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Taxe Tobin, splifs et tartine au brie

Publié le 12 mars 2010 par H16

Les Régionales, c’est l’occasion pour certains leaders politiques de se découvrir des vertus oratoires et, parfois, d’improviser des petits discours après des repas plantureux manifestement achevés dans la bonne humeur détendue que seuls permettent des vins capiteux et un mégasplif fumé en pleine hyperoxygénation.

Cette fois-ci, c’est la spécialité fromagère lilloise qui nous fait bénéficier de ses lumineuses saillies post-prandiales. Le nombre de convives à son petit dîner orléanais a certainement dû aider la fière dirigeante à se lâcher, et, de petites blagues en vannes plus ou moins approximatives, l’alcool, la chaleur et la bonne humeur aidant, vous savez ce que c’est, ça arrive dans les meilleures familles : on en vient à discuter politique.

Et la voilà qui se rêve à décrocher toutes les régions françaises ; objectivement, ce n’est pas infaisable bien qu’à mon avis il s’agira essentiellement d’une victoire à la Pyrrhus : compte tenu de l’état général lamentable du Parti Socialistoïde, on peut surtout imaginer qu’un gain dans le nombre de régions devra plus à une déculottée de la droite qu’à une quelconque amélioration de la gauche.

Si l’on factorise dans l’équation un taux abstention qui promet d’élever la discipline de la Pêche à la Ligne Dominicale au rang de sport olympique, on comprend que les quelques branleurs du PS qui vont rafler quelques bricoles aux godelureaux de l’UMP feront doucement bailler une très grosse moitié de Français qui va mollement se tamponner le coquillard des élucubrations politiciennes stériles et dispendieuses que tout ceci promet.

Mais bon : la Martine, remontée comme un coucou suisse qui carburerait à l’éthanol, se sent donc pousser des ailes, en plus, très probablement, d’un géranium dans le dos, THC oblige. Et la voilà qui nous déclare, sans rire :

« Ce n’est pas moi qui ai parlé de grand chelem, c’est la presse. Moi, je dis simplement que nous pouvons gagner l’ensemble des régions »

Gagner toutes les régions sans parler de grand chelem, c’était la subtilité rhétorique de la soirée. Ici, normalement, on imagine la salle, probablement déjà complètement cuite à l’eau de vie digestive, rigoler grassement devant ce genre de finesse. Bref.

Le One Woman Show a continué dans la foulée, avec cette tirade magnifique :

« Nous ne laisserons pas casser les régions, nous nous battrons, car comme tout le monde nous le dit, le France risque la rechute. La France n’est pas sortie de la crise et c’est pour cela que nous aurons besoin des régions. »

Une phrase pareille doit normalement être sortie avec une mine grave. Ici, on imagine l’œil un peu humide de la leader de parti. En pratique, si l’œil pleurait un peu, c’était surtout à cause de la fumée du splif qui piquait un peu.

Aubrigolo et son petit splif

En effet, on peut se demander comment la France peut à la fois risquer la rechute tout en n’étant pas sortie de la crise. On peut aussi noter que, puisqu’elle n’en est jamais sortie et que, de fait, elle continue à s’y enfoncer vigoureusement, dans la discrétion feutrée propre à ce navire où la piétaille n’aura jamais eu droit aux canots de sauvetage, ce n’est pas une rechute, mais bel et bien un effondrement qui la guette.

Heureusement, voilà Martine, titubant joyeusement de phrases en phrases, qui nous propose une dernière petite blagounette sortie d’une besace bien pleine avant de reprendre la route pour sa tournée triomphale :

« Nous avons besoin d’être le premier parti de la gauche, d’être fort. Nous aurions aimé être unis, mais je respecte ceux qui ont fait un autre choix. Il ne doit pas y avoir de combat au sein de la gauche. Le seul combat est celui face aux libéraux qui cassent la France »

Eh oui : les méchanlibéros qui cassent la France, ceux-là, ça faisait longtemps qu’on n’avait plus entendu parler d’eux.

Pour rappel, dans la bouche de la tartine lilloise, les méchanlibéros qui cassent la France, ce sont les gars qui pondent taxes sur taxes, qui obligent les gens à s’endetter pour sauver des banques qui n’auraient mérité que de carafer, qui empruntent de l’argent à tout le monde et promettent de le rembourser un peu en sodomisant les générations futures, c’est la troupe de joyeux keynésiens qui font des déficits comme jamais et le groupement de collectivistes qui installe de la vidéopapouille et des radars sur tout le territoire, qui fait dans le quota d’expulsions, ce sont les gusses qui ont installé HADOPI, qui poussent ACTA …

Pour la spécialité fromagère à l’herbe qui fait rire, les méchanlibéros qui cassent la France, ce sont aussi ceux qui ont  voté en toute décontraction la proposition d’une nouvelle taxe, au niveau européen celle-là, sur les transactions financières, nouvelle taxe qui préfigure très bien un nouveau gouvernement pan-européen financé par cette méthode. Il est piquant d’ailleurs de constater que ces méchanlibéros ont voté exactement comme les socialistes sur ce coup là (et comme pour 90% des textes européens ou les deux partis s’entendent comme cul et chemise).

Dites-moi, Martine, pourquoi votez-vous presque tout le temps comme ces méchanlibéros qui cassent la France ? Vous ne les aimeriez pas un petit peu, vos Némésis en carton ?

Et puis franchement, ils sont étranges, vos méchanlibéros qui cassent la France : ils obligent les gentils et les naïfs à faire du socialisme de base…

Je comprends que ça vous froisse, Martine : finalement, ces méchanlibéros qui cassent la France, ils vous piquent votre turf, ils font ce que vous voulez faire !

Mais voyez-vous, brave Martine, je pense que, malgré l’ingestion d’un nombre conséquent de produits plus ou moins psychotropes, vous savez très bien que tout ceci, c’est du pipeau de grand chemin. Vous savez pertinemment qu’il ne s’agit que d’offrir à la vindicte populaire un ennemi aussi factice que facile : vous ne proposez absolument rien de nouveau, ni vous, ni les autres bouffons de votre parti, ni les clowns du parti d’en face, ni les saltimbanques de l’extrême-gôche, ni les pitres de l’écologie-altercomprenante, ni les fagotins de l’extrême-droite…

Tous, chacun à votre niveau, vous avez voté, vous votez et vous voterez chacune des lois qui ont creusé la tombe du pays, qui cassent la France, et qui continueront de l’enfoncer, tous les jours, un peu plus profond. Et tous, ce faisant, vous ajouterez une pierre supplémentaire à l’édifice lamentable de trahison d’idéaux, de trahison des mandats qui vont ont été confiés, de trahison des devoirs qui vous échouaient en partage lorsque vous fûtes élus.

« Une nation peut survivre à ses fous, et même à ses ambitieux. Mais elle ne peut pas survivre à la trahison de l’intérieur. Un ennemi aux portes est moins redoutable, car il est connu et il porte sa bannière ouvertement. Mais le traître se déplace librement parmi ceux qui sont à l’intérieur des murailles, ses murmures pervers bruissent à travers les ruelles, et on les entend dans les allées même du pouvoir. Un traître ne ressemble pas à un traître ; il parle avec une voix familière à ses victimes, et il porte leur visage et leurs arguments ; il en appelle à la bassesse qui se trouve ancrée dans le cœur des hommes. Il pourrit l’âme d’une nation, travaillant en secret, inconnu dans la nuit, sapant les piliers de la ville. Il contamine le corps politique qui ne peut plus résister. Un assassin est moins à craindre. Le traître c’est la peste. »

Marcus Tullius Cicéron – 1er siècle avant notre ère


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