Le petit cénacle omniprésents, qui fournit le prêt-à-penser a ceci d’intéressant ; comme une manche à air, il donne l’orientation du lâchage à venir. Le triptyque léchage-lâchage-lynchage constitue un classique de la presse hexagonale. En ce qui concerne le président N. Sarkozy, la sarabande des éditocrates s’est longuement escrimée à le faire passer pour une figure moderne de la politique française, certes quelque peu vibrionnant. Au plus bas dans les sondages, juste sorti d’une défaite cuisante aux élections régionales, en délicatesse avec son parti et son premier ministre, le chef de l’État se voit aussi abandonné par ses plus proches alliés : le cartel de l’éditocratie complaisante.
Car la machine à gagner les élections s’est un peu grippée. Alors, E. Fottorino de sa plume sécessionniste, badigeonnée de fiel, affublera son ancienne idole d’“illusionniste”. Une année après E. Fottorino, visionnaire éditorialiste des petits cercles parisiens s’aperçoit de la hâtive conversion à l’écologie du résident de l’Élysée. Bigre. Au comble de la déception il note “L’an passé, tirant la leçon du scrutin européen qui consacrait l’écologie politique, M. Sarkozy s’y était converti en hâte. La parenthèse est refermée. Le masque tombe. L’acteur, visiblement, ne croyait pas à son texte”. Touchant… E. Fottorino scandait les réformes il y a un an, en exhortant son président, “…(il) doit comprendre que ses électeurs, et au-delà le pays entier, redoutent plus que tout son échec”. Ces mêmes réformes n’ont pas résolu le chômage, ni fait croître le pouvoir d’achat. Pourtant au lendemain de la débâcle de l’UMP, il tire un constat sévère et ce qu’il encensait hier, doit aujourd’hui être brûlé, “Ce qui avait été promis n’a pas été tenu. Pas d’augmentation du pouvoir d’achat – mais aggravation du chômage. Pas de perspectives nouvelles pour les jeunes”. Toute honte bue.
Dès lors, S.-P. Brossolette tape du poing sur la table avec virulence : “Il va peut-être devoir ajuster un peu le tir après ce signal d’alarme”. Mais pour nuancer ces propos d’une violence extrême, elle rajoute une note d’espoir : “Il nous a habitués à des rebondissements inattendus. À l’artiste de jouer maintenant… ” Refusant de vieillir, cette rombière se rêve un destin à la Drucker. Pour contrebalancer l’archaïsme de ses propos, elle souhaite conserver son image de femme vieille et jolie. Pour cela, elle n’a pas hésité à lifter son discours pour lui donner un semblant de modernité. Opposée sur France 2 à une autre vache sacrée du sarkozysme, Arlette Chabot, Sylvie joue la carte de la modernité et critique pour la première fois le bilan présidentiel : “Les résultats n’ont pas été au rendez-vous. Il y a eu un magistère de la parole, beaucoup de choses démarrées, rien n’a vraiment abouti, la crise est arrivée par-dessus. Mais même avant que la crise n’arrive, on ne voyait pas les choses changer aussi formidablement qu’il ne l’espérait”. Arlette Chabot est stupéfaite et se permet de défendre le Président : “Oui, mais justement il a dit qu’il allait se concentrer sur les résultats”. S.-P. Brossolette la coupe : “Oui, mais ce sont encore de belles paroles. Ce que les Français vont regarder ce sont leur feuille de paye.” S.-P. Brosolette porte-parole du prolétariat, l’histoire est belle et mérite d’être contée. Le nom de son grand-père était entré dans la légende, refusant de parler sous la torture, il avait fini par se jeter du 4e étage afin de se donner la mort. Après la guerre, “Muet comme Brossolette” était même devenu une expression consacrée. Dommage que sa petite-fille ne l’ai pas appliquée à la lettre…
N. Sarkozy a construit une notoriété sur une gesticulation et une communication agressive qui mimaient le mouvement, la réforme. Cette action tous azimuts l’a mené aux cimes du pouvoir. Depuis une bonne décennie, ce phénomène politique dénué d’intériorité donne ainsi un spectacle jubilatoire à décortiquer. Il offre l’opportunité à un marquisat d’éditocrates sentencieux de se lancer dans des séances de psychologie de comptoir. Sentimentalistes et romantiques, ces théoriciens du verbe voient dans cet être mouvant, la cristallisation de leurs attentes messianiques. L’homme providentiel capable de réformer le pays. Mais la dure réalité revient à la charge, le front se fissure, on observe même des sécessions. Les victoires d’hier effacées, se profilent des débâcles. Dès lors, ces éditocrates portent les stigmates des espérances déçues, des lendemains de gueule de bois dont on ne se remet pas…
Qu’importe, il faudra autant d’encre et de papier pour lâcher, qu’il en fut nécessaire pour porter N. Sarkozy au pinacle. On gagne sur tous les tableaux dans la presse mondaine. La fine fleur journalistique de droite lourde-t-elle sa merveilleuse trouvaille ? Ou continue-t-elle à humer le fumet ondoyant ?
Reversus & Vogelsong – 27 mars 2010 – Paris