010

Aristide Najean: Le Souffle

Palazzina Grassi - Venise - Photographie Ivan Terestchenko © 2009
Aristide Najean: Le Souffle

Palazzina Grassi - Venise - Photographie Ivan Terestchenko © 2009
Aristide Najean: Le Souffle

Restaurant Le Paradis du Fruit by Starck 47 avenue Georges V - 75008 Paris - Photographie Francis Amiand ©
Aristide Najean: Le Souffle

Restaurant Le Paradis du Fruit by Starck 47 avenue Georges V - 75008 Paris - Photographie Francis Amiand ©
Remerciements:
Aristide NajeanPhilippe Starck
Photographies Ivan Terestchenko © 2009 pour l'hôtel Palazzina Grassi - Venise
Photographies Francis Amiand © pour Le Paradis du Fruit by Starck 47 avenue Georges V - 75008 Paris


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