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Le mythe sécuritaire de Sarkozy

Publié le 04 mars 2010 par Juan
Le mythe sécuritaire de SarkozyCe n'est pas un obscur groupuscule antisarkozyste qui l'explique. L'Express a fait sa "une" de la semaine dernière sur ce titre. Quand on critique l'efficacité de la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy, son "ADN politique" depuis 2002, on se voit rétorquer que l'on ne retient que les mauvais chiffres pour oublier un bilan "globalement positif". Voici donc une analyse plus globale, qui rejoint le constat de l'Express, et basée sur les statistiques officielles, le bulletin pour l’année 2009 de l’ONDRP, publié le 14 janvier 2010.
Un mauvais bilan
L'introduction du dossier de l'hebdomadaire est sans détour: "A l'Intérieur puis à l'Elysée, le président a fait de ce dossier un étalon de sa politique. Or, ni les efforts déployés ni certains succès ne sont parvenus à enrayer les tendances lourdes de la violence. Du discours aux résultats, analyse d'un bilan qui interpelle aussi la gauche."
L'hebdomadaire rapporte que le Monarque élyséen en tiendrait rigueur à ses successeurs de la place Beauveau (Michèle Alliot-Marie puis Brice Hortefeux) des mauvais résultats en matière de lutte contre l'insécurité:
"Le président le fait comprendre à plusieurs interlocuteurs: depuis son départ de la Place Beauvau, en 2007, ses successeurs dilapident l'"héritage". Son héritage. Ses deux passages en cinq ans à l'Intérieur (2002-2004, 2005-2007) l'ont marqué."
Pourtant, cet échec - car échec il y a - est le sien.
L'hebdomadaire recense les promesses non tenues, citations à l'appui, comme sur les violences dans les stades ou en milieu scolaire, ou les incendies de véhicules à chaque fin d'année : "Il faut mettre fin à la détestable habitude de brûler des voitures à Strasbourg. Maintenant, il faut que ça cesse." Nicolas Sarkozy promet même d'indemniser les propriétaires de voitures brûlées. Sept ans plus tard, la police en est réduite à restreindre sa période de comptages des voitures la nuit de la Saint Sylvestre... même à Strasbourg.
L'Express reste modeste : "pendant la période 2002-2010, Nicolas Sarkozy n'a pourtant pas lésiné sur les moyens", mais "ce changement n'a pas encore porté ses fruits."A lire l'Express, Nicolas Sarkozy tenterait donc de faire croire que ses successeurs sabordent son travail. La réalité, comme souvent, est tout autre. A relire le bilan détaillé de l’ONDPR, on réalise que le bilan sécuritaire de Nicolas Sarkozy tient du mythe pour les délinquances les plus violentes et sur lesquelles il a le plus insisté lui-même depuis 2002. Un comble !
Primo, l’efficacité de la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy depuis 2002 est en cause : la boulimie législative et réglementaire depuis 2002 n’a pas servi à grand-chose. Pourtant, comme le reklève l’Express, Sarkozy s’était donné les moyens ! L’ONDPR souligne, sans son bilan annuel, que le nombre de personnes mis en cause a cru de 30% de 2002 à 2009 pour atteindre 1,175 millions de personnes l’an passé. Les gardes à vue (hors délits routiers) sont passées de 336 000 en 2001 à 580 000 en 2009. Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) recense 3 463 000 individus (contre 1 597 000 en 2002). Dans le même intervalle, le nombre d’affires résoluées à l’aide du FAED est en hausse mais reste marginale : 9 637 en 2009 (contre 7 000 en 2002). Un autre fichier, mis en place en 2002, le FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génétiques) recense 1 386 000 personnes. D’après l’ONDPR, il aurait permis la résolution de 65 375 affaires en 2009.
Les atteintes aux biens ont bien été réduites, mais les dispositifs de protection mis en œuvre par les fabricants (voitures, maisons, etc) sont aussi responsables de cette améliorations. La totalité des « effets d’annonces » de Nicolas Sarkozy contre la délinquance, sur des faits divers ou collectifs bien précis, n’ont pas été suivis d’effet : incendies volontaires de voitures, violences aux personnes, vols violents contres des femmes en lieu public, etc.
Deuxio, Nicolas Sarkozy était parvenu en 2007 à faire croire que son action avait payé. Le voile est tombé. Les atteintes aux personnes n’ont cessé de progresser depuis 2002. Or cette insécurité-là est la plus agressive, la plus violente, la plus insupportable, et surtout, la plus directement visée par les rotonmontades de l’ancien ministre de l’intérieur : peines planchers, durcissement des règles de repression contre les mineurs délinquants, rétention de sûreté, décret anti-cagoules ou mesures anti-bandes, toutes ces dispositions visaient en premier lieu la forme la plus choquante et la plus médiatisée de la délinquance : les atteintes contre les personnes.
La délinquance qui baisse, et celle qui monte.
L'ONDPR découpe la délinquance en trois catégories. Et le bilan n'est pas fameux.

1. Atteintes aux biens (faits constatés de vols et de destructions et dégradations) : 2 708 934 actes en 2004 ; 2 227 649 en 2009, soit une baisse de 18% en 5 ans
Cette baisse significative explique la diminution générale, et relayée par l’UMP, de la délinquance. Dans le détail, les vols représentent l’essentiel de ces atteintes aux biens (1,8 millions). Ils ont été stables, masquant une baisse jusqu’en 2007, puis une reprise en 2008 puis 2009. On se souvient de Brice Hortefeux énervé par la hausse des cambriolages l’été dernier.
L’amélioration des dispositifs de sécurité sur les biens se lit dans la baisse continue des vols de véhicules de 2004 (853 714 actes recensés cette année-là) à 2009 (629 509). Les vols avec violences restent marginaux (environ 107 000 par an sur un total d’environ 1,8 millions de vols), dont 85% sans armes. Mais, là encore, l’efficacité sarkozyenne est à la peine : les résultats sont erratiques : + 5 000 en 2005 ; +3000 en 2006 ; -14 000 en 2007 (année d’élection) ; - 6000 en 2008 ; + 6000 en 2009.
La seconde catégorie d’atteintes aux biens sont les dégradations et destructions. Elles sont en baisse notable (-400 000 actes entre 2004 et 2009), malgré une hausse en 2005 (émeutes de novembre, générant + 28 000 faits constatés).
2. Atteintes volontaires à l'intégrité physique : 391 857 actes en 2004 ; 455 911 en 2009, soit une progression de +16% en 5 ans.
Ces atteintes aux personnes ont progressé de +5% en 2005 par rapport à 2004, +5,6% en 2006 versus 2005 ; de +2,4% en 2008 versus 2007 et de +2,8% en 2009 versus 2008. La seule année épargnée fut, comme « par hasard », l’année 2007 (-0,2% versus 2006).
Quand on rapporte ces évolutions au nombre d’habitants depuis 1996, le constat d’échec est plus sévère encore : l’ONDPR relève que « 7,3 atteintes ont été enregistrées pour 1000 habitants, soit le taux d’atteintes le plus élevé depuis 1996. A cette date, moins de 4 atteintes de type violences ou menaces avaient été constatées pour 1000 habitants ».
Parmi ces 455 000 violences aux personnes, 240 000 sont « non crapuleuses » (en hausse continue depuis 2004), 112 000 sont « crapuleuses » (en hausse de 2004 à 2006 ; en baisse en 2007, puis stable ensuite) ; 80 000 sont des « menaces et chantages » (en hausse continue depuis 2004) ; et 23 000 sont des violences sexuelles (quasi-stable depuis 2004).
Les violences « non crapuleuses » recoupent celles sans motif de vols. Rapportées à la population, elles ont doublé en 13 ans: 1,7 pour 1000 habitants en 1996 ; 3,8 pour 1000 en 2009. Bravo Monsieur le président ! Sur la période récente 2008-2009, elles sont stables, la hausse s’étant effectué de 1996 à 2001 (de 1,7 à 2,5) puis, avec davantage de vigueur (sic !), de 2002 à 2007 (2,5 à 3,6) quand Nicolas Sarkozy était ministre de l’intérieur.
Parmi elles, les coups et violences volontaires non mortels sont largement responsables de leur hausse continue générale : 138 000 en 2004, 193 405 en 2009. Les viols sont quasi-stables depuis 5 ans, à 10 000 cas recensés par an. Les agressions sexuelles restent figées à 13 000 cas annuels depuis 2005.
3. Escroqueries et infractions économiques et financières : 329 955 en 2004, 370 728 en 2009, soit + 12%
La plus forte hausse se trouve chez les « escroqueries et abus de confiance » (+75 000 sur la période). Là aussi, rapporté à la population, leur taux plus que double depuis 1996. Les infractions liés à des chèques volés sont en chute libre, sans que les falsifications de carte bleue n’explose en parallèle (en moyenne à 51 000 par an sur la période).
Ces statistiques sont sujettes à caution, car incomplètes. L’ONDRP rappelle lui-même qu’elles « correspondent à la partie de la délinquance qui est portée à la connaissance de la police et de la gendarmerie. Toute assimilation de cette partie à l’ensemble de la délinquance commise revient à ignorer qu’il existe de très nombreuses infractions qui ne sont pas suivies d’une plainte ». En d’autres termes, les faits recensés dans les « mains courantes » n’y figurent pas. L'ONDPR reconnaît que ses propres statistiques, par ailleurs mauvaises, sont incomplètes.
Autre biais statistiques potentiel, la manipulation du recensement d’infractions par les services eux-mêmes : les fameuses « infractions révélées par l’action des services » ont baissé de 3,25% en 2009, après une hausse continue depuis 2001 (219 863 en 2001, 384 784 en 2008, et 372 264 en 2009). Quand il faut afficher de bons chiffres, on lève le pied, n'est-ce pas ?
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