Alors que je me promenais entre les rangées de livres de la FNAC, voilà qu’un petit livre bigarré m’a chopé le regard et m’a séduite, au sens latin du terme, seducere, soit conduit hors du droit chemin...
Faut dire que c’est une vraie pute ce bouquin ! Un titre racoleur « La vie sexuelle d’Emmanuel Kant » aux Editions Mille et Une Nuits, qui portent biens leur nom, un maquillage outrancier avec une couve aux couleurs Pop Art et un mini-format pour superflemmards. Du coup, il a joué de ses irrésistibles charmes, peu comme les bombecs à la caisse du Monop et j’ai craqué : je l’ai chopé. Mais tout compte fait, je ne l’ai pas regretté et, pour moi qui n’ai jamais pu aller au bout de l’indigeste Critique de la raison pure, illisible à moins de deux boites d’Alcaselzer, c’est finalement une petite satisfaction que de pouvoir lire en deux trajets de métro les 70 pages de ce petit bouquin de Kant en format rikiki-mini-mini.
Et voici que terminée la dernière page, une vraie question très sérieuse me turlupina (j’adore ce mot, j’ai déjà expliqué pourquoi) l’esprit : Emmanuel Kant était-il gay ?
Museler la bête
On connaît la légendaire régularité de l’emploi du temps du philosophe et la banalité routinière de son existence à Königsberg. L’anecdote veut que les habitants de Königsberg eussent pour coutume de mettre leur montre à l’heure à son passage lors de la promenade quotidienne du grand penseur. Une vie réglée à la minute près, d’une discipline militaire, d’une volupté monacale.
Levé tous les jours à 5 heures mois dix, il était à 5 heures sonnantes à son bureau et préparait ses cours jusqu’à 12 :45. Après un apéro d’un quart d’heure, il se mettrait à table. Puis il entreprenait sa fameuse promenade de l’après-midi baptisée par ses contemporains « le chemin du philosophe ».
A 18 heures, après avoir pris connaissance de la presse, il se remettait au travail dans son cabinet où la température était maintenue à 15 degrés. Vers 22 heures, « un quart d’heure après avoir cessé de penser » nous indique l’auteur, Kant se mettait au lit, se livrant à un rituel des plus obsessionnels. Véritablement ligoté dans ses draps, à la manière de ces adolescents que l’on entravait de peur qu’ils ne se masturbent, il attendait de sombrer dans le néant, en répétant à l’infini le nom de Cicéron, jusqu’à ce que le sommeil ne le rattrape. Pas net le mec.
De nos jours, en réponse à ce type de comportement obsessionnel et
pathologique, on lui conseillerait vivement de s’allonger sur un divan trois fois par semaine et/ou on lui prescrirait une ordonnance carabinée de Xanax. Mais au XVIIIe siècle, que nenni.
En même temps, si l’on inverse la problématique, vous rendez-vous compte des immenses philosophes en puissance que notre société de consommation avorte dans un souci de bien-être et de
confort ?
Vous l’aurez bien compris, tout chez Kant semble être scrupuleusement mis en place et minutieusement organisé de manière à coercer une force honnie et redoutée. Mais quoi donc ?
L'homme sans femme
L’auteur de la Critique n’a jamais été marié, ni même amoureux et on ne
lui connaît aucune relation avec une femme (à part ses haltes à la maison clause). Même son valet de chambre était un homme. Et quand ce dernier se maria, il fut tout naturellement
congédié. Aucune femme dans sa vie donc, ni de près ni de loin.
L’homme qui ne connaissait pas les femmes se doublait d’un misogyne patenté. Il nous a ainsi laissé quelques jolies perles à la postérité comme : « Bien des femmes abusent de l’autorisation qui leur est donné d’être ignorantes » ou encore « le rire est viril, les pleurs féminin ». « Pouet pouet » commenterais-je volontiers (je vous raconte pas l’immense satisfaction que je tire de cette dernière phrase. Je pourrai raconter à mes petits-enfants que j’ai dit « Pouet pouet » à Emmanuel Kant ! Euh… quoi qu’ils me diraient sans doute qu’ils ne m’imaginaient pas aussi vieille… donc ce n’est peut-être pas une bonne idée).
L'homme à la goutte précieuse
Pour finir, parce que pour excuser un tel comportement de limite sociopathe, il
fallait bien une belle théorie, en voici la substantifique moëlle : le sperme, c’est du jus de cerveau, plus précisemment des « gouttes de cervelle » comme nous
l’indique l’auteur. Le répandre est donc un petit suicide ou une petite mort, mais au sens organique cette-fois. La masturbation chez Kant ? Une pure abomination. En lisant tout ceci, on se
que dit durant ses promenades quotidiennes il avait grand intérêt de porter un pantalon bien ajusté car le poids de sa chasteté devait être fichtrement
lourd.
La vie sexuelle d’Emmanuel Kant, Jean-Baptiste Botul aux Editions Mille et Une Nuits