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La féodalisation des régions : un caillou dans la chaussure du PS

Publié le 22 mars 2010 par Hmoreigne

 Des pieds en béton mais une tête en argile. A défaut de réussite nationale le PS confirme son implantation locale. Martine Aubry a salué hier soir une victoire “sans précédent”, des “listes de la gauche rassemblée” avec 53,85 % des voix. Un record depuis les législatives de 1981 qui constitue son deuxième meilleur résultat depuis 1958. Le plus dur n’est pourtant pas de gagner, c’est de ne pas décevoir. L’ancrage de l’abstention à un niveau élevé (48,8 %) tout comme la montée en puissance d’un Front National (17,81%) qui capte un électorat populaire désorienté donne à la gauche une lourde responsabilité. Plus que jamais, le changement de logiciel, notamment au PS constitue un impératif faute de quoi le scénario de 2007 pourrait se reproduire en 2012.

Première erreur à ne pas réitérer, ne pas laisser se constituer sous prétexte d’un socialisme de terroir une féodalisation du territoire. Plus que la mise en avant de particularismes régionaux sympathiques, le dernier mandat a été l’occasion pour un certain nombre de personnalités de se constituer des fiefs à partir desquels il devient aisé de défier ou de s’opposer aux structures nationales.

C’est cette dérive qui doit aujourd’hui être abandonnée. Le défi est de taille pour la Première secrétaire du PS : réussir la synthèse entre ses strates locales et ses sphères nationales. Un succès en 2012 passera par la capacité de Martine Aubry à s’imposer non comme le général en chef des régions par une caporalisation brutale mais plutôt, comme son chef d’orchestre naturel grâce à une main de fer dans un gant de velours.

Fortes de leur autonomie, les régions doivent constituer le laboratoire de la gauche en termes de dispositifs innovants articulés dans un cadre national qui privilégie le partage d’expériences et alimente un corpus idéologique à rénover.

Nombre de présidents de régions sont réticents à voir Solférino mettre le nez dans leurs petites affaires. Dès hier soir, le sénateur-maire socialiste de Lyon, fervent défenseur “des grans élus”, a multiplié les déclarations, reprenant en boucle le leitmotiv selon lequel la victoire est à mettre au crédit des élus locaux et non pas des stratèges parisiens. Un son de cloche partagé par Ségolène Royal et par celui qui incarne le mieux la féodalisation d’un territoire et ses dérives, l’indéboulonnable Georges Frêche.

Les nouveaux exécutifs régionaux devraient pourtant méditer l’avertissement lancé le 27 janvier dernier par Aquilino Morelle dans les tribunes de Libération. Pour l’ancien conseiller de Lionel Jospin,trop souvent, la gauche s’est engluée dans une fascination gestionnaire qui a fini par l’immobiliser dans le conformisme et à stériliser son action“. Si le propos vise le niveau national, il trouve largement à s’appliquer à l’échelon local.

Le sentiment d’une impuissance du politique face à l’Économie se nourrit, de l’idée et parfois du constat que droite et gauche, c’est pareil. Comme si, une fois aux manettes, la gauche responsable n’avait d’autre choix que de se glisser dans les habits d’une gestion conforme aux canons de la doxa libérale. Il n’y aurait pas de gestion de droite et de gestion de gauche mais seulement une bonne gestion des affaires, incolore.

 ”Là où il y a une volonté, Il y a un chemin” aimait à dire François Mitterrand. La gauche de 2010, à commencer par les élus qui viennent de sortir des urnes, se doit de renouer avec une détermination à changer le cours des choses qui s’est émoussée au fil des ans.

 De l’audace ! Aquilino Morelle considère que le seul moyen pour la gauche, de dessiner la solution alternative, c’est d’articuler utopisme et réalité : “le réalisme n’est pas la soumission au réel. À gauche, le réalisme impose l’audace, la créativité, la liberté d’analyse, le courage dont les propositions, suppose la volonté de transformer la société, propose la vision d’un progrès collectif partagé“.

Côté travaux pratiques, le scrutin qui vient de se dérouler pose en filigrane la question de la ruralité. Le PS tant au niveau national que régional, trop souvent urbain, à tendance à l’oublier. Le fait que Jean-François Copé ait profité des médias hier pour se positionner comme le défenseur de la France rurale qui a entendu son appel de détresse doit inviter la gauche et notamment les exécutifs régionaux à s’intéresser un peu plus au sujet.


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