Six heures du mat.
Mon chat m'attend quel charlatan ! Il veut que je la joue Clooney "What else", et mes croquettes et ma caresse matinale me dit-il... Il est juché sur ma couette, en surplomb de mon visage endormi, de mes yeux qui refusent obstinément de s'ouvrir complètement sur ses vibrisses à portée. C'est une scène digne de mon "Buck John" d'enfance. Le héros face au terrible lion des montagnes...
Tous les animaux dits domestiques sont comme ça au réveil. Ça piaffe d'impatience. Même un poisson rouge que j'ai eu autrefois s'excitait à des heures pas possible jusqu'à presque disparaître dans le drapé d'un torrent de micro-bulles provoquées par lui dans son bocal. Sa frénésie danseuse qui faisait chavirer l'algue et le scaphandrier en plastique, remuer même les graviers multicolores, se terminait invariablement au seul versement d'une pincée de daphnies.
Mon chat m'attend quel sacripant, tout un cinoche matinal qui va se solder par quatorze heures de roupillon en quasi continu pour lui, sa toute splendeur Raminagrobis ! En attendant mon enfoiré tu m'auras bien réveillé. Après mon café, tu vas m'accompagner dans mon bureau, regarder mes mains, mes doigts s'affairer, s'entrecroiser, se délier, puis, bien chauds, bien dérouillés, entreprendre de bécotter toutes les lettres du clavier.
Tu vas frotter ensuite l'une après l'autre les commissures de tes lèvres sur le coin droit du moniteur-écran.
Enfin, tu vas me regarder longuement comme tous les matins, semblant me dire : " Allez, au boulot, allez, il t'en faut du temps pour rassembler tes idées scrogneugneu ! Allez allez, va faire ton marché de mots, de phrases, de verbes, de ponctuations douces et utiles, allez allez, fais tes emplettes et va vite assembler tout ça en ta cuisine, faut que ça soit beau, faut que ça ait de la gueule ! Allez, sur ce, moi je vais piquer un roupillon, mais je t'ai à l'oeil, faut pas mollir... Miaou !!! "