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Faut-il avoir peur de SPOCK ?

Publié le 23 novembre 2007 par Caroline Rochet
 
Dépourvu d'oreilles pointues mais doté d'yeux fouineurs, Spock est un moteur de recherche web qui s'intéresse aux gens de près. Inquiétant ?

Une recherche Internet sur trois aurait une personne pour objet. Avant, on "googlisait". Maintenant, on "spocke" : carnet d'adresses géant et collaboratif, le site américain dont le nom signifie "Single Point Of Contact and Knowledge" a pour ambition de devenir aux personnes ce que Google est aux sites, ou ce qu'Amazon est aux produits culturels. Lancé avec 100 millions de profils mixant VIP et lambdas (dont 75 % d’Américains), il devrait rapidement atteindre les 400 millions, et ne compte pas s'arrêter là.
EN QUOI C'EST NOUVEAU ?
En plus de chercher, Spock fait le ménage. Aujourd'hui, entre MySpace, Linkedin, Facebook ou les blogs, on éparpille plein de petits bouts d’identité sur la toile : CV, photos de vacances, articles, annonces ... Le site lance donc ses chiens partout, se débarrasse des résultats non pertinents ou des doublons, et rassemble les infos sur une page organisée. S'il n'est pas le premier à proposer ce système, Spock est en revanche le plus riche en profils indexés, et a su créer un énorme buzz à sa sortie. Mais il propose surtout un accès libre autorisant n'importe qui à modifier les profils, un peu comme Wikipedia. D'où le slogan : "What does the world say about you?" (Qu’est-ce que le monde dit de vous ?).
COMMENT CA MARCHE ?
La recherche peut se faire par nom, mais aussi par lieu, âge, sexe ou mots-clés (appelés "tags"). Exemple : pour trouver Roger Bulot, sur lequel j’ai flashé à mon cours de point mousse, je peux taper "Roger Bulot", mais aussi "Homme trente ans, tricot, Paris" et peut-être le trouver dans la liste. J’accède alors à sa fiche, comportant photos, tags, liste des proches, et sites où il figure. Je peux voter sur la pertinence des tags ("oui, Roger adore le tricot") et les images ("non, je n’aime pas cette photo de Roger"), voire ajouter une note visible de moi seule ("Roger, j'aime ton corps").
Où EST LE PROBLÈME ?
D’abord, l'absence de contrôle. Pour agir sur les infos ou créer sa fiche, il faut s’inscrire, mais rien n’empêche de raconter n’importe quoi : personnellement, mon identité était « Anna Karénine », j'ai ajouté le tag "prout" au profil d'un homme politique, et mis ma photo sur la fiche de Madonna. Spock compte sur l’autorégulation des internautes pour corriger les erreurs, mais cela reste moyen sérieux. Second souci : le caractère dérangeant de ce Big Brother perfectionné. Certes, les données proviennent de sites où la personne concernée a bien voulu se rendre "publique" ... sauf qu'ici, les infos sont détournées de leur vocation initiale. Le droit américain répond que les moteurs de recherche ne sont pas responsables du contenu qu'ils fournissent, mais la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés), elle, y voit un risque de fichage et une menace pour la liberté individuelle de chacun. De plus, Spock prévoirait de financer son site à l'aide de publicités, ciblées selon nos infos personnelles. Vous avez dit "pistés" ?
COMMENT Y ÉCHAPPER ?
A cette question, l'équipe de Spock, qui n'est pas la moitié d'une bande de blagueurs, répond : "Il suffit de retirer d’Internet toute information vous concernant". Futés, ils conseillent de ne jamais divulguer des données trop persos telles que nos coordonnées, numéro de sécu ou email. En gros, c’est notre problème.
ON S'INQUIÈTE OU PAS ?
Quand on réalise le manque de sérieux des données fournies, on relativise l'importance de Spock. Mais d'une manière générale, son arrivée ne fait que remettre sur le tapis la prudence dont chacun doit faire preuve en étalant sa vie privée sur la toile. Face à ces questions, l’ensemble des CNIL européennes devrait publier cet automne une étude de fond sur le respect de la vie privée par les moteurs de recherche. Il était temps, Captain Kirk.
Merci à David Fayon, expert Internet, auteur de "Clés pour Internet" (éd. Economica).

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