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Ségolène Royal aborde en position de force une nouvelle donne politique marquée notamment par la tendance nouvelle d'envie de gauche.
Les chiffres sont tombés. Ils sont têtus et imposent de regarder certaines réalités en face avec recul, avec tolérance et surtout avec la volonté d'identifier des marqueurs de tendances durables.
Plusieurs questions de fond se posent.
1) Le scrutin a-t-il laissé place à des considérations locales ?
Oui.
Le scrutin est intervenu dans un cadre national pondéré par des considérations locales à trois exceptions près : Poitou-Charentes, Languedoc et Alsace.
La nationalisation emblématique de l'Alsace a probablement sauvé la droite locale devenue outil d'un enjeu qui la dépassait.
Languedoc a été le reconnaissance caricaturale des "grands féodaux".
Poitou-Charentes a été l'ancrage du "ségolinisme".
Ailleurs, la vague nationale a emporté les éventuelles digues locales.
Ce constat montre aussi toutes les limites graves des primaires internes aux partis politiques français qui ne font pas vivre des composantes politiques locales fortes.
L'enjeu est alors d'influer sur le corps électoral non pas par la qualité du débat ou du projet mais en composant le corps électoral par le jeu des influences personnalisées (famille, copinage, réseaux d'affaires ...). Dans ces conditions, on est très loin des primaires à l'américaine et encore plus loin d'une quelconque représentativité du résultat. Sur cette base techniquement fausse dès l'origine, les instances locales pèsent peu.
2) Les conséquences à moyen terme ?
La victoire de gauche est telle qu'elle bénéficie aujourd'hui d'une autorité morale plus forte à un point tel que l'UMP a souvent perdu la main au point de ne même plus représenter la principale force d'alternance éventuelle.
La question est désormais de l'alternance entre le PS et Europe-Ecologie. Cette situation est d'abord le fruit d'une sociologie. Elle est ensuite la conséquence d'une image de marque très positive d'Europe-Ecologie qui incarne le neuf, l'avenir, l'innovation politique.
3) Au-delà du résultat ponctuel, ce score fait-il naître une nouvelle donne durable ?
Oui. Une nouvelle donne est née.
Sur le plan national, l'échec de la majorité présidentielle est d'abord le fruit d'un rejet de la personnalité même du Président de la République bien davantage que d'une politique. Son style irrite, provoque, fait naître des tensions alors même que l'opinion attend de la modération et du rassemblement.
Ensuite, une envie de gauche est née. Pendant longtemps, la contestation du Président avait une barrière de protection : l'absence de transfert sur une autre force politique. La gauche a regagné du crédit de gestion. Elle a franchi le seuil des 40 % sur le thème du "peut mieux faire". La crise économique a renforcé le besoin de protection, de solidarité. La gauche est en train de "reprendre la main". Elle peut la perdre si les tensions internes réapparaissent, si les primaires se déroulent mal ... Mais, l'envie de gauche est née.
Enfin, troisième facteur nouveau, la gauche peut compter sur une alliance de forces complémentaires qui correspond à la logique nouvelle de la société atomisée qui demande à des équipes d'être capables de faire vivre une "diversité pacifiée". Sur ce point, l'UMP a cédé à sa vieille tentation d'homme providentiel derrière lequel tout le monde doit se ranger docilement. C'est un hors jeu culturel.
Ségolène Royal bénéficie de nombreux atouts pour incarner cette envie de gauche. C'est une envie de nouvelle gauche. Les prochaines semaines seront décisives pour attester que cette envie a été prise en considération.