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Etat chronique de poésie 838

Publié le 11 mars 2010 par Xavierlaine081

838

Mes pas vont à la poursuite de l’œuvre : que n’ai-je suivi ce chemin plus tôt ! Peut-être en serais-je resté au silence…

Ecrire est un regard que l’on porte sur le monde et les êtres. Les yeux décryptent, bien avant la pensée, les petits faits quotidiens anodins…

Ils lisent dans un regard échangé, furtif, tout l’amour qui se trame entre deux êtres que tout sépare. Ils naviguent sur la frange de profonds déserts, suivent ces inconnus, couple en apparence inséparable, dans leur quête d’une illusoire fortune, alors que tout avait été englouti dans la pandémie guerrière…

La peste des conflits avait vidé sereinement les bourses les plus délicatement élaborées…

Les armes ne font la fortune que des gros poissons. Les autres n’ont qu’arêtes et bouillon à boire.

Alors, une fois l’orage passé, il ne reste plus qu’à reconstruire ses illusions. On charge les malles sur le toit brinqueballant d’un bus. On vogue à la surface d’une terre meurtrie.

Main dans la main, on croit encore en d’illusoires amours. On ne voit rien du regard échangé, et du trouble.

C’est de ce trouble que nait déjà l’adultère. On cherche entre les lignes les bras accueillants. Il n’en est point.

Seules des étoiles et des tentes, quelques dromadaires paisibles entrevus de la plus haute tour, et la danse de la nuit, et le retour, glacée, entre des draps d’amour désormais honni, et les larmes…

On fuit toujours devant ce qu’on prend comme adversité. Ce n’est que fuite éternelle devant soi, jusqu’au jour où…

«Après tant d’années où, fuyant devant la peur, elle avait couru follement sans but, elle s’arrêtait enfin. En même temps, il lui semblait retrouver ses racines, la sève montait à nouveau dans son corps qui ne tremblait plus. » [1]

*

L’essentiel, la quête de paix, la soif insatiable se tapit dans l’instant ou rien ne se dessine de précis.

A l’origine fut le conflit. Les intérêts des uns sont si rarement ceux des autres. Alors, on s’écharpe, on s’étripe pour faire valoir sa bonne raison.

Il n’est alors plus d’amour ni d’amitié. Il n’est que la peste qui vérole tout espoir.

Le poing rageur se dresse dans les bouches muettes. La frustration des uns enrichit les autres.

Et déjà la guerre fratricide est là, tapie dans l’ombre, et se frotte les mains.

D’amour déçu en revendications vaines, il se crée entre les hommes cette pathétique symphonie de l’incompréhension et de la rancœur.

Il ne reste alors qu’à fournir les armes. Et parfois elles sont portées par le silence…

On se tourne le dos. Et lorsque l’enfant se meurt sur le seuil d’un jour glauque et poisseux, on ne sait plus que dire ou faire. On ne sait comment rompre avec cette inhumanité qui nous fait rejeter l’opprobre sur l’autre.

Le meurtre prend sa source dans la déchirure intestine des couples, dans l’arrogance des refus prononcés en costumes de lin fin, dans le mutisme enfantin et le front buté…

Le mutisme installé, les canons déjà montrent leur mufle. Il n’est que rêve de départ et d’exil. Ni l’un, ni l’autre ne sauront pourtant panser les plaies ouvertes.

On ne se guérit pas de la guerre, ni de la peste, on ne fait que s’en remettre.

Et attendre, en sirotant une anisette face à la mer, ressassant les souvenirs et les actes non accomplis, au rythme des vagues…

Il ne reste que ce vague à l’âme qui nous fait ressembler encore aux Hommes que nous croyons être. Il est si difficile métier que de devenir ce que nous ne saurons peut-être jamais être…

*

«Les patrons voyaient leurs affaires compromises, c’était vrai, mais ils voulaient quand même préserver une marge de bénéfices ; le plus simple leur paraissait encore de freiner les salaires, malgré la montée des prix. Que peuvent faire des tonneliers quand la tonnellerie disparaît ? […] 

Changer de métier n’est rien, mais renoncer à ce qu’on sait, à sa propre maîtrise, n’est pas facile. Un beau métier sans emploi, on était coincé, il fallait se résigner. Mais la résignation non plus n’est pas facile. Il était difficile d’avoir la bouche fermée, de ne pas pouvoir vraiment discuter et de reprendre la même route, tous les matins, avec une fatigue qui s’accumule, pour recevoir, à la fin de la semaine, seulement ce qu’on veut bien vous donner, et ce qui suffit de moins en moins. » [2]

*

Le temps passe et les rancœurs demeurent. La poix de cette peste s’envenime même, couvrant de cet humus de haine les graines de la violence.

Rien de pire que la frustration qui se transmet de génération en génération. Lorsque la mèche s’allume, on ne sait d’où vient l’explosion…

Manosque, 9 février 2010

[1] Albert Camus, La femme adultère, hors-série Folio

[2] Albert Camus, Les muets, 1957

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