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Xynthia ou une tempête mal à propos

Publié le 02 mars 2010 par H16

Alors que les Charentes et la Vendée pansent leurs blessures, et comme prévu dès que les premières victimes furent décelées, la polémique politicienne s’est rapidement développée, histoire de donner un nouvel élan à une campagne électorale dont la médiocrité constituait quasiment le seul attribut saillant. Mais tout ceci serait presque anodin sans la pincée de sel ajoutée par le président Sarkozy, jamais en mal d’un Déplacement-Compassion (qui est un produit Demaerd, est-il nécessaire de le préciser ?)…

Je dis « déplacement-compassion », parce qu’en réalité, le chef de l’Etat ne se déplace pas juste pour les victimes. Ce serait trop simple.

En gros, un déplacement peut avoir les motifs suivants :

  • Une campagne électorale dans laquelle il est directement impliqué, dans laquelle il peut gagner quelque chose, qui peut, en somme, ajouter des points Vote.
  • Un projékiluitientacoeur, c’est à dire une initiative flamboyante sur la plan médiatique, qui débouchera sur une loi totalement inutile mais très compliquée, et qui ajoute quelques points Bisous à son palmarès.
  • Une compassion télégénique, qui revient à serrer ses petits poings fermement devant une caméra en demandant des comptes, en ne tolérant pas que ceci se reproduise, et en s’indignant qu’au 21ème siècle, en France, on puisse en arriver là comment c’est possible vraiment je vous le demande m’ame Julie. Avantage : le Déplacement-Compassion rapporte des points Bisous et des points Vote. Rentable, non ?

Le point Bisou permet à celui qui en détient d’augmenter son charisme. Le point Vote permet d’accroître ses chances d’être élu. Notons que l’un ne va pas toujours avec l’autre (l’Abée Pierre avait plein de points Bisou et pas de points Vote, par exemple, et Juppé ou Fabius ont plein de points Vote et un score minable en points Bisous – mais un gros score en Poing Danlagl, a contrario).

Les politiques sont passés maîtres dans le fait de faire croire que « un point Bisou = un point Vote », alors que chacun sait que ceci n’est vrai que pendant les quinzaines électorales spéciales où on a pu désigner un Perdant Officiel, qui est celui à qui on retire toujours tous ses points Bisous.

Cependant, on s’éloigne du sujet, puisqu’il ne s’agit pas d’analyser les règles du Grand Jeu De La République Démocratique du Bisounoursland, mais bien de comprendre ce qu’a été foutre Sarkozy dans des zones humides et la polémique qui gonfle autour de la tempête.

Et si pour prévoir des inondations, une tempête ou prendre des précautions nécessaires, il n’y a pas grand-monde sauf une fois que tout est passé, en revanche, pour relayer les interrogations fulgurantes de Nicolas, c’est la bousculade. Et on le comprend, surtout lorsqu’on lit ses interrogations, ses tourments : il veut « comprendre ce qui s’est passé » …

Pourtant, l’idée générale est assez simple, et ne demande pas des heures d’explications.

Quelques concepts simples :  tempête, grosse dépression, marée à fort coefficient, grosse vague. Ça, c’est pour la partie naturelle, qu’aucun petit moulinet politique et qu’aucune loi, aussi volontariste soit-elle, ne pourra modifier.

D’autres concepts, plus complexes : permis de construire distribués n’importe comment et en zones inondables, histoire d’assurer que le maire soit élu ou réélu, que le promoteur puisse apporter des emplois, etc. Dépenses pour aider les branleurs à droite à gauche à continuer à bloquer le pays, relancer la consommation avec de la dette en veux-tu, en voilà, et fini les sous pour les digues, ça joue aussi.

Évidemment, autant les petits coups de mentons pour les premiers, ça ne sert à rien, autant se sortir les phalanges d’arrière-trains fort encombrés, ça marcherait pour les seconds.

Mais non, il préfère s’interroger : « Il faut … savoir comment en France, au XXIe siècle, des familles peuvent être surprises dans leur sommeil, mourir noyées dans leur maison« .

Eh bien, mon brave Président, c’est assez terrible, mais c’est possible parce que, eh non, l’Etat ne peut pas tout, et même pas protéger les gens contre l’eau qui monte de 2m en 15 minutes. Il est vrai qu’accepter son impuissance, pour un politicien, c’est risquer d’ouvrir la porte à la révélation qu’on ne sert à rien. Et ça, c’est la fin du mandat et des haricots.

Comme le souligne fort justement Chafouin dans son billet du jour, la vie comporte une part de risque qu’il faut pouvoir accepter. D’ailleurs, quand on jette un œil sur la façon dont Météo France avait, en 1999, géré la tempête, on remarque que les décisions prises (ou non) sont toujours entachées de la glorieuse incertitude de l’existence : on ne sait jamais si on en fait trop ou pas assez… Et c’est la vie.

Une fois qu’on aura bien pris conscience que non, l’État ne peut pas tout (et, on l’a vu et revu, il peut paradoxalement de moins en moins à mesure qu’il grossit), on pourra aussi noter que se retrouver inondé lorsqu’on vit dans une zone inondable, c’est moche, mais … ce n’est pas totalement une surprise.

Alors, lorsque le chef de l’État, agitant nerveusement son petit doigt et secouant toujours aussi volontairement son petit menton, déclare : « Une réflexion va être engagée sur le plan de l’urbanisme pour qu’une catastrophe de cette nature ne se reproduise plus« , on en déduit que c’est couillu.

Sarko va légiférer pour interdire les ouragans. Bisounoursland Vaincra.

Oui, je sais, en réalité, le petit Nicolas veut simplement dire qu’on va encore une fois trifouiller les lois (ici, de l’urbanisme) pour trouver un responsable, châtier ceux qui n’y sont pour rien et récompenser des incompétents. Et si en plus, tout ça peut servir à pousser à la roue sécuritaire, mettre des p’tites caméras partout, des p’tites lois pour agrandir la nurserie, des p’tits règlements pour ne surtout pas prendre de risques, c’est encore mieux : « On ne peut pas transiger avec la sécurité (…). De mon point de vue, la sécurité est prioritaire. »

Sécurité qui passera en fait toujours après une élection, comme on l’explique fort bien dans cet article de Libération :

Sauf qu’en pratique, les élus cèdent souvent à la pression des promoteurs et électeurs qui souhaitent construire en bord de mer. «On subit des pressions, c’est clair, reconnaissait lundi matin Chantal Jouanno, secrétaire d’État à l’Écologie. C’est un combat perpétuel. On est constamment accusés de vouloir empêcher les constructions.»

En attendant, Sarkozy a décidé de distribuer 3 millions – ça aurait pu être deux, ça aurait pu être vingt, ce n’est pas son argent, après tout. Le chèque est petit, mais les finances sont exangues et le Point Bisou n’est pas corrélé au montant des aides.

Au passage, rappelons qu’après ce petit chèque, l’Etat oubliera bien vite les victimes pour se concentrer sur les vraies choses importantes de la vie : les combats de petits-pois à la cantoche.

Etat : le goût des choses simples

En revanche, l’État sera là, comptez-y, ponctuel comme un coucou suisse, pour demander à ces mêmes victimes les impôts locaux et la taxe foncière.

C’est avec ces impôts et ces taxes que, normalement, on entretient des digues.

Alors, heureux ?


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