La situation grecque, à tout le moins, n'est pas rose : le gouvernement qui frôle tous les jours un peu plus la banqueroute a décidé, vendredi dernier, de prendre des mesures fermes pour redresser les finances d'un pays exsangue. Cependant, on est encore loin, à lire les mesures d'austérité prises, d'une véritable prise de conscience de l'ampleur du problème. Et cette impression se confirme quand Le Monde rapporte les témoignages de Grecs concernés par ces mesures.
Les mesures sont donc sans surprise, et éclaireront le lecteur français sur ce qui l'attend :
gel des retraites
coupe dans les 13ème et 14ème mois des fonctionnaires
hausse des taxes sur les alcools, l'essence, les cigarettes
hausse d'impôts divers
Pour rappel, la Grèce compte à peu près 5 fois moins d'habitants que la France, son déficit est autour de 5 fois moins important, sa dette est là encore autour de 5 fois plus faible et son gouvernement est tout aussi socialiste que le gouvernement français.
On peut donc dire que, ensoleillement mis à part, la Grèce constitue un étalon intéressant de ce qui peut se passer pour un pays lorsqu'il arrive en fin de cavalerie.
En outre, à la lecture des témoignages, on constate que, décidément, la pauvreté est, au fond, une notion éminemment subjective.
On peut ainsi lire le témoignage lacrymogène de Daniel C., dont je reproduis un morceau ici :
« Je vis à Athènes depuis 2000, je paie un loyer de 400 euros, mon épouse est sans emploi. Je travaille pour le service de presse d'un organisme public et un petit journal privé. Mon salaire au journal a été réduit de 1 100 à 500 euros dès le mois de janvier, sous l'effet de la crise. Mon salaire en tant que contractuel du public s'élève à 1 100 euros auxquels il faut ajouter 454 euros de primes par mois. Le gouvernement a annoncé la réduction des 13e et 14e mois qui permettent traditionnellement de partir en vacances à Pâques ou en été, des congés auxquels les Grecs sont très attachés. »
Un petit calcul rapide permet de découvrir que Daniel gagne 2054 euros par mois, sur 13 mois après la réduction, et qu'il paye 400 euros de loyer, à Athènes. Ici, le sanglot est difficile à réprimer.
Le second témoignage, d'un certain Katsirelou R., nous emmène un peu plus loin sur le chemin pierreux et poussiéreux de la misère et de la déchéance avec des ronces et des épines partout :
« Je suis fonctionnaire à Athènes, … mon salaire est de … 2 830 par mois … Mon fils étudie à l'université, je dois payer 1 100 euros par mois pour sa scolarité. Avec ces nouvelles mesures, je vais perdre 760 euros par mois et payer des impôts supplémentaires. Je me demande ce qu'il faut faire pour continuer à vivre et payer les études de mon fils. Et pourquoi c'est toujours moi qui doit payer pour les fautes des politiciens ? Tout le monde ici est désespéré, nous sommes devenus pauvres et sans espoir. »
Vraiment, la situation n'est pas rose ! Là encore, le mouillage des yeux est difficile à contenir, et on sent de grandes vagues de tristesse s'emparer du lecteur. Surtout lorsqu'on imagine l'indignation sous-jacente dans la dernière phrase : le brave homme ne veut pas payer pour la faute des politiciens.
Et on le comprend : personne ne lui avait dit que créer de la dette, vivre à crédit et voter pour toujours plus de social au frais des gens qui produisent de la richesse, tout ça ne pouvait mener, un jour, qu'à une crise. Personne ne lui avait expliqué que tout ceci finirait mal, pour lui comme pour les autres Grecs qui ont – exactement comme en France – fait se succéder au pouvoir des sociaux-démocrates de droite à des sociaux-démocrate de gauche et inversement, en empilant mesures sociales sur protections collectivistes, sclérose syndicale sur calcification administrative.
Et comme en France, le discours général qu'on peut entendre est le même : « Ce sont les ultranéolibéraux qui ont provoqué cette situation« . C'est évident : ils ont obligé les gens à s'endetter, l'Etat à emprunter, et les gouvernements successifs à faire à la fois du keynésianisme et du collectivisme.
Ils sont comme ça les ultralibéraux : ils obligent les gentils et les naïfs à faire du communisme. Sans pitié, je vous dis.
…
Les témoignages suivants sont un peu différents selon qu'ils sont issus de fonctionnaires ou de gens qui n'ont pas été, pour le moment, protégés par l'État pendant de longues années. Mais ils ont tous le même fondement : tout ce qui arrive est injuste et imprévu, et, globalement, de la faute – au mieux – à pas de chance, ou, – au pire – aux méchants spéculateurs et aux politiciens.
Il est clair que ces derniers portent une responsabilité : celle de n'avoir jamais eu le courage, exactement comme en France, d'avouer que dépenser plus que ce qu'on gagne amène à la faillite, que travailler moins pour gagner autant est voué à l'échec, que demander des efforts toujours aux mêmes finit par les lasser et que tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse dans un autre pays en demandant l'asile fiscal.
Mais ce que ces témoignages font surtout ressortir, c'est, d'une part, la différence vécue entre les fonctionnaires et les autres, et d'autre part, par comparaison avec la France et les salaires de la fonction publique, l'incroyable écart qui semble exister avec l'administration grecque.
Autrement dit, si les efforts consentis par les Grecs font déjà grincer des dents là-bas, au point de mettre le pays quasiment à l'arrêt, on peine à imaginer l'ampleur des hurlements qui vont se faire entendre lorsqu'il faudra faire la même chose en France, sachant qu'en plus il faudra tenir compte de l'esprit franchouille, « Ça ne peut pas nous arriver à nous, le Phare Du Monde Moderne et Le Pays Des Droits de l'Homme« .
Mais heureusement, il y a une solution ! Pour lutter contre la cigüe ultranéolibérale que la Grèce doit boire, rien de tel qu'une pincée de sarkozysme deux fois par jour, le matin avant le pipi et le soir avant le popo.
La sarkolution de keynésianisme en solution colloïdale peut aussi faire l'affaire, et elle existe de surcroît sous forme de suppositoire à ailettes, particulièrement recommandés lorsque des nausées empêchent toute conservation d'un bol alimentaire dans l'estomac.
L'idée générale, originale, novatrice et financièrement judicieuse, consistera à continuer de faire de la dette ; Sarkozy aura la partie facile sur ce plan là, puisqu'il joint ici le discours à l'acte : « La dette, miam, c'est bon, regardez, nous, on en a deux ou trois palettes à écouler toutes les semaines, et tout le monde en veut ! Ca ne peut que durer, voyons. »
Et pour que les Grecs puissent continuer à creuser leur tombe comme il faut, l'Europe, ici par la voix de Nicolas, s'en portera garante.
Vous voyez, finalement, que ceux qui pleurnichent en Grèce ont tort : ce n'est qu'un petit mauvais moment à passer.
Et maintenant, penchez-vous en avant et toussez trois fois.
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