Pour les ados : plus de mal-être, moins de soins

Publié le 20 novembre 2007 par Willy
C’était un adolescent «turbulent», comme on dit. Devenu «incasable», «de ceux que les différentes institutions se renvoient de l’une à l’autre». L’histoire de Baptiste rebondit de familles d’accueil en centres sociaux, jusqu’à un centre éducatif renforcé qui, le jour de ses 18 ans, en juin 2005, le met dehors. Sans un sou, il agresse alors un pharmacien, lui vole sa caisse et deux boîtes de tranquillisants. Puis il avale 18 comprimés et une bouteille de whisky devant un hôpital où il décède. Au creux de sa paume gauche, il avait écrit «demandez-moi pardon».

«Implacable». Pour Dominique Versini, défenseure des enfants depuis 2006 (institution indépendante), ce genre de parcours pointe «le côté implacable des procédures administratives qui ne savent pas toujours faire du sur-mesure pour ce type de jeunes multifracturés».

Le rapport qu’elle remettra aujourd’hui au président de la République à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant porte sur ces «adolescents en souffrance». Pendant un an, son équipe a rencontré pédopsychiatres, enseignants et proviseurs, infirmières scolaires, magistrats de la jeunesse, services de l’aide sociale à l’enfance. Elle s’est également rendue dans un centre fermé et dans le quartier des mineurs d’une maison d’arrêt. Le résultat est un «plaidoyer pour une véritable prise en charge» qui pointe les manques et les besoins.

Près de 15 % des 11-18 ans sont dans une situation de grande souffrance. Soit 900 000 ados. Chaque année, 40 000 essaient de se tuer. Aux signes classiques de souffrance psychique (les addictions, les troubles du sommeil) se greffent l’absentéisme, la montée de la violence sur soi (scarification) ou sur les autres (comme le «happy slapping»). «Le fait de me saigner me faisait du bien, voir mon sang couler me soulageait et me fascinait, cela me permettait de faire évacuer la souffrance et de ressentir que j’étais ailleurs», explique ainsi Brian, 19 ans.

L’adolescent demeure pourtant «le grand oublié des politiques publiques». Entre deux âges, il est encore trop rarement le destinataire de récents programmes spécifiques de prévention, regrette le rapport.

Saturé. Dominique Versini s’est penchée sur le dispositif psychiatrique et médico-social, complètement saturé. Il faut attendre de trois mois à un an avant d’obtenir un rendez-vous dans un centre.

En 2005, 800 postes de psychiatres et 15 000 postes d’infirmiers étaient vacants. Or en quinze ans, la demande de soins a augmenté de 70 %. Dans le même temps, le nombre de lits d’hospitalisation à temps plein en pédopsychiatrie est passé de 5 380 à 1 860. Seize départements n’en disposaient pas. A ce jour, plus d’une vingtaine de maisons d’adolescents sont en projet. Celles qui existent (18) sont peu repérables et pas forcément ouvertes aux heures qui conviennent aux adolescents. Information et accueil des jeunes et leur famille, mise en réseau, prévention… La défenseure des enfants formule 25 recommandations.


CHARLOTTE ROTMAN - http://www.liberation.fr/

QUOTIDIEN : mardi 20 novembre 2007