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L’impossible critique des médias par la gauche – Le cas V. Peillon

Publié le 06 mars 2010 par Vogelsong @Vogelsong

L’escapade aura duré presque deux mois. Puis V. Peillon est rentré à la niche. Cette place douillette que les journalistes réservent aux rhéteurs obéissants. On n’abandonne pas la vache sacrée A. Chabot au milieu du marigot de l’identité nationale sans subir les foudres du milieu. On ne demande pas sa démission sans rétorsion draconienne. Piteux, pathétique, le député socialiste V. Peillon regrette ses paroles maladroites. Pour se justifier, il poussera l’affliction jusqu’à prétexter un conseil politique de cuisine de son fils, 13 ans. D’autant plus que cela cache une problématique plus profonde, l’impossibilité de la gauche de gouvernement à échafauder une critique des médias. Navrant.

Un panache dur à avaler

L’impossible critique des médias par la gauche – Le cas V. Peillon
Le geste relève du panache. Certains firent mine de ne pas comprendre. D’autres déplorèrent la forme. Pourtant, planter un débat indigne sur l’identité nationale dans le contexte hexagonal montre simplement de la sagesse. Le service public qui se met au diapason des sujets méphitiques du ministère de l’Immigration et de l’identité nationale. Cela ne mérite pas mieux qu’une chaise vide, voire même un renversement de table. On ne débat pas. Et si possible, on torpille l’entreprise. Telle fut l’incartade de V. Peillon. Deux mois plus tard, il donne une interview sur Public Senat ou il déplore sa maladresse en demandant la tête d’A. Chabot. Il se ridiculise d’autant plus en “euphémisant” de sa prétendue erreur de communication. “J’ai fait ça dans ma cuisine. Mon fils qui a 13 ans est passé. Il m’a dit, tu ne devrais pas mettre ça (la démission d’A. Chabot). C’était mon seul conseiller. Les choses sont artisanales. Je pensais qu’il était surtout bon en football. En fait, il est meilleur que moi en politique”. Il confirme quoi qu’il en soit du piètre contrôle de son image, de ce qu’il dit, et de la manière dont il le dit. L’affaire pliée, V. Peillon passe pour une manche à air de la politique. Un philosophe de gauche don quichotesque. Ce qui arrangerait bien tout le monde.

Difficile exercice de la critique en milieu verrouillé

Pas simple de faire de la critique de médias dans les médias. Encore moins d’utiliser un média comme un miroir grossissant des tares médiatico-politiques d’un pays malade. Comment dénoncer l’indigne, en participant à un débat indigne ? V. Peillon a choisi le coup de communication, la présence par l’absence, l’imposition aux caméras par l’effacement. Quand A. Chabot, le visage ravagé par la haine, annonce que le philosophe lui a fait faux bon, le coup bien qu’éphémère (la suite le prouvera) prend tous son sens et remplace tous les débats possibles. Au lieu d’une relégation en fin de programme, après les siamois de la haine (M. Le Pen et E. besson), il s’impose en trublion du soir. Il déjoue le Spectacle. Celui savamment préparé, qui fabrique le consentement à une idéologie dominante. Une idéologie qui permet de devenir le Président de la France. Un mélange de xénophobie et de ferveur patronale.

Intrinsèquement la télévision véhicule une pensée de droite, celle du néo conservatisme le plus crasseux. Repoussant chacun au fond de son individualité. Le téléspectateur passif reçoit par paquets des décharges d’émotions entrecoupées d’incitation à la débauche consumériste. Au milieu du fatras, de birbes médiacrates, qui font du spectacle politique télévisuel depuis que la télévision existe, tentent de donner corps à un débat. Sous couvert de déontologie journalistique, on organise la démocratie. De telle manière que le spectre des points de vue ne s’éloigne pas d’une pensée dominante. A. Duhamel, A. Chabot, D. Pujadas, C. Imbert, L. Joffrin et tous les imprécateurs du cirque audiovisuel pensent à peu près la même chose à quelques nuances près. Souvent formelles. Ils chantent les mélopées de la réforme, la pédagogie du renoncement et l’intangibilité du système de concurrence.

Le parti socialiste tétanisé

En bon réformateur V. Peillon s’abstient de remettre en cause les fondements du système de marché. Comme ses camarades du PS, il préfère atténuer les douleurs des réformes, des dégâts du renoncement et de la concurrence de tous contre tous. En bon réformateur, V. Peillon devrait (aurait dû) comme ses “amis” du parti socialiste participer au débat organisé par la télévision afin d’apporter une nuance compassionnelle à la thématique dominante. Et quand le philosophe ne le fait pas, qu’il dynamite le projet, ses camarades le regardent se dépêtrer. M. Aubry après cette affaire a rapidement pris ses distances. Les “Royalistes” trop contents de voir l’homme qui a repoussé leur madone en difficulté se sont gaussés sous cape. Aucune voie ne s’est élevée, personne n’a fait front avec le rétif député. Bien au contraire. On a critiqué l’homme, la méthode, on a courbé l’échine face aux promesses de la télévision. Car promesses, il y a. Celles de l’exposition, des lumières, du droit d’exister. Celles d’une campagne qui s’annonce où il faudra être le moins maltraité pour quémander le droit de participer au suffrage suprême.

La gauche de gouvernement s’abstient de critiquer les médias. Intrinsèquement de droite, ils véhiculent la soumission et la domination. La télévision est un cadre hostile aux idées de gauche, à la réflexion et à la causalité. On y pratique plutôt la pensée molle, la conséquence directe, l’image-choc. En terme de débat démocratique, et compte tenu du retard pris dans le martelage sur l’obligation des réformes, il faudrait des mois de remise à plat pour déconstruire ce qui semble être des évidences (trou de la sécurité sociale, taxation des nantis, etc.)

V. Peillon a tenté. Seul. Il s’est ravisé. Claudiquant il est rentré dans le rang. Encore jeune, il compte sur l’oubli d’ A. Duhamel, N. Saint-Criq ou A. Chabot et consorts pour lui donner sa chance. Plus tard. S’il est sage.

Vogelsong – 5 mars 2010 – Paris


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