"avant l'été", éditions "pré carré / Hervé Bougel", 2005.
Au plan de la présentation, c'est un élégant mini-livre carré, un "livret cousu-main" à la couverture duveteuse, vierge.
Pas plus d'une vingtaine de pages environ, au fil desquelles Anne-lise Blanchard déploie son art poétique à la lisière du silence, très influencé par le haïku japonais.
Ici, le vers bref apparaît presque comme une entaille hasardée sur le blanc de la page, mais pas une entaille profonde, une simple entaille menue de griffe de chat inoffensif.
Les mots se font mobilité, "effleurement" de l'inaccessible, présence / absence de l'éphémère qui "court" et se transforme en manque.
L' "en attente" est là, avec "son parcours frêle d'échassier", son "Froissement de terre". Une certaine cruauté plus ou moins sous-jacente se révèle au détour de sonorités parfois abruptes ( " Mots
[...] qui griffent / brefs" ).
L'absence de ponctuation se pose comme une recherche de l'espace ouvert, de "l'inflexon de la planète".
Il ne s'agit de rien de plus que d' "attrapper la vie au vol", "d'enjamber les saisons", de s'élancer, mue par un énigmatique "souci de l'esquive".
"Il y a / des jours / troués", des à-jours dont l'enfance seule montre le signe.
" Au point de naissance du vent", éditions "Sang d'Encre", 2006.
Un ouvrage de même épaisseur, de même largeur que le précédent, mais de forme, cette fois, rectangulaire.
En préambule, une encre très abstraite de Cécile Crest.
Et puis, comme on s'y attendait un peu, des poèmes courts, compacts, porteurs d'une sorte d'hésitation à dire, d'une conviction implicite que toute "trace" n'est jamais qu'une "trace à peine née",
une "trace à peine".
Plus que jamais, cette présence, cette centralité de l'enfance, de son regard interrogateur si précieux et, sans doute, matrice du regard poétique .
Plus que jamais, cette importance de l'espace, qui appelle le "pas", le mouvement.
Ces suites de mots nous font songer à de la dentelle, à de l'écume. Il faut à tout prix y trouver "l'échappée" "aux confins du vif".
Un personnage masculin s'y esquisse, qui cherche à retenir l'enfance à toute force.
Même si, quelquefois, les "Visages s'infléchissent / vers l'intérieur", même si l'esquisse d'homme qu'elle effleure, qui l'effleure fait soudain exploser le magnifique cri : "Aimez-moi / purulent
de mes plaies // sans craindre de vous écorcher / la peau // à scruter mes terriers / d'argile", la poésie d'Anne-Lise Blanchard est, et demeure une poésie d'essence fondamentalement aérienne, au
coeur de laquelle tout aspire à se "soulever", se libérer.
P.Laranco.