Magazine Journal intime

Première cuite...

Par Kasey

et conscience professionnelle
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7h_ à l’éveil, la première pensée consciente fut «  comment je suis arrivée là ? ». Le black out total des derniers instants de la soirée.

J’entrevois quelques brides de souvenirs. M. me lancant «  t’as pas intérêt à me vomir sur le dos » «  t’inquiète ». Et après quelques instants, direction les WC et d’être revenue dire «  tu vois, je t’ai pas gerbé dessus ».

( avouez que les dialogues de bourrée sont quand même de très haut niveau.)

Aucune autre pensée me vient à l’esprit, même pas celle de changer de position. Blam, je me rendors illico.

7h45_ une jolie musique m’éveille un peu plus tard. Apparemment, y a quelque chose qui doit choquer M. parce qu’il me demande si ca va ? en éteignant la jolie musique. J’ai presque envie de dire « laisse là, elle est jolie ».

Apparemment, dans le noir de ce qui aurait du me servir de cerveau hier soir, il serait partie s’allongé sur son lit, et je l’aurais suivi, et après quelques instants de discussions dont je n’ai aucun souvenir. Espérant seulement, ne pas avoir dit la phrase qui me trottait dans la tête, et que je bridais sérieusement, on se serait endormi.

Le clou : avoir dormi au moins 5 heures à genoux sur le sol, la tête reposant dans mes bras au pied de son lit.

Le pire se doit être que c’est la meilleure nuit que j’ai passé ici, parce que j’ai au moins pu fermer l’œil du premier coup.

Après cela, d’autres flashs remontent dans la tête.

L. lancant quand on est arrivé : «  dans l’état où elle est, tu peux faire ce que tu veux d’elle ? ». Je me rappelle pas la réplique des autres. Pourtant, même dans l’état où j’étais, je ne parvenais pas à me lacher totalement. Dixit une amie : en fait, faut s’en prendre pas mal dans la gueule plusieurs fois, pour parvenir à accepter de perdre le contrôle et de se moquer des conséquences.

Bon, bah c’est pas pour tout de suite.

M. a alors gentilment essayé de m’allonger sur le lit encadré de deux sacs poubelles, mais je ne voulais pas rester seule.

L’inconvénient d’être bourrée c’est que même en tachant de garder le contrôle, on ne peut brider entièrement sa langue. Ainsi j’ai du dire «  je veux pas rester seule » pas mal de fois. Parce que j’avais pas envie de dormir seule. Non, mais même en tout bien tout honneur. C’est comme, les gosses qui réclament un doudou. Et alors, que je me redressais, me rattrapant maladroitement à ses épaules, d’ajouté «  t’as la peau toute chaude ».

Et là, tu espères, quand tu te souviens de cela, d’avoir tenu mieux que cela ta langue. Parce que quand je me connais parvenir à dire cela, c’est… même pas possible dans la réalité. Enfin, en tout cas, dans celle où je vis. ^^

Finalement, il m’a lancée le défi que je ne parviendrais pas à le masser dans mon état.

La dernière chose à faire, déjà en temps normal, je relève n’importe quel défi si c’est un homme qui le lance, mais alors là, je suis sure que ca me faisait trop plaisir de le faire. Toutefois, en y resongeant, à tête plus ou moins reposée, tu te poses des questions sur ton comportement. Tu te dis, est ce que c’est sérieux de se mettre à califourchon sur un gars pour masser son dos. Même si je me souviens avoir pris cela très «  professionnellement », parce que ca glissait mal sans crème et que sa peau était agréable à toucher… Et puis, autant être sincère, j’adore masser.

Surtout ces derniers temps, où une de mes patientes m’a lancée avant son départ, «  je ne peux pas vous emporter avec moi, pour un massage comme cela tous les jours, qu’est ce que je donnerais ». ^^

A mes yeux, le massage c’est comme une partition de piano… J’ai jamais joué du piano, mais c’est la même idée, vous avez une peau nouvelle sous les doigts, que vous pouvez apprécier pour X ou Y raison, ou détestez, et vous devez composer avec ce que vous sentez sous les doigts… Et j’adore découvrir les endroits contracturés, ceux qui font mal, ou soulagent. Ca m’amuse… Et quand tu masses, tu ne penses à rien, tu peux respirez… te détendre.

Une amie qui s’est lancée dans le massage indien me disait : «  ces derniers temps, je ne masse pas. Je ne me sens pas bien. Le premier truc qu’on m’a appris pour masser, c’est de se sentir bien dans sa peau, pour transmettre cette énergie à l’autre. »

8h30_ De retour dans mon appart essayant de m’habiller après la douche la plus longue de ma vie. Tout fonctionne étrangement au ralenti, comme les boules à facettes dans les boites qui projettent que des flash noirs et blancs. Chaque acte doit être pensé, et réfléchi.

A 40, je parviens enfin à décollé, et à l’arrivée, je croise le cadre. Tachant de donner le change avec le sourire, je dois admettre que tout le monde aura remarqué que j’étais bien trop blanche, je marchais pas droit, et pas suffisamment enjouée pour aller aussi bien que j’ai tenté de le montrer. Mais, j’ai eu de la chance, il s’en est pas rendu compte.

Heureusement, parce que quelle excuse donnée à son cadre dans de telles circonstances, certes exceptionnelles ?

Après cela, alors que j’effectue et apprend les transferts sur ma kiné référente, je dois admettre que je suis forcée de me concentrer sur les explications. Au bout d’un temps indéfini, je lance maladroitement que je me sens pas capable de prendre en charge comme convenu le patient de 11h. Pour la première fois de ma vie, je me sens dangeureuse pour un patient. Vraiment. Pas seulement, l’impression fausse que vous avez des premières fois. Quand vous vous dites « j’ai jamais fait, si ca se passe mal ? ». Non, là, c’est la vraie sensation de danger… Vous avez une conscience aigue de vos limites, et vous savez que les dépassez mettra les autres en danger et que vous ne pouvez pas supporter cela.

Ma kiné pense aussi que ce serait une mauvaise idée et ajoute « tu viens de prendre des mauvais points là ».

9h40_ Premier patient

J’alterne les AR WC-box du patient en m’efforcant de donner le change. Heureusement, pour moi, ce premier patient ne se rendra compte de rien. Je m’efforce de privilégier son autonomie en lui donnant des exercices réalisables avec sa pathologie à chaque départ précipité de ma part.

Mais le massage de cette cuisse est le plus dur que j’ai du exécuté de ma vie.

Il me fait prendre conscience de mon état avec une conscience professionnelle qui m’effrait. Je scrute le visage de la patiente de peur de lui faire mal. Je ne sens pas mes mains. Elles glissent sur la peau, mais sans force, sans percevoir les aspérités… Chaque mouvement quoiqu’automatique une fois déclenché doit être pensé.

Et là, je pense très fort « plus jamais cela ».

Plus jamais dans cet état, plus jamais en tout cas, si je dois prendre en charge un patient…

Une belle lecon à retenir pour l’avenir.

10h15_ Le patient ne se rend toujours compte de rien, je m’efforce alors de suivre sa voix, buttant sur les mots pour lui répondre mais faisant aussi conscencieusement que possible mon travail.

10h30- Deuxième patient

Au moment, de l’étirement en contracté relaché des ischiojambiers, je reste dix secondes à fixer le vide, vidée de mes forces. Même soulevée la jambe du patient devient trop dur.

Du coup, je prends mon courage à deux mains, même s’il pourrait y avoir des conséquences sur mon stage et son appréciation finale, je demande à rentrer à l’appart. Ne me sentant pas capable d’assurer la matinée sur mes deux patients restants.

Je me demande alors comment font les autres professionnels de santé, qui étaient dans un état sinon pire que moi, tout au moins proches. Et qui restent à travailler alors que je m’en sens incapable physiquement.

Ma kiné me donne ma matinée prenant à sa charge mes deux patients qui heureusement ne demandaient pas un suivi particulier.

10h40-12h15_ je m’endors pour revomir le demi litre d’eau but juste avant… Finalement, j’aurai du écouter les conseils répétés de M. comme quoi, je me sentirai mieux si je mangeais quelque chose. D’un autre côté, j’en fais toujours qu’à ma tête.

12h15_ je me décide finalement à aller manger. Je tangue encore un peu sur mes jambes et les conversations mènent vite à la soirée.

-   T’as bu combien de verres ?

-   Pourquoi t’as bu autant ?

-   Etc…

En fait, je me rappelle avoir bu la meilleure bierre de ma vie ( Triple Karmelit ) et après avoir enchainé les verres que me tendaient une stagiaire quand elle allait se resservir. Parce que c’était bon, et qu’un autre me charriait pour que je me lache… Et que je n’y parvenais pas, observant l’ambiance dijonctée de la soirée, riant des frasques des autres, ou les admirant de se lacher autant… quand tu te sens engluée dans la peur, la timidité… le regard des autres.

D’autres flashs me ramènent à hier soir : le fait d’avoir dansé un peu trop collé avec un gars de l’équipe, et de m’efforcer de pas rougir pour quelque chose d’aussi anodin quand la majorité des gens sont habitués à tout cela…

13h_ «  alors ces genoux ? » me lance un stagiaire à la pause café.

C’est amusant de voir à quel point les nouvelles vont vites, surtout les conneries que tu fais.

-   Ca va, pourquoi ?

-   T’as pas d’escarres ? 

-   Tu m’expliqueras comment tu fais pour dormir dans une position pareille ?

-   Tu fais ta prière tous les soirs ?

-   T’as pas des bleus ?

Intriguée malgré mes « non » successif, je lance « attends je regarde » et soulève mon pantalon. Et là, surprise, la peau est violacée, indolore, et étrangement rouge… Eclat de rires dans l’assistance.

Ne pas m’être rendue compte de cela avant, après une douche, et m’être changée 5 fois aujourd’hui, je trouve cela dingue. Vraiment. Ca m’impressionne encore aujourd’hui.

13h30_ j’accueille ma patiente suivante

La scéance se passe bien, mais je me demande comment je vais assurer pour le renforcement musculaire de ma dernière patiente quand j’apprends soulagée qu’elle ne vient pas. Ouf, c’est déjà cela !

Mon deuxième patient arrive…

14h30 plus de patients à voir aujourd’hui.

En temps normal, j’aurai suivi ma kiné référente, ou observer ce que font les autres. J’aide certes à rasseoir un patient du Stand Up mais moins je bouge, mieux je me sens.

Ma kiné me sauve en m’envoyant faire un travail écrit… assise au calme, sans bouger, avec le fameux verre d’eau des après soirées, je me sens beaucoup mieux.

16h30_ Enfin fini ( oui, les neurones aussi travaille au ralenti ), je passe à la cafet, où je discute un moment avec deux personnes de la soirée, inquiète de ce que j’ai entendu sur mon compte, notamment de ce que je ne me souviens pas. Les deux me rassurent, ou essayent de me charrier «  t’as fait un strip, tu te souviens pas ? » Non, ca je sais que c’était pas possible ! «  attends, tu te souviens même pas qu’on a couché ensemble » Ca aussi, je sais que ce n’est pas possible ! Je me connais encore suffisamment bien pour cerner le vrai du faux, ca a quelque chose de rassurant…

-   Tu voulais tout le temps sortir

Ahahahaha ! Ca par contre, c’est tout moi.

La nuit étant fraiche, marcher même allumée ca fait du bien, ca permet de dessouler plus vite, et ca permet de faire quelque chose, de pas rester à comater, ca permet aussi de reprendre le contrôle qu’on ne parvient plus à maintenir.

-   Un estropié saoule s’occupant de rattraper une autre bourrée

Oups ! Apparemment, je l’ai fait tombée en chutant. Zut, petit remord qui remonte en tête… Je devrais peut être plaider ma cause à Dyonisos, le jour où je m’éteinds.

17h_ en forme, je commence à me balader, il fait beau pour la première fois en trois semaines, mais les autres sont nazes alors je m’endors…

19h10_ on frappe à la porte pour aller manger.

20h49_ je finis ce post.

*** A force d’entendre parler des IKE depuis trois semaines, je commencais à me dire, je veux y aller l’an prochain ! Pour ma dernière année, tant pis, si je trouve aucune personne partante, pour venir avec moi, mais là…

Je me dis seulement que j’ai eu de la chance, de tomber sur des gens sympas pour me charrier tout en comprenant que je me sentais déjà suffisamment « honteuse » pour pas en rajouter une couche, que j’ai eu de la chance que Mi. me tienne compagnie dans mes perigations nocturnes ou que M. tente de me rassurer. Que non, ce n’est pas pitoyable de vomir. Que non, y a des trucs pires que cela. Qu’il faut savoir ses limites. Qu’il faut s’habituer. Que la prochaine fois ca ira mieux. Que y avait aucune honte à avoir.

Enfin, une journée qui me montre que un kiné se doit d’être sobre pour exercer.

Et de me demander comment font les alcoolos ( les vrais j’entends ) pour travailler dans de telles conditions, quand moi, je me sentais si dépassée ? De me demander comment les gens gèrent les soirées trop arrosées, et s’il ne vaut mieux pas teléphoné pour dire dans ces cas là à son employeur «  je suis malade » plutôt que d’affronter une journée de travail où faudra faire semblant ? De me demander les répercussions actuelles sur mon stage, surtout après ma bonne MSP d’avant la soirée ?

Après tout, peut être que les choses sont peut être plus simples : on est jeune qu’une fois.

Et si c’est pas maintenant qu’on fait les conneries, on ne les fera jamais.
Et pour citer un autre : " t'as été irréprochable jusque là, et oui, maintenant c'est fini "^^ 

Ouistiti


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