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Les éditocrates quittent le navire ?

Publié le 27 mars 2010 par Vogelsong @Vogelsong

Le petit cénacle omniprésents, qui fournit le prêt-à-penser a ceci d’intéressant ; comme une manche à air, il donne l’orientation du lâchage à venir. Le triptyque léchage-lâchage-lynchage constitue un classique de la presse hexagonale. En ce qui concerne le président N. Sarkozy, la sarabande des éditocrates s’est longuement escrimée à le faire passer pour une figure moderne de la politique française, certes quelque peu vibrionnant. Au plus bas dans les sondages, juste sorti d’une défaite cuisante aux élections régionales, en délicatesse avec son parti et son premier ministre, le chef de l’État se voit aussi abandonné par ses plus proches alliés  : le cartel de l’éditocratie complaisante.

Les éditocrates quittent le navire ?
E. Fottorino, de sa plume d’écrivain, présentait le résident de l’Élysée avec emphase et entrain, il narrait son « dessein volontariste de réforme, de mépris pour l’immobilisme, de volonté d’agir pour remettre en marche un pays sclérosé dans son économie, ses archaïsmes étatiques et sociaux, sa méritocratie en panne ». Forcené de la réforme (libérale), le nabab du Monde presse N. Sarkozy de faire plus et plus vite. Seules des questions de style présidentiel tempéraient l’engouement. E. Fottorino déclarait “En réalité, les Français ne demandent pas à Sarkozy de changer” mais « lui demande au contraire d’être ce qu’il avait dit qu’il serait : un président actif, arc-bouté sur son programme de réformes ». C’était en 2008. Il n’y a pas si longtemps. Assez pour virer de bord, changer de cap, et rejoindre le camp des mécontents. Le directeur du Monde ne s’est pas encarté au PS… Il rejoint avec le timing précis des connaisseurs du lâchage l’autre rive de la droite. Celle qui commence à douter.

Car la machine à gagner les élections s’est un peu grippée. Alors, E. Fottorino de sa plume sécessionniste, badigeonnée de fiel, affublera son ancienne idole d’“illusionniste”. Une année après E. Fottorino, visionnaire éditorialiste des petits cercles parisiens s’aperçoit de la hâtive conversion à l’écologie du résident de l’Élysée. Bigre. Au comble de la déception il note “L’an passé, tirant la leçon du scrutin européen qui consacrait l’écologie politique, M. Sarkozy s’y était converti en hâte. La parenthèse est refermée. Le masque tombe. L’acteur, visiblement, ne croyait pas à son texte”. Touchant… E. Fottorino scandait les réformes il y a un an, en exhortant son président, “…(il) doit comprendre que ses électeurs, et au-delà le pays entier, redoutent plus que tout son échec”. Ces mêmes réformes n’ont pas résolu le chômage, ni fait croître le pouvoir d’achat. Pourtant au lendemain de la débâcle de l’UMP, il tire un constat sévère et ce qu’il encensait hier, doit aujourd’hui être brûlé, “Ce qui avait été promis n’a pas été tenu. Pas d’augmentation du pouvoir d’achat – mais aggravation du chômage. Pas de perspectives nouvelles pour les jeunes”. Toute honte bue.

Les éditocrates quittent le navire ?
S.-P. Brossolette est d’un autre genre et d’une autre époque et n’hésite pas à porter l’éstocade sur le terrain pour défendre la bonne parole gouvernementale. Rédactrice en chef du Point, elle a rapidement pris le sarkozysme comme apostolat et parvient même à faire passer L. Joffrin auquel elle est confrontée sur France Info, comme un opposant zélé au régime. Elle n’a eu d’ailleurs de cesse de brocarder sur toutes les ondes et sur tous les plateaux, ce qui serait tenté de critiquer le bilan de son protégé. Cette éditocrate multicasquettes, au “cursus honorum” somme toute assez classique (Figaro Mag, L’Express puis Le Point avant d’obtenir son siège au club Le Siècle) est dans la plus pure tradition des éditocrates conformistes et bienpensants qui régentent le système. Mais soyons honnêtes, au perron des ravis de la prêche gouvernementale, S.-P Brossolette relève du modèle de référence. Il y a un an, N.Sarkozy déjà en pleine déconfiture trouvait dans les éditos de S.-P Brossolette, un peu de baume au cœur. Hagiographe du régime, la rédactrice en chef du Point rivalisait d’imagination pour transformer ses défaites en triomphes. Ne manquant pas de toupet, elle pousse même le syncrétisme jusqu’à louer la versatilité de ses opinions : “Une mesure par jour, un brin de sécuritaire, des recadrages de ministres quand il le faut, un coup à gauche, un coup à droite, et hop ! Il occupe tout le terrain.” Pour ceux qui n’auraient pas compris le message, Sylvie en rajoute une couche et prouve s’il en était besoin, qu’elle a de la suite dans les idées et un sacré talent pour prédire l’avenir : “On peut ne pas aimer l’artiste, mais il faut saluer la performance. Et regretter l’inanité de ses adversaires. Le temps qu’ils se réveillent, il sera déjà loin.” Mais après les régionales, elle finit quand même par marquer le coup. Trop c’est trop, il faut le reconnaître il devient de plus en plus difficile d’assurer le service après-vente.

Dès lors, S.-P. Brossolette tape du poing sur la table avec virulence : “Il va peut-être devoir ajuster un peu le tir après ce signal d’alarme”. Mais pour nuancer ces propos d’une violence extrême, elle rajoute une note d’espoir : “Il nous a habitués à des rebondissements inattendus. À l’artiste de jouer maintenant… ” Refusant de vieillir, cette rombière se rêve un destin à la Drucker. Pour contrebalancer l’archaïsme de ses propos, elle souhaite conserver son image de femme vieille et jolie. Pour cela, elle n’a pas hésité à lifter son discours pour lui donner un semblant de modernité. Opposée sur France 2 à une autre vache sacrée du sarkozysme, Arlette Chabot, Sylvie joue la carte de la modernité et critique pour la première fois le bilan présidentiel : “Les résultats n’ont pas été au rendez-vous. Il y a eu un magistère de la parole, beaucoup de choses démarrées, rien n’a vraiment abouti, la crise est arrivée par-dessus.  Mais même avant que la crise n’arrive, on ne voyait pas les choses changer aussi formidablement qu’il ne l’espérait”. Arlette Chabot est stupéfaite et se permet de défendre le Président : “Oui, mais justement il a dit qu’il allait se concentrer sur les résultats”. S.-P. Brossolette la coupe : “Oui, mais ce sont encore de belles paroles. Ce que les Français vont regarder ce sont leur feuille de paye.” S.-P. Brosolette porte-parole du prolétariat, l’histoire est belle et mérite d’être contée. Le nom de son grand-père était entré dans la légende, refusant de parler sous la torture, il avait fini par se jeter du 4e étage afin de se donner la mort. Après la guerre, “Muet comme Brossolette” était même devenu une expression consacrée. Dommage que sa petite-fille ne l’ai pas appliquée à la lettre…

N. Sarkozy a construit une notoriété sur une gesticulation et une communication agressive qui mimaient le mouvement, la réforme. Cette action tous azimuts l’a mené aux cimes du pouvoir. Depuis une bonne décennie, ce phénomène politique dénué d’intériorité donne ainsi un spectacle jubilatoire à décortiquer. Il offre l’opportunité à un marquisat d’éditocrates sentencieux de se lancer dans des séances de psychologie de comptoir. Sentimentalistes et romantiques, ces théoriciens du verbe voient dans cet être mouvant, la cristallisation de leurs attentes messianiques. L’homme providentiel capable de réformer le pays. Mais la dure réalité revient à la charge, le front se fissure, on observe même des sécessions. Les victoires d’hier effacées, se profilent des débâcles. Dès lors, ces éditocrates portent les stigmates des espérances déçues, des lendemains de gueule de bois dont on ne se remet pas…

Qu’importe, il faudra autant d’encre et de papier pour lâcher, qu’il en fut nécessaire pour porter N. Sarkozy au pinacle. On gagne sur tous les tableaux dans la presse mondaine. La fine fleur journalistique de droite lourde-t-elle sa merveilleuse trouvaille ? Ou continue-t-elle à humer le fumet ondoyant ?

Reversus & Vogelsong – 27 mars 2010 – Paris


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