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MoDem, entre involution et évolution

Publié le 13 mars 2010 par Soseki

A suivre la presse, le MoDem semble continuer à creuser sa tombe depuis les dernières élections européennes. Le peu d’articles concernant les Démocrates (nous ne sommes plus à la mode qui est passée de l’orange au vert), parlent la plupart du temps de défections, démissions, trahisons, oppositions, etc.
Les sondages nationaux sont, au mieux, mauvais…
Beaucoup semblent déjà se résigner à poursuivre leur chemin dans le désert. Canaan est loin… surtout si le casting du Moïse n’est pas le bon d’après les médias qui relaient les intérêts de tous les autres partis, si attachés à la rente bipolaire…

Et pourtant, après les élections régionales, et dans quelques régions, le MoDem voit éclore des personnalités pleines de promesses. Ces personnalités fédèrent autour d’eux des cadres, militants, sympathisants, qui œuvrent à la diffusion des valeurs démocrates.
Où en est en réalité le Mouvement Démocrate, que devient ce courant Démocrate qui devait faire passer le monde politique français à l’âge adulte, incarner la synthèse sociale-libérale, écologiste et européenne ?

Faisons le point, tranquillement… et honnêtement, pour répondre à cette question : Qu’est ce qui fait que les Démocrates en sont là ?

Le rôle de François Bayrou

Après les élections présidentielles de 2007, François Bayrou était devenu le « 3ème homme », la « divine surprise » annonçant le dépassement du clivage gauche / droite. De sujet central du 2d tour des présidentielles à la traversée du désert qu’on lui connaît, l’évolution est devenue régression.
Pourquoi ? La politique de N. Sarkozy produit des résultats mirifiques ?… Le pouvoir d’achat, les retraites, l’emploi, le développement économique, une société d’égalité des chances, le respect de la République, la pratique démocratique, tous ces sujets sont-ils des réussites du Président ? Ou bien François Bayrou avait fait le bon constat et les actes ont prouvé la justesse de son analyse ?
On devine ma réponse… qui je crois est malgré tout partagée par une très grande majeure partie des Français, même si beaucoup ne veulent pas reconnaître au président du MoDem la paternité de la vision.

Mais il est difficile de ne pas reconnaître quelques loupés dans les difficultés du MoDem :

  • le choix de François Bayrou, au 2d tour des présidentielles, de laisser ses électeurs le libre choix tout en disant que pour lui ce ne peut être N. Sarkozy, a à la fois paru incohérent et surtout faussé ce « libre choix ». Ainsi ceux qui préféraient voter N. Sarkozy plutôt que S. Royal se voyaient en porte à faux. Et les édiles, élus de l’ex-UDF, poussés dans une situation complexe les amenant à transformer leur simple choix en soutien. Le cas Albertini de Rouen en fut une malheureuse illustration
  • Lors des élections législatives qui ont suivies, des organisations politiques ont approché le patron du MoDem pour proposer une alliance, un partenariat. Ainsi de l’Alliance Ecologique Indépendante (comprenant le Mouvement Ecologique Indépendant et Génération Ecologie) du reconnu et respecté Antoine Waechter. Puis plus tard des Radicaux de Gauche, notamment pour les européennes. Dans ces deux cas, un orgueilleux refus leur fut opposé…
  • Enfin, le MoDem connut une véritable « personnalisation » de son mouvement autour de François Bayrou. L’impression du « une seule tête » mettait mal à l’aise. Plutôt que de permettre un rassemblement de personnalités, avec leurs thèmes particuliers, leurs tendances (plutôt écolo, plutôt centre-droit, plutôt centre-gauche), offrant une riche diversité, il n’y avait plus qu’une seule parole, un seul visage, un seul verbe. Et quand ce visage engageât son juste combat contre la politique du Président N. Sarkozy, son seul verbe s’entendait quand l’on aurait dû parler Europe lors des élections européennes.

Le MoDem a aussi suscité ses déviances :

  • jeune formation, dépassant l’ancienne UDF, accueillant de nouveaux membres et hébergeant aussi d’anciens, l’on vit souvent la pratique démocratique glisser en ce que j’appelle « démocrature ». Les débats internes trop souvent devenus publics, où une personne qui n’a pas ce qu’elle veut dénonce un manque de démocratie, le manque de cohésion collective, voire même de comportement collectif… Ce qui avait fait fuir nombre de militants et cadres des Verts s’était insinuer au sein du MoDem. Partout, j’entends les frustrés d’ambitions mal contenues vomir ce qu’hier ils transformaient en vérité unique et intolérante. Les intérêts individuels se drapent de l’historiquement nécessaire ou se cachent derrière un « pur idéal » qu’eux seuls bien sûr incarnent. Ceci se retrouve dans tous les partis, au PS comme à l’UMP et chez les Verts, surtout lors de scrutins de liste. Mais l’impact est plus fort dans un jeune parti où manquent les cadres et la diversité.
  • L’image médiatique du MoDem semble aussi glisser vers une sorte de « gauche caviar ». Cette même « gauche caviar » bien pensante, étrangère à la vie des Français, qui faillit engloutir le PS. Les « gens » se sentent progressivement éloignés des motivations du MoDem, ne comprenant pas son évolution mais y voyant surtout une cour assidue au PS. La liberté imposée contre la sujétion de l’UMP doit-elle disparaître pour la superficialité d’un PS archaïque et clientéliste ? Il est de plus en plus difficile sur le terrain de rattraper les erreurs médiatiques d’une personne qui se fait si proche du PS, elle se fit caricature cette « gauche caviar » pour mieux la séduire. Les militants, les électeurs, se sentent trompés. Et il est plus aisé pour l’UMP de prétendre que le MoDem est « passé à gauche ». Je n’ai pas plus d’appétit pour la « gauche caviar » que pour la carne néolibérale…
  • surtout, le MoDem connaît une difficulté essentielle concernant sa sociologie électorale. Ce parti partage avec les écologistes les mêmes catégories, les mêmes tranches d’âge, et les mêmes typologies géographiques : jeunes (75 % ont moins de 55 ans), classes moyennes, éduqués, urbains. En délicatesse avec la gauche et la droite, peu conservateurs, favorables à « l’économie sociale de marché », particulièrement sensibles aux enjeux écologiques et européens, croyant dans la modernité et le progrès, ces électorats valsent entre MoDem, Verts, Europe Ecologie et AEI. Additionnés, cela représente plus de 25 % d’électeurs de 1er tour. Mais divisés, on subit une « ventilation façon puzzle ». Et la tentation est plutôt à éliminer l’autre qu’à s’entendre. Les Verts se veulent d’abord de « gôche », préfèrent s’allier aux communistes qu’aux Démocrates. Leur gauchisme mal caché les « sectarise ». C’est pourquoi un D. Cohn-Bendit (DCB) les force à s’ouvrir, préfère appeler ses liste « Europe Ecologie » plutôt que « Verts », et tente d’inciter les cadres des Verts à « aller vers les autres ». Mais en même temps, on n’entend peu parler écologie dans le verbe bayrouiste. Les J-L Benhamias et Y. Wehrlig (anciens dirigeants des Verts venus au MoDem) sont peu mis en avant…

Le monde extérieur au MoDem impact aussi son existence.

  • les Français ont été trop longtemps habitués à la bipolarité. Cette bipolarité qui incite au clientélisme, à être bêtement de gauche ou de droite. Les médias eux-mêmes recherchent cette bipolarité, gage de dualité, donc d’affrontement, donc d’étincelles. Le changement excite plus que l’évolution.
  • le PS est protégé par la bipolarité. Elle lui permet de continuer une alliance archaïque, rétrograde et lamentable avec les communistes. La drague de l’ultra gauche ne lui est pas interdite, avec les corolaires des slogans et arguments démagogiques et irresponsables. Quand le centre est fort, quand les Démocrates parviennent à s’imposer, alors la lumière est crue sur un PS en décalage d’avec la société, dont le nom même est une preuve d’une structure surannée, désuète, dépassée. Cette lumière crue a faillit d’ailleurs voir disparaître le dinosaure…
  • la plupart des propriétaires des médias sont des proches de N. Sarkozy. Et tant que François Bayrou est affaiblit, que le MoDem est dans les limbes, l’avenir reste radieux par « manque de choix », ou d’alternative crédible. Crédibilité, c’est d’ailleurs l’angle d’attaque permanent, pour avilir, et se jouant bien de l’immaturité de quelques militants MoDem frustrés à la démissionnite aigüe, démisionnite qui leur donne l’illusion d’exister un instant…
  • l’UMP a aussi très bien compris les problèmes du MoDem avec sa sociologie électorale. L’instrumentalisation du thème écologique et des Verts leur permet de brouiller le message du MoDem et de l’affaiblir. Mettre en lumière Europe Ecologie ou les Verts, c’est tenter de mettre dans l’obscurité les Démocrates, en sachant que ces Verts ne représentent en aucun cas un risque électoral pour l’UMP.
  • enfin, les médias sont séduits par la « tendance » écologiste, que ce soit réel ou instrumentalisé. On connaît une véritable mode médiatique de l’écologique, du vert, « à toutes les sauces », au risque d’indigestion des électeurs. DCB est célébré comme un excellent communiquant. N. Hulot et Arthus Bertrand sont les agents influents des Verts. Le problème, c’est que l’écologie comme le libéralisme, ne peuvent être les matrices univoques de la construction d’une société. Les questions sociales, économiques, la justice, l’éducation, la culture, n’y trouvent pas de lisibilité, voire d’intelligibilité. Or, les politiciens Verts ou/et Europe Ecologie savent s’effacer derrière le message écologiste quand le message Démocrate s’efface derrière le politique au MoDem… Mais si l’écologie est une exigence pour l’avenir de notre planète sur les aspects technologiques et énergétiques, il n’est pas une réponse du « vivre ensemble » des hommes, de la politique : une société d’égalité des chances, d’émancipation de l’Homme, de responsabilisation, de justice sociale, d’équilibre entre une société de liberté de création et d’échanges et un Etat qui protège et fait régner la Loi, la règle du vivre ensemble. L’écologie repose sur des pratiques quand le bonheur de l’Homme repose sur la Démocratie, et parce que la dignité de l’Homme est absolument universelle, au-delà des civilisations, des cultures, et des pouvoirs.

A lire ces lignes, on a du mal à penser à un avenir prometteur pour le Mouvement Démocrate, sauf si l’on est « croyant ». Or cette « croyance » ne relève pas du politique et ne m’intéresse donc pas. Il est des éléments forts qui ont permis l’émergence de François Bayrou. Ces éléments, le contexte, sont toujours présents parce que permanents.

PS, Verts et UMP ont leurs propres difficultés à surmonter :

  • le PS est dans l’impasse « socialiste » : sa sociologie vieillit et est plus que jamais dépendante et seulement représentative de quelques professions, dont les intérêts sont souvent en contradiction avec l’intérêt général. Le corpus même socialiste, sa « doctrine », est son carcan. L’incapacité du PS à évoluer le plonge dans la schizophrénie : courir après l’ultra gauche, s’afficher avec les camarades communistes, et loucher vers le centre et le MoDem pour acquérir une illusion de responsabilité, d’image de parti de gouvernement. Martine Aubry incarne cette schizophrénie : elle s’allie avec le MoDem pour diriger Lille, mais le conspue au niveau national tout en reprenant ses propositions.
  • Il y aura, un jour ou l’autre, un « après Sarko » à l’UMP. Et le réveil sera brutal. Les appétits, les ambitions, se défouleront. Mais le lit est déjà fait : charmer l’électorat lepéniste, jouer de « l’identité nationale », s’inventer parti de l’ordre, baisser les charges des plus aisés, faussement réformer sans toucher aux plus protégés, affaiblir l’Etat, déréguler la finance… Il y a à droite tout un électorat déboussolé aujourd’hui qui demandera des comptes… Car jamais cette droite n’a été aussi peu gaullienne !
  • Les Verts et Europe Ecologie sont passés à côtés des élections  régionales. Il suffit de lire leurs programmes électoraux pour s’apercevoir qu’ils n’ont pas de vision régionale, qu’ils sont incapables de comprendre les enjeux territoriaux. Ces écologistes demeurent dans le discours. Tant que les débats se cantonnent à une superficialité nationale, tout va bien pour eux. Et il est rageant que les journalistes n’aient jamais mis ces écologistes devant ces réalités, aveuglés par la mode verte. Par contre, seul DCB a compris le péril et tente de préparer l’avenir en dépouillant les Verts de leurs habits gauchistes. Mais la contradiction entre Verts, ancrés à gauche du PS, et écologistes, deviendra d’autant plus forte et incontournable que les résultats électoraux s’imposeront…

Et le MoDem possède en lui-même les capacités de ses ambitions :

  • l’impasse néolibérale est devenue flagrante. Les électeurs centristes et ceux de la droite sociale sont devenus allergiques à cette pente néolibérale, en total opposition avec ce qui fonde leur identité politique, quand les sociaux-démocrates savent ne plus pouvoir faire confiance au PS. La recherche d’équilibre entre un Etat régulateur/ et une société libérale devient progressivement le sujet premier, la matrice. Surtout, la vision partenariale entre l’Etat et ses agents et les acteurs économiques, un étage d’une certaine façon macroéconomique de l’Intelligence Economique, est une vision devenue pratique tant en Chine, qu’en Inde, au Brésil et… aux Etats-Unis. L’Europe en générale, et la France en particulier, devront évoluer en ce sens, ou deviendront des nains politiques, des dominés…
  • je ressens très souvent le besoin des électeurs d’un autre choix, un choix de l’équilibre, qui dépasse la gauche et la droite qu’ils jugent trop archaïques, et surtout trop dominés par leurs intérêts. L’évolution même de la société, qui ne croit plus en une vérité de gauche ou de droite, des actifs qui paient chaque jour l’inégalité du traitement des retraites dont ils ne connaîtront jamais les bienfaits, des salaires ou pouvoirs d’achats des classes moyennes et populaires figés alors qu’on veut les inciter à risquer leurs peu de revenus en « actions ». Le chômage de masse satisfait la droite sarkozienne, la gauche conservatrice (la bêtasse de Bayrou) et certains syndicats car il protège et valorise ceux qui sont déjà protégés et permet de bloquer les revenus tout en exigeant toujours plus de travail, moins de reconnaissance et une recherche permanente de réduction des coûts, origine des délocalisations pour les rentes d’actionnaires étrangers au monde entrepreneurial. Ajoutez-y les inquiétudes écologiques et bien d’autres sujets encore qui ne  peuvent trouver de réponse au PS et à l’UMP : alors vous comprendrez combien le MoDem s’est fondé sur leurs impasses et combien les Verts sont des chimères !
  • il semble depuis quelques temps que l’on ait compris le besoin de mettre en avant une diversité de « personnalités » à la tête du MoDem. Il n’est jamais trop tard pour cela : le MoDem par sa diversité comprend mieux la diversité de la France. On ne peut à la fois dénoncer le bipartisme, le manque de pluralité, la « pensée unique », et pratiquer différemment. Toutefois, le chemin pris par Corinne Lepage est l’exemple à ne pas suivre : c’est F. Bayrou et le MoDem qui lui ont permis de retrouver une existence politique. Les quitter après s’être fait élire grâce à eux, ou passer son temps à dénigrer son parti, est plus une preuve d’opportunisme et d’immaturité politique que de grandeur… Mais le MoDem est à présent aussi un parti qui repose sur des personnalités reconnues et appréciées : Azouz Begag, Jean-Luc Benhamias, Alain Dolium, Sylvie Goulard, Jacqueline Gourault, Nathalie Griesbek, Robert Rochefort, Jean-Marie Vanlerenberghe, Yann Wehrling, et notamment Rodolphe THOMAS, sont les plus connus.

Au moment où vont se dérouler des élections, poser ainsi publiquement des questions peut indisposer. Mais cela n’indisposera que les « porteurs d’œillères » et ce qui vivent au chaud de cette situation, pernicieuse pour les Démocrates.

Voulez-vous d’une société politique qui se limite au PS et UMP et leurs affidés ? Pensez-vous qu’ils soient les meilleurs garants des intérêts de la France et des Français ? Ou pensez-vous que la République française, la Démocratie, l’équilibre entre Etat régulateur et liberté de la société méritent non seulement leur défense, mais leur promotion ?

Cet équilibre, seul le Mouvement Démocrate le permet, et le veut. Aussi, à chacun de l’assumer et de s’en montrer digne.

Que le MoDem s’enrichisse de ses diverses personnalités, et que celles-ci enrichissent le MoDem de leur engagement pour l’idéal Démocrate.


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