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Démocratie : la part du diable

Publié le 14 mars 2010 par H16

Un lecteur de ce blog m’a signalé une pépite, grumeau de pignouferie brute dans un grand chaudron de niaiseries journalistiques délayées dans l’eau tiède des poncifs comme-il-faut, et, en ce dimanche de votation effervescente, je ne peux que me délecter de cette boulette gluante de moraline.

Le constat de base est toujours le même : plus on est haut, plus la position est confortable, plus on tend à vouloir tout faire pour y rester.

S’agissant du système démocratique, on comprend dès lors que nos politiciens se relaient fiévreusement pour inciter les moutontribuables et les « écocitoyens civiques sociaux-impliqués » à venir pousser un petit papier dans une urne histoire de pérenniser le système ; d’où les vibrants appels (comme celui de Sarkozy) pour voter.

Evidemment, c’est fait avec les moyens actuels (facebook), mais le message reste toujours le même, inaltéré et immuable dans sa gangue de polycarbonate transparent et républicain, comme ces insectes remarquables qu’on coule dans un bloc de résine pour les conserver ad vitam aeternam : « C’est notre responsabilité de citoyen que d’exprimer notre point de vue lors des grands rendez-vous de la démocratie« .

Vous voyez, tous les mots clefs y sont, dans le bon ordre : responsabilité, citoyen, expression (comme dans « liberté d’ ») grands rendez-vous, démocratie. C’est réglé et facile comme un apéritif dominical, ça ne pique pas, ça ne remplit pas, et c’est comme les chips de crevettes : 99% d’air, et un vague arrière-goût sans violence qui ne nourrit pas.

Chips démocratique

Et il est parfaitement symptomatique que des conseillers généraux (des politiciens donc des gens qui vivent sur le chips démocratique du vote-citoyen-responsable-gnagnagna) se fendent d’un notule gluant dans Le Monde, organe officiel de La Pensée Synchrone Avec Ce Qu’Il Faut.

Je noterai la référence, faite dans les 3 premières lignes, au néolibéralisme qui arrive comme un cheveu sur la soupe, et qui permettra au lecteur de s’installer confortablement dans les platitudes moelleuses habituelles du journal. On ne choque pas : il s’agit de vendre un produit déjà vendu, un grand succès commercial, le baril de lessive X en promo.

Et donc, si les gens ne vont pas voter, ce n’est pas parce que les programmes sont nuls, les politiciens sont à chier tout nu sur la moquette, qu’ils mentent, magouillent et volent sans le moindre scrupule, ce n’est pas parce que les polémiques rasent les pâquerettes par en-dessous ! Non ! C’est parce que, je vous le donne en mille, « Le néolibéralisme, la concentration des richesses et des pouvoirs économiques et médiatiques, sapent les fondements mêmes de la démocratie. »

Tout est dit, ma brav’dame : si tout part en sucette, dans ce pays, c’est à cause de l’ultra-néo-libéralisme qui, je le rappelle, pousse honteusement les gens à demander plus d’état, à le faire intervenir dans toujours plus de domaines, à lui faire s’occuper de tous les problèmes de l’humanité et un peu plus encore.

Et les auteurs, après avoir versé quelques petites larmes de crocodiles sur le méchant marché qui fait rien qu’à casser leur belle démocrassie, s’en repartent aussi sec dans les petites explications politocardes sur (surprenant !) pourquoi Sarkozy il est méchant d’avoir été contre eux, (stupéfiant !) pourquoi l’état national se même à tort des affaires de l’état régional, le tout caramélisé en fin de parcours par un petit rappel du méchant « appétit capitaliste », ce qui, provenant d’un état, est une façon de montrer clairement qu’on n’y entend absolument rien ni en capitalisme, ni en gestion étatique.

Nos deux politiciens, après leur brillante démonstration d’une prise de recul digne d’un aigle majestueux avec 50g de plombs dans l’arrière-train, enchaînent ensuite sur une volée de phrases écrites sous mescalines et que tout citoyen normalement constitué ne pourra pas lire sans s’écrier ensuite joyeusement « Foutaises ! », lui permettant de compléter d’un coup son Politic-Bingo (qui est l’équivalent politique du Business-Bingo) :

« Soyons lucides. Reconstruire un bien commun démocratique ne peut se réduire à la création de quelques instances de concertation et du saupoudrage participatif. Surtout lorsqu’une réforme des collectivités territoriales renforce le mal-démocratique ! La clause de compétence générale risque de disparaître en même temps que l’élection proportionnelle à deux tours qui assure, notamment, la parité dans les hémicycles régionaux. Et patati, et patata, rajoutons du débat public confisqué par quelques-un-e-s avec d’horripilants tirets partout pour ne pas discriminer mais n’oublier personne dans sa différence, et gnagnagna on doit faire surgir une véritable exigence de participation, parce qu’il n’y a rien de mieux qu’exiger, obliger les gens, ça marche toujours, c’est bien connu, et pipoti, pipota, contestons un peu le capitalisme au passage, qui est comme le néolibéralisme un de ces raccourcis de pensée pratique pour sodomiser peinard du contribuable, et finissons par une platitude idiote, genre aimer la démocratie c’est d’abord la pratiquer pour transformer le monde dans lequel nous vivons et youpi emballez c’est pesé. »

Le plus extraordinaire, dans tout ça, n’est pas le gloubi-boulga objectivement incompréhensible que nos deux fanfarons dégorgent sans glousser, mais bien le « Soyons lucides » par lequel il commence !

Oui : soyons lucides !

La démocratie, dans le petit monde de nos deux élus, c’est l’opportunité alléchante donnée à chacun d’exercer un petit pouvoir, microscopique : celui d’oppresser son voisin sans subir le moins du monde la responsabilité. Personne ne sait qui vote quoi, et ceux qui sont élus ne savent pas à qui ils le doivent. En votant, tout le monde adoube un système où, finalement, personne ne sait qui est d’accord avec qui, où chacun peut trouver à redire de ce qui est fait. Mais tout le monde se tait en répétant, parce que tout le monde le croit docilement, que c’est le moins mauvais des systèmes. Autrement dit, remettre en cause le système démocratique, ce serait passer pour un affreux méchant, pas Synchro avec la Pensée qu’Il Faut, et risquer l’ostracisme.

Mais non. La démocratie n’est pas le vote de tous contre tous. La démocratie n’est pas l’expression d’un programme politique qui sera foulé au pied dès que celui qui prétend le soutenir sera élu. La démocratie, ce n’est pas demander 5 fois en 5 ans son avis à des gens, et d’autant plus quand ceux-ci ont l’impudence de voter de travers ! Ce n’est pas un système économique ni une façon de l’organiser !

Et une chose est certaine, ce n’est pas l’immangeable brouet technoïdo-politicien que Villiers et Labroille nous proposent au lieu de se terrer de honte comme ils le devraient d’avoir tant pompé dans les phynances pour oser aboutir à scribouiller de si pénibles articles.

A la limite, d’ailleurs, peu importe ce qu’est réellement la démocratie. Son expression actuelle, le vote, n’est plus qu’une pitrerie sans le moindre sens, où le Français va devoir choisir entre des gens qui se foutent de sa gueule et vont le harceler de mesures idiotes (et coûteuses) et des personnes qui se moquent de son avis et vont le poursuivre de leurs ponctions onéreuses pour des colifichets voyants de République bananière.

Alors, à tout prendre, pour une réflexion intéressante, autant aller voir ailleurs…

Bon dimanche et surtout : ne votez plus.


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