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[Sardouïsme et sarkozysme] Oenologie, pornographie et musicologie

Publié le 10 mars 2010 par Desiderio

Voici une nouvelle demande de Mariah-Samanthah, jeune militante UMP de gauche qui prépare son bac STG pour la quatrième fois.

Cher comte, mon horrible prof barbu et chevelu doit certainement être un sadique membre de RESF pour nous poser de tels sujets, il nous a demandé de lire et commenter ce splendide poème de Michel Sardou afin de de le lier au débat sur l'identité nationale et je n'ai strictement rien à dire une fois de plus puisque je n'écoute que des chansons en anglais sur NRJ ou Fun et que je suis totalement ignorante de ce qui a pu faire la vie de nos lointains ancêtres les Gaulois qui vivaient dans des châteaux forts et portaient de longues perruques bouclées sous des chapeaux haut-de-forme. Pouvez-vous me dire quelles sont les références présentes dans ce texte préhistorique ? 

Y en a qui disent que les Français
Vivent d'amour et de vin frais
Et que toutes les filles d'ici
Habitent au Casino d'Paris

Il faut voir d'abord qu'il s'agit d'un texte profondément antiraciste, il s'attaque au seul vrai racisme qui existe sur Terre : le racisme anti-Français comme l'a rappelé notre bienveillant président qui a eu un jour une illumination de son esprit en entendant une voix venue d'on ne sait où. Le texte dénonce donc les préjugés contre les Français et nous présente d'emblée deux personnages typiques du racisme des étrangers à notre égard : le fêtard alcoolique et la fille facile aux jambes vite écartées. Michel Sardou s'insurge contre ce cliché qui fait de nous des réprouvés totalement impies dans tous les pays du monde.

Y'en a qui pensent que le champagne
Sort des gargouilles de Notre-Dame
Et qu'entre deux Alka-Seltzer
On s'ballade la culotte en l'air
A les entendre on croirait bien
Qu'on est pinté tous les matins

Les deux champs lexicaux du vin et de la sexualité sont prolongés afin de bien montrer que ce sont des idées reçues et qu'il n'y a que de sales étrangers (sûrement d'origine auvergnate) pour affirmer de telles calomnies sur le glorieux peuple français. Les clichés, c'est entendu, seuls les autres qui ne sont pas du pays peuvent les forger.

Mais voilà j'habite en France
Et la France c'est pas du tout c'qu'on dit
Si les Français se plaignent parfois
C'est pas d'la gueule de bois
C'est en France qu'il y a Paris
Mais la France c'est aussi un pays

Où y a quand même pas cinquante millions d'abrutis

On, c'est bien entendu l'Autre. Celui qui ne pense pas comme vous, qui vient d'ailleurs, qui a d'autres habitudes de vivre. Ce que dit On, c'est con. C'est normal, il vient d'ailleurs, il est étranger et donc naturellement con ; il ne peut donc pas comprendre nos rituels festifs qui feraient la joie d'anthropologues.Michel Sardou dénonce les clichés des riches étrangers (et non des étrangers pauvres) qui vienn ent dépenser leur argent en France afin de picoler un maximum et de se taper des filles venues d'autres pays plus exotiques. Mais, ce faisant, il place en avant le cliché comme image représentative de la France. Il se situe dans un contexte précis, celui de la chanson à boire qui est lié à la chanson de soldat. Est-ce qu'on lui a demandé de défendre l'image de la Patrie ? En tout cas, il se met les membres du public dans la poche en disant qu'ils ne sont pas des "abrutis". Qui oserait se qualifier comme tel sans provocation ?
Yen a qui pensent que notre musique
Balance comme une bière de Munich
Que toutes nos danseuses ont la classe
Mais swinguent à côté d'leurs godasses

Nous avons ici affaire à un passage très péjoratif. Il est à remarquer que la musique française serait aussi lourde que de la bière bavaroise et que cela ressemble à la citation indirecte d'un critique qui n'avait pas apprécié les chansons de Michel Sardou, lequel n'a jamais eu la grâce de Couperin, de Rameau ou de Debussy, de Ravel.

Y'en a qui disent qu'il y a sûrement
Deux trois cafés par habitant
Que nos rythmiques sont des fanfares
Nos succès des chansons à boire
A les entendre on croirait bien
Qu'en France il n'y a pas d'musiciens

Nous entrons dans le vif du sujet : le texte est en fait une autojustification de chansons idiotes à boire, mais en dénonçant ceux qui parlent justement de chansons à boire. Le grand compositeur Michel Sardou en fin harmoniste rappelle ce qui le définit  : les évocations émues de l'armée avec grosse caisse et clairon, son identité nationale française martelée dans les refrains, l'absence de tout sens musical qui pourrait évoquer un peu des musiciens français anciens, le goût pour les atmosphères de fin de banquet. Nous ne sommes plus dans le second degré, mais dans le degré d'alcool fort. L'identité nationale selon Michel Sardou, c'est de dire que les autres disent des sottises et de commettre les sottises qui seraient dénoncées prétendument. 
Y en a qui pensent et c'est certain
Que les Français se défendent bien
Toutes les femmes sont là pour le dire
On les fait mourir de plaisir
A les entendre on croirait bien
Qu'y a qu'les Français qui font ça bien

A présent, c'est un retournement. On revient au thème de la sexualité, l'autre trame du texte après l'aspect alcoolique. Bien entendu, ceux qui ont des préjugés, ce sont des étrangers. Bien entendu, les femmes étrangères ne viennent en France que pour la bagatelle. En mettant en avant le cliché, Michel Sardou ne dit pas qu'il est faux, au contraire, il laisse entendre que ce serait vrai. Et ainsi il entraîne la connivence de son public de beaufs qui va applaudir et s'autoféliciter.

C'est pourquoi j'habite en France
Et la France c'est beaucoup mieux que c'qu'on dit
Si elles rêvent d'habiter chez moi
C'est qu'il y a de quoi

On termine par une apologie totalement grotesque de son propre pays et un éloge de son phallus que le public masculin peut prendre pour le sien. Mais grâce à Michel Sardou, Nicolas sarkozy, Brice Hortefeux et Eric Besson, nous pouvons être fiers d'être Français ! Ce n'est sûrement pas pour fuir des mariages forcés, des excisions, des guerres civiles, une famine, le port du voile, les invitations à la prière, les coups par de grands frères pour une cigarette fumée ou du rouge à lèvres. L'image de la femme n'en sort pas grandie, celle de l'homme non plus. 


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