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La danoise Lone Scherfig a laissé les préceptes du dogme derrière elle mais n’a pas oublié sa thématique favorite: la rencontre inopinée entre deux êtres, qui change la donne, et qui apprend autant sur soi que sur les autres. Dans ce récit d’apprentissage aussi classieux que classique, ancré dans une reconstitution crédible du Londres et du Paris des années 60, il y a une jeune fille d’un côté, un homme mûr de l’autre, un pygmalion peut-être, un amant sûrement, et au milieu toute une idée de l’éducation, à faire, à concevoir, et surtout, à questionner. Résolument moderne dans les problématiques qu’il met en exergue (doit-on préférer une éducation "de la vie" à l’instruction d’un cursus universitaire? Quelle liberté obtient-on à posséder une certaine culture, surtout en tant que femme? Comment s’affranchir des carcans obligés et des pressions sociales?), Une éducation est un récit adroit, parce qu’il préfère la cruauté des désillusions aux discours confortables des success stories personnelles. La relation entre Jenny et David n’en est que plus trouble- bien que pas forcément exploitée dans son entière ambigüité- et a le mérite de prouver tout du long l’hypocrisie des parents de celle-ci (tout aussi séduits qu’elle par le miroir aux alouettes) ou celle, plus sournoise, des institutions (paralysées par une préférence prononcée pour la sécurité face à l’aventure). Là où l’on suit le film les yeux fermés, c’est lorsqu’il énonce clairement que le seul affranchissement possible pour une figure féminine est l’indépendance par rapport à l’homme, au travers notamment du savoir. Là où l’on est plus sceptique, en revanche, c’est dans sa prise de position pro conventions sous-jacente, où le retour au commun est érigé en seul bon chemin envisageable, le non respect des normes n’entraînant pour l’héroïne que déceptions et résignations, âge adulte rimant alors avec sages ambitions et fades acceptations.