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Sondages électoraux : le FN a-t-il été sous évalué ?

Publié le 19 mars 2010 par Delits

Avec 11,5 % des voix au premier tour des élections régionales, le Front National retrouve aujourd’hui le rôle d’arbitre de la démocratie qu’il avait perdu au lendemain de l’élection présidentielle de 2007. Depuis dimanche, de plateau télé en reportage presse, ses dirigeants dénoncent un complot. Dans leur viseur, les instituts de sondages qui auraient délibérément sous-estimé son influence et son score. Ainsi, le soir même du premier tour, Marine Le Pen s’en prenait à TNS Sofres et à son directeur Brice Teinturier. Les sondeurs sont-ils retombés dans les erreurs qui les avaient menés à l’énorme bévue de 2002 ?

Dans les intentions de vote publiées la semaine précédant le scrutin, TNS Sofres annonçait un score de 8,5% des suffrages exprimés pour le FN, soit trois points de moins que les résultats définitifs. Du côté de l’Ifop, le Front National a oscillé entre 8,5 % et 9,5 % avant de se stabiliser à 9% dans la dernière vague. Chez Ipsos, des résultats non publiés donnaient le FN entre 10% et 12% à la veille du scrutin. Ces chiffres démontrent effectivement une sous-estimation généralisée du FN, mais ne peuvent en aucun cas alimenter la thèse du complot. Car les deux points de différence observés en moyenne au niveau national correspondent à la marge d’erreur des instituts, un droit à l’erreur singulièrement occulté dans les analyses et commentaires.

Des décrochages importants en région ?

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Toutes listes confondues, les études publiées régionalement ont réussi à proposer des résultats assez proches de ceux enregistrés dimanche. Quelques écarts constatés chez les différents sondeurs en ce qui concerne la liste Auxiette en Pays de Loire (évaluée en-dessous de 30% pour un score de 34,4%), ou la liste Pécresse en Ile-de-France, généralement donnée au-dessus de 30% pour un score final de 27,8% ne peuvent occulter la fiabilité globale des instituts. Ainsi, l’analyse des intentions de vote TNS Sofres pour la Basse-Normandie ou pour la région Midi-Pyrénées, met en lumière des résultats très proches des scores du scrutin pour l’ensemble des listes, y compris le Front National. Dans d’autres régions, comme l’Aquitaine ou Poitou-Charentes, les résultats du FN ont été évalués très précisément, et la tête de liste du Front National en Poitou-Charentes n’a d’ailleurs pas caché sa déception d’atteindre seulement le score promis. Enfin, le score de Marine Le Pen dans la région Nord-Pas de Calais avait été assez bien anticipé : 17% d’après l’Ifop, la liste obtenant au final 18,3% des suffrages.

En revanche, le bât blesse pour les instituts de sondage dans quelques régions-clés comme en PACA (13%-15% en intentions de vote pour un score de 20,3%) ou en Languedoc-Roussillon (7%-8% pour 12,7%). C’est également le cas en Champagne-Ardenne, Rhône-Alpes, Lorraine, et Alsace, où le décalage entre le score annoncé et le score obtenu par le FN atteint 4 à 5 points. Dans ces régions, où la captation du vote FN par le candidat Sarkozy lors de la présidentielle avait été très marqué et s’était prolongé lors des dernières élections européennes, la reconstitution d’un électorat frontiste semble s’être avérée encore plus ardue qu’au niveau national.

Détour dans les coulisses des instituts

Pour comprendre ces erreurs d’appréciation, il convient de faire un détour dans les coulisses des sociétés de sondages. Les instituts utilisent comme « matière première » les réponses que donnent les interviewés. Or de nombreux électeurs du Front National cachent leur vote et affirment soit voter pour une autre liste, soit vouloir s’abstenir. Afin de lutter contre ces « votes masqués », les instituts établissent des reconstitutions de votes antérieurs afin de pondérer les différentes réponses en fonction du décalage entre le résultat d’une élection précédente et ce que les interviewés leur déclarent avoir voté. C’est grâce à cet outil que la prédiction du vote Front National s’était largement améliorée ces dernières années. A cela s’ajoutait un comportement décomplexé de la part des électeurs du Front National, moins honteux d’exprimer leur vote, et donc plus enclins à révéler leurs intentions de votes aux enquêteurs.

Or, il semble que le syndrome du « vote de la honte », ait légèrement ressurgi durant ces élections régionales. Un constat qui confirme les premières hypothèses de ce premier tour :  Le Pen, profitant du fort mécontentement dans les rangs UMP, aurait attiré de nouveaux venus, des électeurs « fraîchement dépucelés à la sauce lepéniste », et qui n’ont pas osé faire leur « coming out » auprès des enquêteurs des instituts…


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