Le connard

C'est pas tous les jours que ça m'arrive. Pas tous les jours non plus que je pense en ces termes d'une personne. Ces derniers jours, j'ai eu à faire  à un vrai connard. Un niveau ligue des champions.Le connard est une drôle d'espèce, que je découvre toujours avec circonspection. Je n'irais pas jusqu'à lui renifler le cul, mais je ne suis pas loin de retrouver avec lui des réflexes disons ancestraux. Un bon gourdin, me dis-je, ça ne ferait pas de mal. Le connard est comme ça. Il vous rappelle le primate. Le connard m'intrigue. J'aurais une loupe, je le louperais avec délice. Je ne pense pas comme lui. Je ne parle pas comme lui. Nous avons tout lui et moi pour ne pas nous comprendre. Et c'est heureux.Pourtant, à force de persévérance, j'ai fini par le comprendre, ce connard. Essayer, d'abord. Réussir, ensuite. Ça nous fait une différence de plus. Car je vois bien que lui non seulement il ne me comprend pas, mais en plus qu'il n'essaie même pas. Il me prend donc pour un con, ce qui ne me déplaît pas. D'autant que je sais par ailleurs que je l'effraie un peu, ce qui me plaît d'autant plus.Ce connard là ne pense qu'au pognon. Il y a d'autres sortes de connards, mais c'est celui-là qui m'importe aujourd'hui. Ce connard-là, donc, fait partie de ceux dont l'œil devient torve dés qu'il y en a à gagner, du pognon, et de ceux dont l'œil panique dés qu'il y en a à perdre, du pognon. Incontestablement, il est de ceux qui vendraient père et mère. C'est d'ailleurs un peu ce qu'il fait. Il dilapide à petit feu ce que ses parents ont construit.C'est en cela aussi que c'est un connard. Le pognon pense dans sa tête et ça manque de sens, tout cela. Au bout du compte.Ce connard là pense que tous ceux qui ne sont pas de son monde sont des cons. Ca fait donc un paquet de cons. Le connard se dit sans doute que ce monde est cruel de lui mettre autant de cons sous le nez. L'argent, il est vrai, n'a pas d'odeur. Heureusement qu'il est là, pense-t-il, dézinguant tous ces cons qui polluent son monde. Peu de gens trouvent grâce à ses yeux. Il a des avis sur tout. Il remue la tête en constatant comme ce monde est nul. C'est assez logique. Ce disant, le connard se fait du bien. Il se mire. Car lui il sait. Car lui il paie. Car lui il possède. Alors merde.Lorsqu'il doit acheter, le connard négocie. Il essaie de baiser le prix. Il essaie d'abord de ne pas dépenser. Surtout quand c'est lui qui doit payer. C'est à cela qu'on le reconnaît. Il met une énergie considérable à trouver des solutions. Le connard n'a pas le même problème. Le connard est dans un autre monde. Lorsqu'il doit vendre, le connard ne négocie plus. Il fait monter le prix. Il sait jusqu'où il n'ira pas. C'est tout ce qui lui importe.Finalement, c'est exotique d'avoir un connard près de soi. Mais bien sûr point trop n'en faut.