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Un apocryphe (II & fin)

Par Doma

On se souvient sans peine du sort cruel réservé à nos voyageurs des mers, égarés par le quarante-troisième parallèle sud après qu’une violente tempête les eut chassés des côtes inhospitalières de la Tasmanie. Ils n’avaient échappé que de peu à ce qui semblait être les prémisses d’un rite de cannibalisme, sans une prompte fuite ils eurent probablement été cuits tout vifs !

De retour à bord,  les deux dames s’enquirent de la situation avec empressement. Nul blessé n’était à déplorer, les quelques contusions que le Français portait au cou furent soignées avec tact, discrétion et douceur.

Faute de chronographe, il était impossible de connaître la longitude, aussi l’embarras fut à son comble lorsqu’il s’agit de choisir un cap. L’Anglais était d’avis de tirer vers l’est afin de joindre la Nouvelle-Zélande, et ce point de vue semblait effectivement le plus raisonnable, si tant est que la côte put être touchée directement par le travers d’une province colonisée. Le Français avait pour argument de remonter vers l’Australie afin de côtoyer, puis de faire vent vers la Nouvelle-Calédonie, où les missionnaires, paraît-il, avaient pris bonne et sûre position. Le fait est que les vents dominants n’étaient pas pour conforter la proposition du Français. Les dames, en toute logique, penchaient fort pour l’expérience de l’Anglais, bien que leur coeurs fussent ralliés, dans un louable sentiment, à l’ambition de leur compatriote.

Nous passerons sous silence les diverses tergiversations qui suivirent afin de nous concentrer sur les évènements, et ceux-ci méritent d’être narrés en détail. Retenons seulement que, in fine,  le brick “Clio”, à la fin du mois de février 188.., arrivait en vue d’une terre a priori abordable. La nuit tombant très vite, il fut décidé de mouiller suffisamment au large de ce que l’on pouvait distinguer comme une forêt dense, en à-pic sur une falaise peu élevée. Le lendemain, force fut de constater la radicale impossibilité d’aborder, de quelque manière et aussi loin que la vue put porter. Il fallut donc longer, à distance respectable, jusqu’à ce que l’on aperçoive des parages accueillants. Vers midi, enfin, apparurent successivement une digue naturelle, une grève à l’embouchure d’un fleuve, puis quelques maisons de bois, peintes de couleurs vives  et neuves qui ne pouvaient qu’être l’oeuvre d’un occidental. On donna par trois fois du canon, sans réaction apparente. Tout était calme dans ce hameau côtier.

Cette fois-ci, compte tenu de la tranquillité apparente du lieu, ce furent les dames qui accompagnèrent les nageurs. Le capitaine lui- même tint la barre de la chaloupe, celle-ci aborda rapidement une plage peu déclive, au sable d’or. 

Le trio héla, sans résultat. Il fut convenu de monter jusqu’à la première bâtisse, ouverte à tous les vents., pour l’instant très faibles. Elle semblait vide, les dames y pénétrèrent  sans crainte aucune; ne s’agissait-il pas de savoir où nous étions et de s’enquérir de la possibilité de faire relâche ? Il y eut d’abord ce qui paraissait être un endroit où l’on fait la cuisine, puis un couloir étroit, et toujours pas de réponse !

La plus jeune de nos amies, un instant, sentit quelque chose, ou quelqu’un, qui bougeait, un froissement. Au détour du couloir,  tout doucement, apparut, dans un petit fauteuil, un être d’aspect malingre, nu comme un vers; il grommela quelque chose qui ressemblait à ceci:

- Mesdames, je vous prie, permettez que je me revête avant que de m’entretenir avec vous des raisons de cette intrusion.

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