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Publié le 03 mars 2010 par Scienceblog
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h oui, depuis que je m’intéresse à cette notion qu’est la vulgarisation, j’entends toujours et encore la même chose. Laquelle ? Une version barbante et conservatrice nous en est proposée par Dominique Wolton dans le numéro n°1 du journal « Le prisme à idées ». Quelques fausses idées s’agglutinent autour d’une pensée jamais renouvelée de ce qu’est la place des scientifiques dans la société. Parmi lesquelles, on peut citer :

  • Les journalistes scientifiques sont insuffisamment là : 1/100 journalistes. On oublie trop souvent que de nombreux sujets de science sont traités par des journalistes généralistes (et parfois plutôt bien), et que les journalistes spécialisés sont la plupart du temps (et c’est particulièrement vrai pour les journalistes scientifiques) employés dans une presse spécialisée. Donc, les journalistes parlent plus de science qu’on voudrait croire, mais pas comme on aimerait. Plus loin, la description de cette médiation indique très clairement que, pour être journaliste scientifique, il faut impérativement être scientifique ou amateur de sciences. Je préférerais que la personne sache écrire sache défendre un angle : la culture scientifique est un plus.
  •  » Le mythe du scientifque isolé dans sa tour d’ivoire, et se refusant à voir les enjeux économiques et politiques de son activité est aujourd’hui inadmissible et tout simplement devenu impossible. » A t’il seulement existé ? Les scientifiques ont aujourd’hui une position ambivalente vis à vis de la vulgarisation scientifique et des médias. Ca a toujours été, et ce dès que la science populaire a existé. C’est cette pratique de la popularisation des sciences qui rend la chose ambivalente. Mais, comme le dit Wolton, le scientifique (tiens, il y aurait « un » scientifique comme il y aurait un « grand public ») a besoin de ses liens politiques et économiques. Il parait donc normal qu’il communique. Oui : ça fait même partie de son travail, figure toi !! Et je ne parle pas que de vulgarisation, mais aussi de travail vis à vis de ses collègues. La production du savoir, c’est cela aussi : construire un discours, qui peut aller du plus compliqué au plus simple, du plus spécifique au plus évident, éliminer les à coups. Voilà pourquoi la pratique de la vulgarisation est importante pour les scientifiques : ils le savent très bien. Cette pratique socialise le savoir et ramène des pépètes. Ce rapport vis à vis de la vulgarisation n’est donc pas qu’instrumental : il permet aussi au scientifique de travailler son discours, et donc de peaufiner le savoir qu’il produit : ça fait partie du métier de chercheur.
  • « Nous ne portons que très peu d’attention aux activités technologiques, alors que la France dispose  de très bons ingénieurs. C’est une erreur. » Encore un qui fait un mélange entre science et technologie, signe qu’il y connaît quelque chose !! D’autant plus que, quelques phrases plus tard, il annonce « Les élites françaises entretiennent une fascination pour les sciences dites pures, au détriment des sciences appliquées. ». Il n’y a donc pas de différence notable entre la pratique ingénieure et la pratique théorique ou expérimentale. On mélange tout. C’est d’autant plus dommageable qu’effectivement, il est plus facile de vulgariser des applications pratiques et leur réalisation que les résultats théoriques et expérimentaux dont ils découlent. J’aurais même tendance à dire que, puisqu’il est si différent de vulgariser une science appliquée et une science « dure », alors, les choses ne doivent pas être les mêmes. Mais probablement je confonds tout moi aussi.

Bon, je ne vais pas continuer comme ça, commenter ce ramassis de conneries m’est déjà assez pénible. On va oublier la description de ce qu’est un journaliste scientifique, les allers retours des scientifiques entre la sphère science et la sphère société, la place des scientifiques dans les médias, avec des lieux communs qui feraient rougir Jean-Pierre Pernod. Non, ce n’est pas bien d’instrumentaliser à l’excès les médias. Pas plus pour un scientifique que pour un autre. Dans son cas, sa position d’expert rend la matière médiatique certes plus « friable », mais c’est à la société et la démocratie de se positionner.

On ne questionne pas la difficulté du journaliste de trouver un angle pour l’appréciation de ce qui est dit par l’expert. D’autant plus quand il est généraliste. Ici, on aime le blog de Sylvestre Huet (et ses écrits dans Libé) parce qu’il sait ce qu’il fait. Et il le fait bien.Mais c’est difficile. Il faut apprendre à déboulonner l’expert, et ne plus prendre partie pour l’un ou pour l’autre. L’introduire dans notre dispositif démocratique, arriver à lui trouver une place. Ne pas le laisser à l’extérieur et lui demander son avis, lui mettre un coup de projecteur dessus si nécessaire, puis l’oublier. Ce ne sont pas les rapports des sciences avec les sociétés qu’il faudrait voir, mais plutôt l’inverse.

Et cette conclusion : « La communication est l’un des enjeux scientifiques du XXIème siècle. » Je suis soufflé.

Vous me direz : « Arrête de tirer sur les ambulances, ce n’est pas très malin, il est là, on y peut rien. » Vous avez raison bien sûr. Mais j’aimais bien sa notion de « culture moyenne » et me rendre compte aujourd’hui que ce n’est qu’un outil qui lui permet de différencier maladivement « eux » et « nous », les prolos et les aristos, le peuple et les élites, les uns et les autres … le savoir ne rend pas meilleur, la société des Lumières est une utopie inutile. Croyez moi !

Je mélange tout à nouveau …


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