Afin de ne pas faire connaître à la zone euro une deuxième crise après celle de la Grèce, le gouvernement socialiste portugais prévoit de désengager l'Etat de 17 entreprises afin d'encaisser six milliards d'euros. Ces réformes nécessaires ne seront pas suffisantes pour résorber une dette publique de plus de 140 milliards d'euros.
Le Portugal revoit en hausse ses estimations de dette publique
Le gouvernement portugais a revu à la hausse ses estimations concernant sa dette publique prévoyant désormais qu'elle atteigne 86% de son PIB en 2010, contre une prévision antérieure de 85,4% du PIB, selon le programme de stabilité et croissance rendu public le mardi 16 mars 2010.
Les années suivantes, la dette devrait s'alourdir à 89,4% en 2011, à 90,7% en 2012 avant d'amorcer une légère réduction en 2013 à 89,8% du PIB, selon ce programme remis au Parlement. Le pacte de stabilité européen fixe théoriquement la limite de l'endettement des pays de la zone euro à 60% du PIB.
Depuis l'entrée en vigueur du Pacte européen de Stabilité et de Croissance, les gouvernements européens ont fixés à 3% la limite haute des déficits publics autorisés. Le Portugal s'est engagé à faire passer son niveau de déficit public de 8,3% à 2,8% en 2013.
De nombreuses privatisations prévues pour réduire la dette du pays
Pour réduire la dette publique, le gouvernement portugais a dévoilé son programme de privatisations pour la période 2010-2013, suspendu en 2007 en raison de la crise, dans les secteurs de l'énergie, des transports, de la finance et des communications.
D'après ce document, qui doit être débattu au Parlement le 25 mars avant d'être transmis à la Commission Européenne, l'Etat portugais prévoit de se désengager de la société Inapa, quatrième distributeur européen de papier, avec la cession de sa participation de 32,7%.
Le gouvernement annonce également la cession de participations dans Galp Energias (8%), Energias de Portugal (25,73%) ou encore dans REN, le gestionnaire du réseau électrique portugais (51,08%), où l'Etat veut toutefois garder une position stratégique.
Outre l'ouverture de capital des chantiers navals de Viana do Castelo le gouvernement prévoit la cession de toutes les participations publiques dans des sociétés du secteur de l'industrie de la défense, Edisoft (60 %), EID (38,57 %) et Empordef IT (100 %).
Le programme du gouvernement confirme l'ouverture de capital de la compagnie aérienne publique TAP Portugal et la privatisation d'Aéroports du Portugal (ANA) à l'issue d'un appel d'offres international. L'exécutif prévoit également l'ouverture de capital de CTT, la poste portugaise. TAP Portugal et CTT pourraient "faire l'objet d'une privatisation" ultérieure, selon le gouvernement.
Toujours dans le secteur des transports, le gouvernement a annoncé la privatisation du secteur fret de la compagnie nationale de chemins de fer (CP Cargo) et il est question de céder l'exploitation de certaines lignes passagers. L'entreprise de matériel ferroviaire EMEF (100 %) est également sur la liste.
Dans le secteur financier, le gouvernement confirme son intention de privatiser à nouveau la banque BPN, nationalisée en pleine crise financière, et la cession d'une partie des activités assurance de la banque publique Caixa Geral de Depositos (CGD).
Ce programme de privatisations doit permettre à l'Etat portugais d'encaisser 6 milliards d'euros d'ici 2013, dont 1,2 milliard cette année et 1,8 milliard d'euros l'année prochaine. Environ 80% des recettes issues de ces privatisations seront affectées à l'amortissement de la dette publique.
Ces opérations permettront "une plus grande productivité de ces secteurs ainsi que de contribuer à la réduction essentielle de la dette publique", souligne le gouvernement dans son programme. La relance à grande échelle des privatisations signifie une profonde rupture dans la stratégie économique du gouvernement socialiste portugais, peu enclin jusqu'ici à privatiser.
Autres mesures d'urgence : réduction des dépenses publiques et hausse des impôts
"Nous travaillons sur divers fronts pour pouvoir concrétiser ces opérations le plus tôt possible", a déclaré mardi le ministre des Finances Fernando Texeira dos Santos. Le gouvernement, a-t-il toutefois souligné, sera "évidemment attentif à la situation des marchés afin de réaliser ces opérations dans des conditions qui soient favorables".
Parmi les entreprises qui seront privatisées en premier, le ministre a cité la BPN, une banque d'investissement nationalisée en pleine crise financière, ainsi que l'Ana, le gestionnaire des aéroports du Portugal.
Outre les recettes provenant des privatisations, ce plan quadriennal est axé sur une réduction drastique des dépenses, avec un gel des salaires de la fonction publique sur quatre ans, un plafonnement des aides sociales, la réduction de 40% des dépenses militaires d'ici 2013 et la suspension pour deux ans de la construction de deux lignes de train à grande vitesse entre Porto, Lisbonne et Vigo.
Le plan prévoit également une hausse de l'impôt sur les plus hauts revenus (le plan introduit un taux d'imposition maximum de 45% ; il s'agit de la seule mesure augmentant l'impôt sur le revenu), une taxe sur les plus-values boursières, la suppression de bénéfices fiscaux et le report d'investissements publics. Le ministre de l'économie, Jose Vieira da Silva, a toutefois indiqué que le gouvernement restait en faveur des services publics. "Il s'agit d'un pari sur la réduction des dépenses publiques et du poids de l'Etat dans l'économie, pas d'une hausse générale des prélèvements fiscaux. Ce pari doit être crédible pour restaurer la confiance dans l'économie du pays".
Un effort national pour sauver le pays
Le gouvernement socialiste, minoritaire à la Chambre, espère avoir le soutien de tous les partis politiques sur ce qu'il présente comme un "effort national pour sauver le pays". Le Parti Social Démocrate, parti d'opposition de centre-droit, n'a pas commenté en détails le plan proposé par le gouvernement mais assure qu'il demandera certains ajustements. Le Bloc de Gauche et le Parti Communiste ont déjà annoncé qu'ils s'opposeraient à ce plan d'urgence.
Ressemblant à son équivalent grec, ce plan d'urgence a toutes les chances d'être très impopulaire auprès des salariés du secteur public, dont plusieurs dizaines de milliers ont déjà défilé au début du mois de mars après l'annonce du gel des salaires des fonctionnaires.
Lundi 15 mars 2010, le présient de la Commission européenne José Manuel Barroso a qualifié le plan portugais d'"ambitieux" et "crédible". De son côté, le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, cité mardi dans la presse portugaise, a salué des "mesures courageuses".
Consulter le Programme de Stabilité et de Croissance (PEC, en portugais, voir page 35 pour consulter la liste des 17 entreprises concernées) : http://www.min-financas.pt/inf_economica/PEC2010_2013_15mar2010_VF1.pdf