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Proxima mobile labellise le Flashcode au détriment de l'utilisateur final...

Publié le 15 mars 2010 par Ja_fs
Proxima mobile labellise le Flashcode au détriment de l'utilisateur final...Le portail Proxima Mobile a récemment été lancé par le gouvernement. Nathalie Kosciusko-Morizet, Secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique nous en parle en ces termes :
Nous sommes heureux de vous présenter le portail Proxima Mobile premier portail de services aux citoyens sur téléphone mobile. Ce portail coordonné par la Délégation aux Usages de l’Internet s’inscrit dans la continuité de l’appel à projets Proxima Mobile qui a sélectionné et soutenu financièrement 68 projets de services d’intérêt général sur mobile. L’objectif était de créer une large gamme de services gratuits utiles au quotidien à l’ensemble des citoyens. Il importe en effet que les bénéfices sociaux, culturels et économiques de l’Internet mobile deviennent accessibles à tous.
L’initiative est plus que louable : inciter l’innovation dans le domaine de l’Internet en situation de mobilité, favoriser l’émergence de jeunes pousses dans le secteur et labelliser des applications mobiles permettant de valoriser auprès des utilisateurs les sociétés engagées dans la création de services d’intérêt général.
Maintenant, au delà des louanges, il s’agirait de comprendre de quelles manières les bénéfices sociaux, culturels et économiques sont accessibles à tous. Lorsque le portail Proxima Mobile assure la promotion et la labellisation d’un modèle de code 2D parmi le plus fermé d’Europe et qui fait fi des standards ouverts de l'Internet, ne sommes-nous pas en droit de se poser quelques questions ?
Avant de les formuler, quelques explications s’imposent.
Disponible sur le portail Proxima Mobile, Flashcode est classé dans la rubrique Vie Locale : Flashcode permettrait de lire des codes-barres à deux dimensions (code 2D), de manière intelligente, pour accéder rapidement et en toute simplicité à différents types de contenus multimédia : vidéos, photos, musique, portail internet... 
Qu’est-ce qu’un « codes-barres à deux dimensions (code 2D) » ?
Un « codes-barres à deux dimensions (code 2D) » est un type de code graphique. Parmi les codes graphiques, on peut distinguer les codes à barres (code 1D) des codes matriciels (code 2D - matrice de points).
Proxima mobile labellise le Flashcode au détriment de l'utilisateur final...
En un mot, un code graphique est la représentation visuelle de données interprétables par une machine.
C’est une méthode d’identification qui permet de capturer des données de manière automatique.
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Le changement de paradigme des codes graphiques intervient lorsqu’aux machines professionnelles permettant de lire ces codes graphiques se sont ajoutés les téléphones portables de dernière génération, smartphone, iphone, Google Phone etc… A un usage purement industriel, sur une chaîne de valeur B-to-B s’ajoute dorénavant des usages grand public sur une chaîne de valeur B-to-C, mais aussi C-to-C.
Sans vouloir rentrer dans des considérations techniques rebutantes, ce billet ne traitera que des codes matriciels, que l’on appellera « code 2D » pour simplifier, et ne traitera l’aspect technique que pour mettre en lumière les différents écosystèmes et le positionnement des acteurs s’y rattachant.
Un code 2D permet en fait d'établir une communication numérique entre un émetteur (le code graphique) et un récepteur (le téléphone) pour accéder à des données, locales et/ou distantes.
Proxima mobile labellise le Flashcode au détriment de l'utilisateur final...
Mais parler de codes 2D ne se limite pas au type de code utilisé. Les codes 2D désignent tout à la fois un langage et une grammaire dont l’articulation crée un écosystème. Le langage correspond au type de symbole utilisé, certains symboles appartenant au domaine public et d’autres non. La grammaire correspond à la manière dont sont encodées les données dans le symbole. La grammaire peut également être publique ou privée.
Trois cas de figures sont envisageables :
- langage public + grammaire publique = écosystème public. Les ressources sont accessibles à tous. Les utilisateurs peuvent générer des codes 2D librement et utiliser n’importe quel logiciel mobile capables de décoder les codes 2D publics.
- langage public + grammaire privée = écosystème propriétaire. Les ressources ne sont accessibles qu’à partir du logiciel de l’acteur en question.
- langage propriétaire = écosystème propriétaire. Idem.
En simplifiant, il y a donc deux écosystèmes de codes 2D, public ou propriétaire. A propos du positionnement des acteurs, nous pouvons distinguer ceux qui se positionnent uniquement en faveur de l’écosystème public de ceux qui se positionnent sur un écosystème propriétaire et parmi ces derniers, ceux s’assurant d’une interopérabilité avec l’écosystème public.
Par exemple, Microsoft, avec le Microsoft Tag se  positionne uniquement sur un écosystème propriétaire puisque le logiciel mobile de Microsoft ne lit rien d’autre que le Microsoft Tag.
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A l’inverse, Google s’est uniquement positionné sur l’écosystème public. Certains acteurs jouent l’interopérabilité comme Beetag en Suisse dont le logiciel de lecture de code 2D décode à la fois leur code 2D propriétaire, mais aussi les codes 2D publics.
Proxima mobile labellise le Flashcode au détriment de l'utilisateur final...
Avec cette grille de lecture, qu’en est-il du Flashcode ?
Flashcode est un code 2D qui utilise un langage public (le Datamatrix) mais une grammaire privée (un identifiant de 14 chiffres). Le logiciel mobile Flashcode est bridé pour ne pas lire la grammaire publique. Ainsi, il est ainsi impossible de lire une simple URL comme http://proximamobile.com par exemple, encodée avec le langage public Datamatrix, à partir duquel est justement développé le Flashcode :
Proxima mobile labellise le Flashcode au détriment de l'utilisateur final...
Résultat :
Proxima mobile labellise le Flashcode au détriment de l'utilisateur final...
Le positionnement de l’écosystème Flashcode est astucieux. En utilisant un langage public, le système se dit ouvert. En rendant publique une grammaire privée, le système se dit public. Mais le modèle qu’ils promeuvent est un écosystème centralisé aux antipodes du caractère ouvert et neutre de l’Internet.
Quels sont les enjeux ?
Au-delà d’être un langage et une grammaire, les codes 2D sont un moyen d’accès à des ressources numériques accessibles en situation de mobilité via le réseau Internet. Scanner un code 2D avec un téléphone de dernière génération permet à la fois de simplifier l’accès à ces ressources et de contextualiser leur point d’accès.
Simplifier l’accès car il est incontestablement plus simple et plus rapide de scanner une URL, par exemple, que de devoir la taper à la main. Contextualiser ce point d’accès car le lieu auquel il se rapporte ou l’objet sur lequel il est imprimé, collé, dessiné, invite à la connexion et la seule limite est l’imagination : un immeuble, une devanture, un prospectus, un champ de maïs, une boucle d’oreille, un pantalon, voire un abribus etc.
Un code 2D public est une technique, libre de droit, utilisable par tous, sans licence, ni activation ou encore royalties. Un Flashcode est un service, commercial, créé par les opérateurs de télécommunication.
Code 2D public / Flashcode en détail
Les codes 2D publics pouvant être un moyen d’accès à des ressources disponibles sur Internet, la connexion initiée par le téléphone pourra utiliser n’importe quel réseau, 3G ou wifi. Or Flashcode bride le wifi. Il est impossible de scanner un Flashcode, même avec le logiciel Flashcode, en utilisant un autre réseau que celui des opérateurs de télécommunication. Où est l’intérêt général ?
Les codes 2D publics sont utilisés un peu partout dans le monde. Or le Flashcode est une spécificité française. Les français qui voyageront à l’étranger ne pourront donc pas profiter des initiatives mises en place comme Tag My lagoon en Italie pour n’en citer qu’une seule. A l’inverse, les 80 millions de touristes étrangers qui viennent chaque année en France ne pourront pas profiter des Flashcodes disséminés un peu partout sur le territoire. Où est l’intérêt général ?
Les codes 2D publics sont libres de droit, utilisables par tous (développeurs informatiques, entreprises, particuliers) et n’ont pas besoin d’être « activés » pour fonctionner. Or Flashcode est un écosystème complexe avec des services gratuits pour les particuliers et payants pour les entreprises qui doivent s’adresser à des revendeurs agréés, seuls habilités à activer les Flashcodes sur les serveurs des opérateurs. Où est l’intérêt général ?
Les codes 2D publics profitent de l’architecture décentralisée du réseau Internet, dont Bernard Benhamou rappelait en 2007 dans un article publié dans la revue Esprit, l’intérêt de faire porter l’intelligence non pas au centre d’un réseau mais à ses mailles : Ce principe de réseau décentralisé constitue aussi une rupture profonde avec les systèmes de réseaux « en étoile » auxquels nous étions précédemment habitués, en particulier avec le minitel. Or le Flashcode est un service centralisé et dont les procédures techniques lourdes mènent souvent au dysfonctionnement du service, parfois chez un opérateur mais pas l’autre. Où est l’intérêt général ?
Enfin, il nous semble dangereux de promouvoir une application qui ne pourra être que source de déception puisqu’elle ne fonctionnera pas tout le temps, suivant que l’utilisateur scanne un code 2D public ou un Flashcode, car il ne saura probablement pas faire la différence entre les deux. Où est l’intérêt général ?
Quelles sont les conséquences ?
Le modèle Flashcode est une spécificité franco-française qui porte en elle tous les ingrédients d’un échec programmé. Maintenant, il ne s’agit pas de juger de la stratégie de Flashcode mais se poser la question de savoir pourquoi le gouvernement participe à sa promotion en le labellisant ?
Cette situation place la France dans une position incohérente : d’un côté les pouvoirs publics semblent inciter les entrepreneurs nationaux à l’innovation dans le domaine des applications mobiles et de l’autre, assurent la promotion d’une solution propriétaire parmi les plus fermée au monde dans le domaine des codes graphiques, c'est-à-dire de l’accessibilité à ces mêmes applications.
La seule question qui nous vienne à l’esprit serait alors celle-ci : en labellisant le service Flashcode, le portail Proxima Mobile ne s’attache-t-il pas à promouvoir un service au détriment de l’utilisateur final plutôt qu'en son intérêt personnel ?

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