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Histoire d'eau

Publié le 04 mars 2010 par Sophiel

plombier.jpgComme tous les matins, je me lève mal réveillée et embouchée, regrettant déjà ces tendres moments passés entre les bras de Morphée Mr Gremlin. Un déluge de hurlements m’annonce qu’il y a de l’eau dans le gaz du côté de la descendance. Tendant l’oreille pour savoir de quel côté l’orage a éclaté, un curieux bruit de « ploc-ploc » me fait couler des sueurs froides dans le dos. Le corps tout en eau, j’avance prudemment jusqu’à la salle de bain d’où proviennent des « glou-glou » si puissants que la vision des chutes d’Iguaçu s’impose à moi.

Et pour cause : Les gremlins pataugent allègrement dans un océan d’eau douce provoqué par la rupture d’une canalisation !


- Maman, maman, regarde ! On a une piscine à la maison !

-  Chéri, chériiii, CHERI !!!! Au secours !!! On est inondé !! On fait quoi ???

De la chambre où il s’habille, il répond nonchalamment :

- On coupe l’eau, ça coule de source il me semble.

La logique de cet homme me fascine…

Fermant les robinets d’arrivée d’eau, j’en profite pour demander au gremlin mâle de m’attraper plusieurs serpillères afin de faire disparaître cette piscine :

- C’est quoi une serpillère ?

Si je ne le connaissais pas aussi bien, j’en viendrais à penser qu’il n’a pas inventé l’eau tiède, or, il l’ignore car il ne l’a jamais passée, ce à quoi il faudra que je remédie au plus vite. Lui indiquant à quoi ressemble cet objet des plus insolites, il se plante devant moi, et gémit :

- C’est oùùùùùù ? J’trouve paaaaaas….

Cet enfant ne saurait trouver de l’eau dans une rivière… Heureusement pour lui, son père qui a flairé que son fiston est en train de naviguer en eaux troubles, se précipité à la rescousse muni de serviettes éponges qu’il me tend gentiment :

- Je voudrais bien t’aider mais j’ai déjà mis mon costume. Bon, faut que je file ! T’inquiète de rien,  je dépose les gremlins à l’école. Bon courage !

Je me retrouve le bec dans l’eau, me demandant comment je vais pouvoir faire ma teinture auburn… Je songe un instant à réutiliser le liquide que j’essors dans les seaux, mais la couleur marronnasse n’est guère séduisante.

Un plombier ! Il me faut un plombier de toute urgence ! J’épluche aussi sec – si je puis dire – les pages jaunes du bottin.

Trois heures et vingt-cinq coups de fil plus tard à tous les « SOS Plombiers » de la région, enfin je trouve un bon samaritain qui daigne se déplacer avant la semaine prochaine. D’aucuns penseront que c’est louche…

Mon bonhomme arrive, vêtu de son bleu et muni de sa caisse à outils. Je lui indique aussitôt l’endroit dévasté attendant nerveusement son verdict :

- C’est une inondation, ça me paraît clair comme de l’eau de roche !

- Evidemment ! Je ne vous ai pas appelé pour ramoner la cheminée !

- Oh la ! Oh la ! Ma p’tite dame, faut pas s’énerver hein ! Sinon, moi j’m’en vais et j’vous laisse dans vot’ pataugeoire, non mais sans blague !

Me voilà prise en otage par un plombier grincheux ! Je fais un effort pour mettre un peu d’eau dans mon vin poussant la bienveillance jusqu’à lui proposer une tasse de café, qu’il accepte avec reconnaissance :

- Manque de bol, y’a plus d’eau dans la maison, fais-je innocemment.

Il me lance un regard haineux, nous sommes désormais comme l’eau et le feu.

Il retourne à ma tuyauterie, dûment chapeauté par mon air inquisiteur et mes questions répétitives :

- Alors ? Ca avance ? Vous avez bientôt fini, parce que c’est bientôt l’heure de ma sieste !

Mes interrogations restent sans réponses, je donnerais un coup d’épée dans l’eau que cela aurait le même effet. La colère gronde devant tant d’indifférence. Malgré les apparences, je ne suis pas une longue femme tranquille et il aurait tout intérêt à se méfier de l’eau qui dort. Toutefois, s’il lui prend soudain l’envie de déguerpir, je vais, une fois de plus, me retrouver le bec dans l’eau et si je ne veux pas qu’il jette le bébé avec l’eau du bain, je décide de me tenir coite.

Enfin il se redresse, essuie ses mains sales sur ma serviette toute propre, range ses outils, et déclare :

- Voilà, c’est réparé !

Je suis heureuse comme un poisson dans l’eau, pour un peu, je l’embrasserais mais la facture qu’il présente à mes yeux refroidit tout instinct affectif. Il coulera de l’eau sous les ponts avant que je ne fasse de nouveau appel à lui.

Je règle mon dû, l’accompagne jusqu’à la porte de sortie. Avant de partir, il se retourne et lance :

- Vous savez ce qu’on dit par chez moi ? « L’eau gâte le vin, la charrette le chemin, la femme l’homme ».

Décidemment, ce plombier est un imbécile de la plus belle eau !



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