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L’Inconnue de la Seine (2)

Publié le 28 mars 2010 par Caroline

C’est un jour Reiner Maria Rilke qui le découvrit en 1902 accroché dans la boutique que tenait le mouleur du visage de la noyée, au milieu d’autre masques celui de l’Inconnue de la Seine. Elle apparaît pour la première fois dans la littérature sous sa plume : L’Inconnue de la Seine (2)

« le mouleur que je visite chaque jour a deux masques accrochés près de sa porte. Le visage de la jeune qui s’est noyée, que quelqu’un a copié à la morgue parce qu’il était beau, parce qu’il souriait toujours, parce que son sourire était si trompeur ; comme s’il savait. » Les cahiers de Malte Laurids Brigge (1910),

L’aspect irrationnel et mystérieux du masque a assuré son succès commercial. Il ornait, paraît-il, un grand nombre d’intérieurs bourgeois du début du siècle. Même si certains on tenté de briser la légende : Si l’on se fie uniquement à sa coiffure en bandeaux à la mode sous le Second Empire, on pourrait le dater des années 1860 ; Selon l’affichiste George Villa qui tenait cette information de son maître Jules Lefebvre, l’empreinte fut prise sur le visage d’une jeune modèle qui mourut de tuberculose vers 1875. Ne cherchons pas à briser le mythe, l’identification de l’Inconnue à Ondine ou Ophélie, en fie le succès.
La preuve ? : il continua à inspirer les poètes et écrivains pendant des années.

Jules Supervielle écrivit un conte inspiré par ce masque : L’inconnue de la Seine repris en 1931 dans L’enfant de la haute mer. :
L’Inconnue de la Seine (2)

“Je croyais qu’on restait au fond du fleuve, mais voilà que je remonte”, pensait confusément cette noyée de dix-neuf ans qui avançait entre deux eaux. [...] Enfin elle avait dépassé Paris et filait maintenant entre des rives ornées d’arbres et de pâturages, tâchant de s’immobiliser, le jour, dans quelque repli du fleuve, pour ne voyager que la nuit, quand la lune et les étoiles viennent seules se frotter aux écailles des poissons. “Si je pouvais atteindre la mer, moi qui ne crains pas maintenant la vague la plus haute.” Elle allait sans savoir que sur son visage brillait un sourire tremblant mais plus résistant qu’un sourire de vivante, toujours à la merci de n’importe quoi. Atteindre la mer, ces trois mots lui tenaient maintenant compagnie dans le fleuve. »

L’inconnue de la Seine inspira aussi Nabokov qui écrivit ce poème en 1934 :

Hâtant de cette vie le dénouement,
N’aimant rien sur terre,
Toujours je regarde le masque blanc
De ton visage sans vie.

Dans les cordes se mourant à l’infini
J’entends la voix de ta beauté.
Dans les foules blêmes des jeunes noyées
Tu es plus blême et ensorcelante que toutes.

Au moins dans les sons reste avec moi!
Ton sort fut avare en bonheur,
Alors réponds d’un posthume sourire moqueur
De tes lèvres de gypse enchantées.

Paupières immobiles et bombées,
Cils collés en épaisseur. Réponds!
A jamais, à jamais, vraiment?
Mais comme tu savais regarder!

Juvéniles épaules maigrichonnes,
La croix noire du fichu de laine,
Les réverbères, le vent, les nuages nocturnes,
Le méchant fleuve pommelé d’obscurité.

Qui était-il, je t’en supplie, raconte,
Ton séducteur mystérieux?
Du voisin le neveu frisotté -
A la dent en or, et la cravate bariolée?

Ou l’habitué des cieux étoilés,
Ami de la bouteille, des dés et du billard,
Lui aussi, maudit fêtard,
Et rêveur ruiné comme moi?

Et maintenant, de tout son corps tressaillant,
Il est assis, comme moi, sur son lit,
Dans le monde noir, déserté depuis longtemps,
Et il regarde le masque blanc.

Et ce n’est pas fini…


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