Magazine Moyen Orient

Celui qui rapproche.

Publié le 28 mars 2010 par Wilverge

Celui qui rapproche.
Damas, Syrie
Normalement, lorsque quelqu'un nous aborde dans la rue, nous demeurons sceptiques. On se demande où est l'astuce, l'attrape touriste dans laquelle on ne veut pas tomber. Mais, aujourd'hui c'est différent. Il se nomme Mourad, il est musicien. Fier, il nous le prouve en dépliant le précieux bout de journal jaunit exposant sous nos yeux un article sur lui.
« Un thé mes amis? Je vous invite chez moi ».
On se regarde quelques secondes, pas trop certains avant d'accepter avec joie. Qui ne risque rien n'a rien comme on dit! De plus, du haut de ses quatre pieds dix pouces, il ne nous semble pas très menaçant.
Nous le suivons à travers des ruelles labyrinthiques du vieux Damas. De vieilles maisons de pierres au deuxième étage à l'inclinaison douteuse, des plantes grimpantes, des enfants qui jouent dans la rue. Tout à fait charmant jusqu'à ce que je me rende compte que je ne saurais plus repérer la rue principale. Peu importe!
Puis, on arrive chez lui. Une pièce aux fenêtres bouchées pas plus grande que votre cabanon. Au sol, des tapis et des coussins qui sentent la litière et l'humidité. Il s'empresse de brancher un fil électrique donnant vie à une ampoule dénudée d'abat-jour et flottante au plafond. Sur les murs, pour compléter la déco, des calendriers datant de 2004, des photos de lui et une horloge figée dans le temps depuis quand…2004 peut-être?
« Faites comme chez vous, asseyez-vous s'il vous plaît ».
Tirant une bombonne de gaz au milieu de la pièce, tout est en place pour le « tea time », sans les petits fours et les petits doigts en l'air.
Et pendant que ça bout, il nous présente vite fait ses instruments de musique. Deux guitares qui se nomment « tambour », une flûte taillée dans un tuyau de métal et dont il est essoufflant de produire un son, un tambourin et un violon bédouin à une corde. Voilà, les présentations sont faites.
Il se met au « tambour » et me tend le tambourin. Je décline l'offre gentiment connaissant la coordination défectueuse de mes deux mains mais, il insiste de façon à ce que je ne puisse pas me défiler. Will me lance un sourire moqueur tandis que je claque timidement mes doigts sur l'objet en question!
Mourad, quant à lui, les yeux clos, se plonge totalement dans son art et c'est magnifique. Il ne s'arrête pratiquement que pour nous resservir du précieux breuvage mentholé avant de changer pour le café dit à la turc. Plus corsé, il est servi dans des petites tasses qu'on aurait dit faites pour les poupées.
Peu de mots sont échangés, ce qui ne l'empêche pas de nous communiquer sa philosophie de vie qui se veut de ne pas trop travailler pour profiter de la vie. Et quand je regarde autour de moi, je pourrais bien la traduire par deux mots : simplicité volontaire.
L'après-midi passe sans trop que l'on s'en rende compte. Seule ma vessie me rappelle que nous venons de boire quatre thés et trois cafés. Notre nouvel ami me prête donc ses sandales avant de me conduire à un trou creusé dans le béton derrière une porte en bois.
Il est l'heure de partir. Mourad tente de nous retenir par une invitation à souper, il a des patates et de l'huile, dit-il!
Nous déclinons l'offre pour ne pas abuser de sa générosité et il nous reconduit à la porte. Ses voisins, intrigués, nous regardent en souriant tentant de sortir du labyrinthe une brouette remplie de ferraille.
Nous regagnons donc la rue principale et replongeons rapidement dans le tourbillon touristique des vendeurs de tapis et de souvenirs en tout genre.
Cet après-midi aura été une incursion mémorable dans la vie quotidienne et simple des gens vivant de l'autre côté des murs fortifiés de la vieille ville. Vue normalement fermée aux touristes mais, qui nous a généreusement été ouverte par le biais d'un thé qui ici, au Moyen-Orient, rapproche les gens.
- Nad, définitivement pas musicienne.


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