Prévue par l’article L.716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, la contrefaçon d’une marque est caractérisée par la réalisation d’un acte matériel portant atteinte au signe protégé.
Alors que l’ensemble du contentieux porte généralement sur des faits de reproduction, d’usage ou d’apposition d’une marque sans autorisation du titulaire, un récent arrêt rendu par la Cour de Cassation permet de nous pencher sur les faits d’altération d’un signe.
Ainsi, la société Champagne Louis Roederer est titulaire de deux marques françaises déposées en couleur et constituées par la collerette et l’étiquette or et bordeaux. Afin de contrôler les circuits de commercialisation des bouteilles et d’en assurer une meilleure identification et traçabilité, la société inscrit un code d’identification client dans le coin inférieur droit de l’étiquette.
Or, suite à une saisie-contrefaçon opérée dans les locaux d’un supermarché, le producteur de champagne a relevé l’existence de 6 bouteilles dont le code client avait été rayé par un épais trait noir.
Estimant cette altération répréhensible, il assigne le supermarché et son fournisseur pour violation des dispositions de l’article L.217-2 du code de la consommation et L.713-2 b) du code de la propriété intellectuelle quand bien même les défendeurs affirmaient ne pas être les auteurs de cette rature.
La Haute Juridiction devait ainsi se prononcer sur le fait de savoir si le fait de noircir un code d’identification client apposé sur une étiquette protégée à titre de marque constituait un acte de contrefaçon.
Contrairement à la décision de la Cour d’Appel, la Cour de Cassation fait une application restrictive mais juste du droit des marques en considérant que cette rature ne consistait pas en une atteinte physique du signe. En effet, dans le cas d’espèce, l’élément enregistré, et donc protégé à titre de marque, était l’étiquette et non le code d’identification inscrit postérieurement par le producteur.
Pour que cette altération entre dans le champ d’application de l’article L.713-1 b), elle devrait porter sur l’esthétique même de la marque. En conséquence, restent inopérants les arguments selon lesquels cette rature était à l’origine d’un préjudice commercial pour la société Roederer, préjudice caractérisé par la privation du contrôle de la qualité de ses produits ou l’étanchéité de ses circuits de distribution.
L’absence de reconnaissance de la contrefaçon dans le cas d’espèce est cependant palliée dans une moindre mesure par les dispositions de l’article L.217-2 du code de la consommation. En effet, cette disposition condamne notamment tout fait matériel d’une personne qui a sciemment altéré un signe apposé sur les produits de nature à les identifier sous peine d’être la cause d’une tromperie sur l’origine, la nature, les qualités substantielles ou la composition des marchandises.
Dès lors, c’est à juste titre que la Cour de Cassation a confirmé la décision de la Cour d’Appel qui avait admis l’existence d’une faute du vendeur et de son fournisseur, alors même qu’ils alléguaient ne pas être les auteurs du trait litigieux estimant qu’ils avaient une obligation de vérification des bouteilles commercialisées.
Au-delà des questions techniques relatives aux faits contrefaisants, cet arrêt de la Cour de Cassation permet également de démontrer la complémentarité des différents textes de loi applicables.
Sources :
-Cour de Cassation, arrêt du 19 janvier 2010, N° Pourvoi 08-70036, Champagne Louis Roederer c/ Stés Destouches Dominique et Bellevue distribution
-Cour d’Appel de Rennes, 1er avril 2008, pourvoi n° 07/00079
-Code de la Propriété Intellectuelle
-Code de la Consommation