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Zemmour, avocat incompris des statistiques ethniques

Publié le 26 mars 2010 par Variae

Alors que « l’affaire Zemmour » n’en finit plus de rebondir, entre ramifications juridiques et dommages collatéraux, il y a un silence – et même parfois une hostilité patente à l’égard du trublion télévisuel – que je ne m’explique pas : celui des défenseurs de la statistique ethnique.

Zemmour, avocat incompris des statistiques ethniques

Serpent de mer dans le débat français sur l’intégration et la lutte contre les discriminations au faciès, les statiques ethniques devraient permettre, selon leurs défenseurs, d’accroitre considérablement la (re)connaissance des inégalités réellement vécues par les Français à la peau pas assez blanche. Savoir, par exemple, combien de Noirs travaillent dans tel secteur avec tel niveau de formation initiale, comparer avec le nombre de Blancs, et pouvoir ensuite conclure à une discrimination de x % au détriment des premiers. Mais ce projet ne s’est pas encore imposé dans la société française, décidément très rétive (Probablement par archaïsme ? Ah l’exception nationale !) à se compter en Noirs, Arabes, Blancs, métis, un tiers un tiers un tiers, et toutes autres couleurs et combinaisons envisageables.

On pourrait donc croire les nobles chevaliers de cette forme de comptage racial heureux de gagner un tribun particulièrement médiatique à leur cause. Car ce qu’a expliqué Eric Zemmour, et qui lui vaut la tempête actuelle – les policiers ont raison de contrôler au faciès, car la majorité des délinquants ne sont pas blancs – n’est-ce pas une application parmi d’autres de cette belle idée de statistiques ? C’est pourtant simple : une fois que l’administration aura le droit de recenser les citoyens par appartenance ethnique, on pourra à la fois vérifier si les Noirs sont honteusement bloqués dans telle ou telle profession, ET si cela ne s’expliquerait pas par leur plus grande propension au crime !

Et pourtant aucun défenseur des statistiques ethniques n’aide ce pauvre Zemmour dans son impasse médiatique actuelle. Pire, Louis-Georges Tin et Patrick Lozès, patrons d’un CRAN toujours très en pointe dans le combat pour ces statistiques, ont de façon incompréhensible fustigé le racisme rampant de l’éditorialiste politique de Laurent Ruquier !

Trêve d’ironie. L’affaire Zemmour est en train de démontrer par l’absurde le danger de cette idée même de statistiques, et le mélange d’incohérence et d’inconscience de celles et ceux qui les défendent en espérant lutter contre le racisme. Eric Zemmour d’une part, ceux qui fustigent son racisme tout en défendant les statistiques ethniques d’autre part, ont un point commun fondamental : ils considèrent que la « race », couleur de peau ou consonance du patronyme peut constituer une façon acceptable de définir un citoyen dans notre République. Sans doute les uns le font ils avec les meilleures intentions du monde, quand les autres sont mus par des arrière-pensées plus douteuses. Mais au bout du compte ils se retrouvent sur la considération que cette donnée physique particulière qu’est la couleur de peau a vocation à être traitée comme, disons, le niveau d’études, les revenus ou la catégorie socio-professionnelle.

Du moment que l’on introduit de la classification ethnique dans le pacte républicain, il faut accepter, si l’on est un peu cohérent, que l’on puisse s’en saisir pour mesurer tout et n’importe quoi. Du parfois utile, comme les discriminations. De l’anecdotique, comme la satisfaction sexuelle, les goûts musicaux, que sais-je encore (on saura ENFIN si les Noirs dansent mieux !). Et du sordide, comme la corrélation entre crime et couleur de peau. Un « sordide » qui rime avec « stupide », puisque la découverte zemmourienne mélange avec mauvaise foi deux choses fort différentes : le lien entre pauvreté et un certain type de délinquance, et celui entre couleur de peau et pauvreté. Si le premier lien est effectivement explicatif et pertinent, le second n’est que la conséquence accidentelle des aléas de l’immigration. A d’autres époques, comme l’écrit Maître Eolas, la petite délinquance aurait été blanche.  Et encore faut-il faire la différence entre Paris et la province … Savoir qu’il y a éventuellement plus de Noirs et d’Arabes que de Blancs délinquants ne nous apprendrait rien sur les causes et les remèdes du problème, mais renforcerait sans aucun doute la peur fantasmée de la « racaille » dans l’opinion.

Les partisans des statistiques ethniques rétorqueraient certainement qu’elles permettraient de mesurer, dans le cas des discriminations, non pas une corrélation accidentelle et non explicative (comme dans le cas du lien entre délinquance et couleur de peau), mais un lien de cause à effet bien réel, celui entre peau un peu trop foncée et refus raciste de recrutement dans une entreprise par exemple. Mais une fois que la pratique sera entérinée, allez donc faire d’aussi subtiles distinguos dans les médias … Progressera probablement de façon spectaculaire l’habitude de tout ramener à la couleur de peau, le communautarisme, et au bout du compte le racisme. Surtout si, comme le laissent entendre deux juristes de bords politiques différents, Maître Eolas et Philippe Bilger, on constate en effet une prédominance de certaines couleurs de peau dans les tribunaux de région parisienne.

L’enjeu républicain reste plus que jamais le passage à une pensée et à une société post-raciales, où la couleur de peau ne serait plus vue que comme une différence physique parmi d’autres, et serait déchargée de toute la charge symbolique et des tabous et fantasmes qu’elle porte aujourd’hui. Zemmour et les pro-statistiques ethniques, qui sont en fait deux facettes d’une même pièce, contribuent malheureusement à nous en éloigner.

Romain Pigenel


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