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Nanotechnologies et produits cosmétiques

Publié le 24 novembre 2007 par Christophe Laurent
A la demande de la Direction générale de la Santé, l’équipe de la chaire Hygiène - Sécurité et de l’Institut d’Hygiène Industrielle et de l’Environnement – Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (IHIE – SSET) que dirige le Pr William Dab organise une série de rencontres régulières sur les aspects sanitaires, environnementaux et sociaux relatifs aux développements industriels des nanotechnologies. Plusieurs avis récents émanant d’instances publiques comme l’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (AFSSET), le Comité de la prévention et de précaution (CPP) ou le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) ont, en effet, recommandé que des dispositifs permanents de dialogue entre les différents acteurs concernés (chercheurs, industriels, associations, journalistes, administrations, etc.) soient mis sur pied.   Ces rencontres constituent un espace permanent et ouvert permettant d’identifier les questions que posent ces nouvelles technologies, de confronter les points de vue sur leur nature et la façon de les traiter. Les principes de base qui sous-tendent cette démarche sont :   -   La permanence : à côté de débats ponctuels qui offrent la possibilité de réfléchir sur l’utilité et les risques de tel ou tel aspect des nanotechnologies, il existe un besoin d’échange non polémique et permanent sur l’ensemble de ces questions. -   La pluralité : tous les acteurs sont mis sur le même plan. Il n’y a pas ceux qui savent d’un côté et ceux qui écoutent de l’autre. -   L’ouverture scientifique : le fonctionnement du forum est guidé par une réflexion sur les savoirs et les pratiques et non par des présupposés idéologiques. La démarche n’a pas l’objectif de fabriquer des avis ou des prises de position. -   La liberté de parole : le sujet fait l’objet de controverses parfois vives, ce qui est sain. Pour autant, les points de vue doivent pouvoir s’exprimer dans un climat d’écoute et de respect. Les discussions feront l’objet d’une transcription écrite et diffusée par le Journal de l’Environnement. -   La transparence : le Cnam est responsable de l’organisation du débat et de son déroulement. Les thèmes abordés feront l’objet de propositions par le Cnam en tenant compte des souhaits des participants.   A l’issue de la première réunion du Nanoforum qui s’est tenue au Cnam le 28 juin 2007, le comité d’organisation a retenu le principe d’organiser les premières séances sur la base d’études de cas permettant de comprendre comment, de la conception à la commercialisation, se développent des applications issues des nanoprocédés. Plusieurs participants ont souhaité que chaque séance soit précédée d’une note présentant le thème retenu de sorte que chacun puisse préparer ses interventions en connaissance de cause. La séance du 6 décembre 2007 sera consacrée aux produits cosmétiques.   Depuis plusieurs années, l’industrie des produits cosmétiques utilise les nanotechnologies et incorpore des nanomatériaux dans ses produits. Du fait de leur très petite taille (milliardième de mètre), les nanomatériaux peuvent avoir des propriétés physiques et chimiques nouvelles. L’exemple le plus connu est celui des filtres solaires d’origine minérale. Autrefois, les écrans dits physiques étaient blancs sur la peau car ils utilisaient du dioxyde de titane (TiO2) à l’échelle micrométrique pour réfracter les rayons ultra-violets du soleil. Depuis la découverte des nanomatériaux, le TiO2 est parfois incorporé sous forme nanométrique ce qui permet de garder une transparence du produit tout en protégeant du soleil.   Le nombre de cancers cutanés est en augmentation depuis ces vingt dernières années. Si les photoprotecteurs sont efficaces dans la prévention de l’érythème, il n’existe pas actuellement de lien démontré entre l’utilisation de produits de protection solaire et la survenue de mélanomes.   Des éléments nanométriques (nanoparticules organiques, oxydes métalliques TiO2 ou ZnO2, fullerènes...) peuvent être également incorporés dans d’autres formulations cosmétiques : crèmes, poudres parfums, shampoings, vernis à ongles, rouges à lèvres, dentifrices, etc.   Comme la mention de nanomatériaux sur l’étiquetage n’est pas obligatoire, il est très difficile de dresser une liste exhaustive des produits cosmétiques contenant des nanomatériaux présents sur le marché. Selon le Woodrow Wilson Institute qui recense les produits contenant des nanomatériaux, il y aurait une quarantaine de cosmétiques sur le marché contenant des nanoparticules. Selon certaines associations, ce serait plusieurs centaines.   Au-delà des produits cosmétiques, sur un plan global de l’utilisation des nanomatériaux, certaines études toxicologiques indiquent que les nanomatériaux peuvent pénétrer les barrières biologiques naturelles (alvéolo-capillaire, hémato-encapéhalique, hémato-placentaire, membrane cellulaire, membrane nucléaire...) et déclencher des réactions néfastes. Ces réactions seraient liées au fait que, plus la taille des particules diminue, plus leur surface augmente ce qui accroît la réactivité chimique. Celle-ci peut provoquer une inflammation et des dommages éventuels dans la cellule et son noyau (ADN). Notamment, certaines études récentes in vitro montrent que le TiO2 peut pénétrer le noyau de la cellule et par les réactions inflammatoires être à l’origine de l’ADN cellulaire. Le TiO2 a été classé en 2006 comme possiblement cancérogène pour l’homme par voie inhalée (classe 2B) par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC/IARC de l’OMS). Des effets néfastes des nanoparticules d’oxydes de zinc ont été mis en évidence au niveau pulmonaire. L’exposition aux nanomatériaux des produits cosmétiques peut se faire principalement par contact direct et pénétration cutanée chez l’utilisateur. Lorsque la peau est saine, des études récentes montrent que le risque de pénétration est très limité mais certaines nanoparticules pourraient néanmoins pénétrer dans les follicules pileux. En revanche, les études sur peau lésée donnent des résultats discutables. Dans ce cas, des particules fines et ultrafines peuvent atteindre les tissus vivants et seraient susceptibles de diffuser dans tout l’organisme. L’exposition peut se faire aussi via l’environnement général en raison du relargage potentiel de produits cosmétiques. On ne sait pratiquement rien sur la biodégradabilité des substances en question, ni sur les risques de bioaccumulation et de transfert dans les écosystèmes et les chaînes alimentaires. L’exposition de l’homme pourrait alors se faire aussi par voie digestive. Enfin l’exposition des travailleurs, en amont de l’utilisation, dépend des processus de fabrication, mais elle peut comporter une exposition par voie cutanée (les mouvements répétés peuvent léser la peau), pulmonaire (lors de manipulation de poudres) ou digestive (via le contact doigts / bouche). Dans tous les cas, le nombre de personnes exposées peut donc être considérable même si les doses sont faibles. A l’heure actuelle, il existe une réglementation communautaire (voir fiche spécifique sur la réglementation) concernant la mise sur le marché des produits cosmétiques qui ne doivent pas nuire à la santé humaine et comportant une évaluation de la sécurité des produits. La mise sur le marché est réalisée sous la responsabilité de l’industriel qui met sur le marché (directive 76/768/CEE modifiée). En France, les produits cosmétiques entrent dans le champ de compétences de l’AFSSAPS depuis mars 1999. Cette agence travaille en lien étroit avec les instances européennes. De nombreuses associations se sont déjà mobilisées pour demander des précautions avec les nanocosmétiques. En mai 2006 six associations américaines ont demandé à l’Administration fédérale de faire retirer du marché tous les produits cosmétiques renfermant des nanoparticules synthétiques (de dioxyde de titane ou d’oxyde de zinc). Une « Task Force » sur les nanotechnologies s’est constituée en août 2006 outre-Atlantique pour aider à déterminer comment l’Administration pour les aliments et les médicaments (FDA) peut réguler les nanomatériaux. En Europe, le collectif ASECO (alliance des organisations écologistes et des consommateurs) demande un étiquetage pertinent et des règles d’évaluation fiables ainsi que des standards avant toute mise sur le marché.   Le but visé par le forum du 6 décembre 2007 est de fournir des éléments pour analyser les fondements de l’usage des nanomatériaux dans les produits cosmétiques et de comprendre comment les préoccupations de sécurité sanitaire sont prises en compte. Il ne s’agit pas de réaliser une expertise scientifique ou une analyse exhaustive sur les produits cosmétiques issus des nanoprocédés mais de chercher à mettre en lumière les grandes lignes d’un processus de développement industriel et ses enjeux de sécurité sanitaire.   Conformément aux objectifs du forum, le but n’est pas de prendre position sur ces produits mais de favoriser la mise à disposition des éléments de base du dossier pour l’ensemble des acteurs et de comprendre leurs prises de position.

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LES COMMENTAIRES (2)

Par Citoyen
posté le 04 mars à 22:43
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Je comprends votre désappointement mais je ne connais pas assez les arcanes de l'Afsset poour vous répondre. Tout ce que je retiens de cette agence c'est qu'"elle n'a pas ses experts attitrés et doit faire appel à des candidats extérieurs." Maintenant, concernant cette personne, je note seulement que Docteur Michèle FROMENT-VEDRINE est directeur général de cette agence, et-ce pour autant un gage de qualité ? à la base elle est magistrate à la cour des comptes. Son mandat arrive à échéance le 17 mai 2008.

Par patrick chabaud
posté le 03 janvier à 13:37
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Bonjour,

On peut réellement s'inquiéter sur la compétence, la crédibilité et l'efficacité de l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale et du travail lorsque l'on entend sur France Info Michèle Froment-Védrine déclarer à plusieurs reprises qu'il y a un risque pour la santé des jeunes enfants utilisant un téléphone portable à cause, je cite "des ondes émises par les batteries". Depuis quand les batteries émettent-elles des ondes? Si celà était le cas il faudrait alors interdire l'utilisation par les jeunes enfants de tous les jouets alimentés par des batteries, qu'elles soient jetables ou rechargeables.

Quel crédit accorder à un organisme censé veiller à notre sécurité sanitaire quand ses dirigeants démontrent publiquement un tel niveau d'incompétence ?

Celà fait réellement peur !!!!! Patrick Chabaud

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