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Tests “ADN” et regroupement familial : l’administration doit délivrer un visa afin de permettre la réalisation d’une expertise judiciaire (CE, réf., 4 mars 2010, Soignet et Balezou)

Publié le 18 mars 2010 par Combatsdh

Dans une affaire évoquée lors d’un récent remarquable colloque, dans une intervention non moins remarquée de M. Stirn, le juge des référés du Conseil d’Etat enjoint la délivrance d’un visa afin de permettre à la requérante de se soumettre à un test génétique ordonné par l’autorité judiciaire pour vérifier l’authenticité de l’état civil contesté par le consulat. Le refus méconnait le droit au recours effectif.

En l’espèce, le juge des référés liberté était saisi par une ressortissante centrafricaine résidant en France depuis 2001 qui avait obtenu l’autorisation de regroupement familial du préfet de la Haute-Garonne en 2004 pour faire venir sa fille, née en 1991. Néanmoins, doutant de l’authenticité des documents d’état-civil, le service consulaire opposa le 9 janvier 2008 un refus de délivrance de visa, confirmé par le Conseil d’Etat [si un lecteur met la main sur les références de la décision CPDH est preneur].
La requérante a alors engagé, auprès de l’autorité judiciaire, une action en reconnaissance de filiation. Par jugement du 21 septembre 2009, le tribunal de grande instance de Toulouse a ordonné un examen comparatif par la méthode dite des empreintes génétiques afin de déterminer si elle pouvait ou non être la mère de l’enfant.
Pour l’exécution du jugement, l’enfant a été convoqué par le laboratoire de police scientifique de Toulouse, commis par le tribunal, le 20 novembre 2009 et le 18 janvier 2010. A défaut de visa, il n’a pu s’y rendre et a obtenu une troisième convocation pour le 15 mars 2010 à 14h30.

Saisi en référé-liberté, le juge des référés du Conseil d’Etat rappelle que toute autorité administrative doit prendre, dans son domaine de compétence, les mesures qu’implique le respect des décisions de l’autorité judiciaire en soulignant qu’« une décision administrative qui fait obstacle à l’exécution d’une décision de justice méconnaît la liberté fondamentale que constitue le droit au recours effectif devant un juge ».
A cette occasion, il précise que l’absence d’authenticité des documents d’état-civil antérieurement produits ne dispense pas de l’obligation issue d’une décision de justice revêtue de la force exécutoire.

Il appartenait en conséquence à l’administration de prendre les mesures nécessaires pour que les examens ordonnés par ce jugement puissent être pratiqués. Ainsi, à défaut de délivrance du visa, elle a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. L’urgence est constituée par la date de la troisième convocation le 15 mars 2010.

Rappelons que l’expérimentation prévue à l’article L. 111-6 du CESEDA (disposition issue de la loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 - art. 13 dit « amendement Mariani » ) n’a jamais eu lieu à défaut de décret d’application.

Mentionnons aussi qu’au 1er avril 2010, le Conseil d’Etat ne sera plus compétent pour se prononcer en premier et dernier ressort sur les refus de visa opposés par les autorités consulaires car ce contentieux sera transféré au TA de Nantes (R.312-18 CJA issu article 2 décret 22 février 2010).

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CE, réf., 4 mars 2010, Soignet et Balezou (n° 336700)


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