La mise en garde de Jon Cruz sur l’implémentation du support CMJN dans Inkscape nous rappelle l’importance de ce sous-ensemble dans la chaîne graphique.
Pour autant, le CMJN est-il un passage obligé du prépresse? Faut-il donner raison à ceux qui pensent encore — et ils sont nombreux — que la conversion CMJN est obligatoire pendant la retouche?
De l’intérêt de la conversion
Indiscutablement, la conversion d’un espace RVB vers CMJN est indispensable à l’impression professionnelle (hors DFAP), qui doit répondre aux contraintes liées à un sous-ensemble de couleurs limité à ce que peuvent reproduire les encres physiques. Il faudra de toute façon convertir son travail RVB en CMJN avant impression. La question est: quand devient-elle indispensable?
Image d’albion80 – Licence RGBStock
Le CMJN est irrécupérable
Une fois que l’opération de conversion a été réalisée, le profil a effectué sa partie du travail: il a réduit le gamut du vaste sous-ensemble RVB à celui, beaucoup plus restreint, du CMJ. Quelle que soit la méthode employée (perceptive, adaptative…) il y a eu perte des couleurs. Ces couleurs ne peuvent être récupérées. Si l’on souhaite par exemple retoucher une image dans le mode RVB pour récupérer des informations et une profondeur de couleur plus importantes, l’action de lui appliquer un profil RVB ne servira à rien car nous aurons déjà limité le nombre de couleurs de l’image.
De la même façon, convertir une image CMJN entre deux profils CMJ ne peut se faire qu’à l’aide d’un profil spécial appelé device-link profile qui permettra de convertir proprement le fichier CMJN initial dans le mode L*a*b, puis de le réduire une fois encore dans le nouveau profil CMJ.
Le mode CMJN doit être la dernière conversion avant l’impression, lorsque la séparation des couches se voit justifiée. Avant cette limite, toute conversion peut se révéler plus destructrice que bénéfique.
CMJN et actions sur l’image
Agir en mode CMJN n’implique pas qu’une restriction du nombre de couleurs, mais aussi de leur profondeur. De la même façon que, lorsque vous réduisez les couleurs de votre image d’un sous-ensemble RVB à un autre CMJ vous limitez son gamut, manipuler une image en CMJN revient à limiter irrévocablement la profondeur des couleurs.
Également, prenons l’exemple suivant auprès d’un logiciel qui permet d’ores-et-déjà la conversion en natif: Photoshop. Lorsqu’on y passe du mode RVB en CMJN, certains filtres et réglages deviennent inaccessibles. Il faut revenir en mode RVB pour les retrouver, et cela sans regagner les autres bénéfices du mode.
Image de wax115 – Licence RGBStock
Peut-on se passer de travailler en CMJN?
Il fut un temps où la conversion en CMJN était indispensable pour constater les changements apportés aux couleurs lors de la réduction de leur nombre. Ce n’est plus vrai aujourd’hui, grâce à la possibilité de prévisualiser cette conversion et les modifications qui en découlent. Gimp, Inkscape et Scribus intègrent une gestion des couleurs parfaitement fonctionnelle et personnalisable.
Retarder la conversion
La personne qui effectuera la meilleure conversion possible reste l’imprimeur: en fonction du grammage et de la texture du papier, de son matériel et du procédé d’impression, voire des délais, il sera le plus à même d’effectuer la juste transformation de votre document.
Si vous souhaitez créer un document prêt à imprimer, voyez avec lui pour savoir comment il travaille et ce qu’il attend, et n’effectuez la conversion que lors de l’export PostScript à partir de Scribus: vous conserverez ainsi vos fichiers bitmap et vectoriels originaux, avec la possibilité de les retoucher.