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Max | La pendule

Publié le 23 mars 2010 par Aragon

Comtoise.jpgCette histoire est vraie, vous pouvez me faire confiance ! Elle se passe dans le canton d'Arzacq-Arraziguet (Basses-Pyrénées). Oui, des tas de gens  obligés de compter en euros, alors qu'à la veille de notre monnaie unique ils s'exprimaient encore en francs d'avant Pinay, parlent encore de nos jours de "Basses-Pyrénées". Bref, je m'éloigne de mon histoire. Mon histoire est donc une histoire vraie et je ne peux évidemment pas vous dire où elle se situe avec précision, vous comprendrez vite pourquoi.

Jean Guilledou est mort dans les années cinquante dans un minuscule hameau de ce canton d'Arzacq. Guilledou n'était pas son nom mais un surnom qui lui fut donné par qui, mystère, pourquoi, mystère, car il ne courait pas les filles. C'était un homme qui vivait seul mais  qui était bien sage. Ah ça oui ! Dans sa jeunesse, avant la guerre de 14, il embarqua pour l'Argentine, y resta des années, fila ensuite sur le Mexique où la révolution le ruina, mais partit se refaire la cerise à Montevideo. Opiniâtre, malin, travailleur il se constitua très vite une sacrée fortune en organisant et prenant la direction d'une usine - la première installée en Uruguay - qui fit de la conserve de fruits. Il revint dans son village natal juste à la fin de la deuxième guerre mondiale.

Il fit rafistoler la maison familiale et passa la fin de sa vie peinard, sa grande passion étant l'horlogerie il pouvait rester des journées entières dans son atelier au grand désespoir de sa gouvernante qui le tarabustait en vain pour qu'il prenne des repas chauds. Il marchait pas mal à pied dans la campagne environnante, coiffé hiver comme été d'un grand sombrero habitude de sa vie passée sud-américaine. C'était un type bien, affable, discret et profondément gentil. Le Guilledou, plus personne ne s'en souvient, les "rouleaux-laminoirs" du temps faisant parfaitement leur boulot.

Un seul s'en rappelle, Pierrot, le fils unique de sa gouvernante, qui doit être à présent âgé d'une soixantaine d'années. Cet homme a connu Jean Guilledou quand il était un tout jeune enfant et il aimait passer des heures dans l'atelier du vieil homme qui bricolait ses chères pendules. Guilledou se prit d'une profonde affection pour ce môme qui grandissait sans père, un père  défaillant pour une sacrée bonne et unique raison : il était tombé dans le gave un soir de cuite et n'avait jamais refait surface. La fidèle gouvernante ne s'était pas remariée.

La vie passait, rythmée par le tic-tac des vingt horloges du Guilledou.  Il fit un testament peu avant de mourir, il légua sa fortune à un vague cousin avec lequel il entrenait de bonnes relations et laissa des consignes à son notaire pour approvisionner une rente à vie à sa gouvernante en  lui accordant également l'usufruit de la maison. Une clause originale réduite à une seule ligne sur un petit codicille léguait à l'enfant une "certaine" pendule comtoise. Il lui dit une fois, il s'en souvint Pierrot, au "moment des faits" de prendre bien soin de sa pendule, "qu'elle lui servirait", en lui faisant un clin d'oeil complice...

Guilledou mourut en paix, la vie continua dans la maison. Le môme grandit, la pendule "héritée" vieillissait , sans que ses tic-tac défaillissent. Le môme devint adulte, fit quelques études, trouva un boulot à Pau et eut lui-même une famille, une charmante femme, deux enfants. Ainsi va la vie dans sa normalité, dans son cours...

En 1980 et quelques, les enfants jouaient à cache-cache dans la maison. Le plus petit ne trouva rien de mieux que de se planquer dans la fameuse pendule "héritage". Les enfants faisant obligatoirement et heureusement ( à quoi servirait une enfance sans bêtises ?) des conneries, il fit tomber le poids d'entraînement du mécanisme.

En réparant cette petite casse Pierrot, se rendit compte que le poids avait été "écaillé" dans sa chute. Un coin de ce bloc pesant de fonte grise était "brillant". Il l'emmena à l'atelier, le coinça dans un étau et entreprit de le frotter avec une brosse métallique. Du "brillant" apparu sur toute la surface. Le poids était peint ! Il alla décrocher l'autre, même opération : idem ! Il se retrouva avec deux beaux poids dorés. Il compris, non, il ne comprit pas mais eut très vite une "intuition". Il les fourra dans un sac et quelques jours après un bijoutier de la rue Serviez à Pau lui confirma qu'il était bien propriétaire de six kilos d'or pur.

Quand il rentra chez lui, il entendit le "petit rire" de Guilledou dont il se souvenait encore. Il le dit même à sa femme. C'était un homme parfaitement équilibré et très rationaliste le Pierrot, mais il entendit très nettement un "petit rire" quand il poussa la porte de l'atelier d'horlogerie du défunt Guilledou.



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