Hokusai Katsushika (葛飾 北斎) 1760-1849 The Great Wave off Kanagawa***Le Rêve de la femme du pêcheur d’Hokusai est l’estampe érotique japonaise la plus connue. La plus énigmatique aussi. Union de la femme et de la bête marine. Scène d’hypnose, de sexe, de vigilance animale et de volupté surnaturelle. Patrick Grainville n’aborde pas le sujet par le biais d’une biographie d’Hokusaï et d’une reconstitution de son époque. Il va droit au cœur du motif et raconte l’histoire de ce couple impossible d’amantes : femme et pieuvre.Le récit de cet amour monstrueux déroule son fil romanesque et fluide. Au gré des péripéties très concrètes, affleure le sens de cette aventure inédite. C’est d’abord l’évocation réaliste d’une île asiatique, perdue dans la mer où vivent quelques villages de pêcheurs et de paysans au pied d’un volcan enveloppé de rizières… Allan, un naturaliste américain se livre à des recherches mystérieuses dans la forêt tandis qu’un moine géant et truculent passe de la peinture des paysages à celle des corps. Car tout commence par la révélation qui frappe un bel adolescent, voyeur aveuglé par la nudité d’une femme… L’apparition, l’emprise de la pieuvre et de la passion naîtront de ce dévoilement de la beauté interdite et de sa profusion intime et sensuelle.
Patrick Grainville est née en 1947 à Villiers en Normandie. En 1976, il obtenu le prix Goncourt pour Les Flamboyants. Il est l'auteur d'une vingtaine de romans.
Editions du Seuil
Extrait La pulsion de meurtre éclata en lui brutalement. Tuer la pieuvre, tuer Tô, cette étreinte qui dépassait le monde. Abolir cette grande scène où la femme et sa comparse tentaculaire, muées en monstres, effrénées, accomplissaient la chorégraphie de leur copulation, affichaient cette complicité de garrots gluants. Séparer, couper l'obscène magma, tout rayonnant de luisances et de salives marines, qui ravalait Haruo au rang de voyeur écrasé d'effroi, d'émerveillement, de haine et de honte. Anéantir cette vision aussi folle que l'épiphanie de Tô, nue, dans le flash du tremblement de terre. Haruo était aux prises avec l'outrance des deux révélations, coup sur coup, qui avaient aliéné sa raison. Si rien ne s'était passé, il aurait encore pu aller contempler Tô autour de sa maison lacustre. Son amour aurait sans doute évolué peu à peu vers un passage, une réconciliation. Mais l'autre vision avait surgi dans son grand échevèlement d'hydre et de gorgone. Parfois, il lui semblait que la pieuvre - loin d'avoir été vomie par la mer le soir du raz de marée et découverte dans la crevasse profonde du rivage - avait jailli de la maison marine, du coeur de la couche de Tô, et peut-être du plus intime de son corps et de sa beauté interdite...
Hokusai Katsushika, Le Rêve de la femme du pêcheur