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L’art raffiné du giallo par Patrice Verry

Publié le 06 mars 2010 par Darkplanneur @darkplanneur
Dario_Argento A l'occasion de la sortie du film Amer mercredi, Patrice Verry expert en cinéma de genre, nous donne sa vision d'esthète du Giallo, un régal des sens... des sens interdits bien sûr! Veuillez installer Flash Player pour lire la vidéo
« Tutti I colori del buio » (1972), « Lo strano vizio della signora Wardh » (1971), « La corta notte delle bambole di vetro » (1972), « Una lucertola con la pelle di donna » (1971), « Perche quelle strane gocce du sangue sul corpo di Jennifer ? » (1972), « Rivelazioni di un maniaco sessuale al capo della squadra mobile » (1972),  « I corpi presentano tracce di violenza carnale » (1973)…
Le giallo est un genre possédé par la fascination, celle des femmes, du corps, de la peau, de la séduction, du regard, des couleurs, des ombres, de l’arme blanche, de l’énigme, de la déviance, de la mort,…un univers baroque et mystérieux. Le souci du détail (l’incroyable sophistication de « L’oiseau au plumage de cristal » ou des « Quatre mouches de velours gris », tous deux de Dario Argento) inscrit l’intrigue dans un décorum unique au genre. Victimes, enquêtes, chantage, rebondissements, tout est prétexte à l’étonnement.
Etres fantomatiques, souvent cagoulés, les tueurs, dont on ne distingue qu’une ombre, un geste, le reflet d’une arme aiguisée, reflètent une obsession du voyeurisme et du désir séminal de la « capture ». Autant de dissimulations qui accompagnent une atmosphère anxiogène qui délimite un rapport au passé souvent peu anodin. Si certains sont marqués par le sceau des prémonitions, ou de l’amnésie, les récits tragiques ayant pour trait l’enfance sont légions – le refoulement est roi. Ici le terreau de la psychanalyse est dense, douteux, et sujet aux pires cruautés. La trahison comme fatalité.
Des créatures envoûtantes, des héroïnes troublantes, des victimes fascinantes, des puzzles de regards aimés et paniqués, des corps mélancoliques disloqués  …Qui pourrait résister aux appels de la chair d’une Barbara Bouchet, Rosalba Neri, Edwige Fenech, Evelyn Stewart, Anita Strindberg, Caroll Baker, Susan Scott ou Margaret Lee. Courbes et boucles semblent dessiner des fantasmes inavoués.
Souvent, derrière le masque, se cache « une » femme. Séductrice, elle profite, maniaque elle émeut. Vénéneuse, elle opère dans des paysages oniriques. Incarnation de personnages détraqués, elle flirte, tisse, traque et tue. Derrière le déguisement elle aiguise le scalpel et saigne sa proie baignée dans des ambiances moites et oppressantes. Parti-pris parfois misogyne, l’art de la forme ou l’ombre du fonds s’exhibent dans un univers où le soupçon est devenu érotique.
Pellicules fétichistes, les giallis s’épanchent sur les corps comme un sanctuaire. Corps dénudés, exhibés, sanctifiés, menacés, tailladés. La peau moite, délicate, frissonnante, caressée par une esthétique graphique unique quasi orgasmique, est une proie en proie aux errances du regard brûlant de l’assassin. L’image du refuge anatomique, exposé avec soin par le jeu des éclairages et des prises de vue, est constamment menaçé par les errances morbides et les outrances sadiques d’un tueur au mobile mystérieux.
Si les scénarios sont parfois alambiqués, le giallo reste une expérience esthétique. Les partitions sonores font parties des combinaisons magiques du genre, Ennio Morricone en est un des chantres. Le prisme d’une époque. J’oubliais…en Italie, le giallo (qui signifie jaune), désigne des ouvrages policiers (sorte de pendant de notre Série Noire). Par extension cette appellation regroupe un genre, dérivé du polar, qui va être appelé à s’imposer au cours des années 70. On a coutume de considérer La fille qui en savait trop (Mario Bava, 1962) comme le tout premier giallo à part entière…
Si vous aimez les expériences, glissez-vous dans ces univers organiques….
Patrice Verry

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