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Sarkozy fait la police dans la gendarmerie

Publié le 26 mars 2010 par Hmoreigne

 Pan sur le képi. Nicolas Sarkozy a signé le 12 mars le décret procédant à la radiation des cadres d’un officier supérieur de la gendarmerie pour “violation du devoir de réserve”. Il est reproché au chef d’escadron Jean-Hugues Matelly d’avoir multiplié les déclarations reprises dans les médias sur la restructuration de la gendarmerie sous couvert de son statut de chercheur associé au CNRS. La décision présidentielle constitue un vif rappel à l’ordre à l’ensemble de la gendarmerie, tentée de sortir du devoir de réserve que lui impose son statut militaire. Elle souligne surtout le malaise suscité par une réforme menée en toute discrétion qui vise à la fusion de la police et de la gendarmerie, au détriment de cette dernière.

Qui sème le vent récolte la tempête. La sanction qui tombe sur le commandant Matelly souligne les limites du double képi, officier supérieur et chercheur associé au CNRS. L’officier avait fait part de ses réserves en cosignant en janvier 2009 un article au titre évocateur “Feu la gendarmerie”dans la revue Pouvoirs locaux.

L’article avait surtout été repris sur Rue 89 et Jean-Hugues Matelly l’avait commenté sur Europe1. Médiapart rapporte que le commandant s’était déjà illustré pour avoir co-signé, en 2007, un ouvrage très critique sur la politique du chiffre et faisant état de manipulations dans les statistiques. On comprend mieux dès lors que la main du Chef de l’Etat n’ait pas tremblé au moment de se séparer d’un cade “fort en gueule” fondateur début 2008, toujours selon Médiapart, du mouvement Gendarmes et citoyens, début 2008.

Le fond du problème n’est pas que le président de la république en tapant du poing sur la table ait pris ses responsabilités pour éviter une chienlit contagieuse au sein de la gendarmerie et par la suite à l’armée en général. Il y avait urgence. Depuis plusieurs mois, la Maréchaussée est en ébullition comme en atteste la multiplication des commentaires anonymes très critiques dans blogs et forums.

Le vrai débat doit en revanche porter sur la création d’un corps unique de sécurité qui constitue une vieille idée de Nicolas Sarkozy et qui génère du côté de la gendarmerie, un vent de révolte face à ce qui est ressenti comme une grande braderie dans laquelle les hommes en uniformes sont appelés à être les grands perdants.

Le processus de disparition de la gendarmerie sera difficile à arrêté. La gauche est étonnament silencieuse. Le rattachement en janvier 2009 de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur s’est fait dans l’indifférence la plus complète. L’objectif officiel de la réforme est de réaliser des économies en mutualisant les moyens et en évitant les doublons. Pourtant, beaucoup de gendarmes dénoncent une “fusion insidieuse” qui n’ose dire son nom.

On ne manquera pas à cet égard de prendre connaissance de la note “Fusion police-gendarmerie, la revanche de Fouché” consacrée par la fondation progressiste Terra Nova au sujet . L’auteur de l’étude, le député socialiste jean-Jacques Urvoas refait l’historique de ces deux corps souvent en concurrence, parfois antagonistes et toujours rivaux depuis le Consulat.

Un système dual de deux forces de sécurité dans notre pays, l’une à statut militaire, l’autre à statut civil qui dans l’inconscient des Français constitue une garantie face aux potentielles dérives et aux aléas de l’histoire. Le député du finistère ne manque pas de le relever lorsqu’il écrit “Il n’en reste pas moins que si survenait un événement majeur mettant en jeu la sécurité vitale de nos concitoyens, alors les gendarmes devraient instantanément redevenir à plein temps les militaires qu’en réalité ils n’ont jamais cessé d’être“.

Si officiellement il n’est pas question de fusion, l’hyperprésidentialisation, la volonté marquée de Nicolas Sarkozy de concentrer tous les pouvoirs laisse craindre que tôt ou tard, celle-ci sera effective. La réforme des services de renseignements menée dans la plus grande discrétion confirme cette tendance.

Notre démocratie se trouve aujourd’hui particulièrement fragilisée par le fait que la course aux économies menées au motif de caisses désespérément vides et de dette publique abyssale ouvre la porte à des réformes qui constituent autant de coups de boutoirs contre les fondations du pacte républicain et social.

En dehors d’économies qui restent à démontrer puisque les gendarmes du fait de leur statut militaires sont quasi corvéables à merci à la différence des policiers, rien ne justifie sérieusement une fongibilité des deux forces.

Jean-Jacques Urvoas décortique le stratagème : “De fait, tout concourt à présenter la fusion non comme une nécessité douloureuse mais, quand les esprits seront mûrs, comme une véritable évidence résultant de l’évolution du cadre juridique, de la mutualisation croissante des moyens, des capacités opérationnelles restreintes de la gendarmerie et de sa crise d’identité”.

Nous voilà prévenus.

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