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Secrets d'alcôve

Publié le 22 février 2010 par Sophiel

Secret.jpgEnfin me voici installé !

Encore une traversée ! Trois mois dans un conteneur, deux semaines à quai et trois jours en camion.

Je n’en peux plus !

De nouveau il va falloir s’adapter, me tourner et me retourner avant de trouver ma place. Récupérer ma parure et me sentir enfin chez moi.

La première fois que je les aperçus, ils me firent bonne impression : jeunes, plutôt sympathiques, un brin d’humour et surtout…amoureux ! Oui, l’amour et la complicité sont très importants dans ma fonction. La confidentialité aussi. Je vois tout, j’entends tout mais je sais garder les secrets que l’on me confie.

Aussi, lorsqu’après quelques hésitations, leur choix se porta sur moi, en ai-je été assez flatté. D’après leurs dires, je représentais un achat important et devais « leur faire plusieurs années ».

Quelques jours plus tard, je les rejoignis à leur appartement. J’avais quelque appréhension. Après tout, ma vraie vie commençait. Pour moi, c’était une naissance : J’allais enfin remplir la fonction pour laquelle j’avais été créé.

La place qu’ils me réservèrent dans leur univers me plut d’emblée : Au centre de la pièce. On ne voyait que moi et il est vrai que j’en retirai quelque orgueil…

Les premiers temps de notre cohabitation furent un peu chaotiques. Il fallut apprendre à nous connaître.

Au début, ils me maltraitèrent un peu mais très vite, chacun y trouva son compte.

Je m’attachais rapidement à eux. Je ne les voyais pas beaucoup, mais quand ils me rejoignaient, je sentais leur confiance, leur apaisement. Je fus souvent le témoin de leurs échanges, quels qu’ils fussent.

Et puis, ils bouleversèrent ma vie...

Un matin, des mains brutales m’empoignèrent, me ficelèrent et me jetèrent dans un camion, puis un bateau et encore un camion. Cela dura des jours et des jours. J’étais mortifié par leur trahison ! Qu’allais-je devenir ?

A l’issue de ce périple sans fin, j’entendis leurs voix. Ils ne m’avaient pas oublié ! Ils avaient même l’air heureux de me revoir. C’est alors que je compris : Ils avaient changé de maison ! Et ils m’avaient emmené avec eux ! Quel idiot ! Comment avais-je pu douter de leur fidélité !

Cela fait aujourd’hui 10 ans que nous sommes ensemble et c’est la cinquième fois qu’ils me font le coup du conteneur ! Ca, je ne m’y habituerai jamais !

Malgré tout, je résiste, je veux rester avec eux, surtout depuis qu’il y a la relève : Leurs petites Choses me brutalisent souvent, me maltraitent et me griffent, mais elles sont aussi d’une douceur indicible.

De ma génération, nous ne sommes que quelques uns à posséder les facultés d’entendre, voir et raisonner. Nous sommes les témoins silencieux de votre vie, mais vous ne le saurez jamais. Je vous imagine poser un regard nouveau sur vos meubles. Vous les scrutez, dans l’attente d’y découvrir un signe. Peine perdue. C’est un mystère que jamais vous ne percerez. Autant vous y faire et continuer votre lecture… en vous demandant si cette histoire n’est pas un peu la vôtre…

Elle et Lui. C’est ainsi que je les nommerai. Peu importe leurs prénoms.

La semaine, une sorte de frénésie d’activité s’emparait d’eux  même si j’essayais de les garder près de moi. Je réussissais parfois à les retenir. Quelle victoire pour un simple objet !

Les week-ends étaient plus reposants, mais ils me surprenaient toujours. Il leur arrivait de me quitter précipitamment ou bien de me rejoindre à un moment inattendu. J’aime ces imprévus, cela me sort de mon train-train quotidien.


Le seul reproche que j’ai à leur faire, c’est qu’ils ne prennent pas toujours soin de moi. J’aime à être à mon avantage, paré d’étoffes soyeuses et bien lisses. Or, ils m’affublent de tissus ordinaires, pas toujours à ma taille et ne se soucient de moi que lorsqu’ils ont de la visite ou qu’ils me cèdent à des inconnus. Je trouve ces façons un peu cavalières. Ces inconnus-là, à qui ils permettent d’envahir notre intimité, je les déteste ! Je m’arrange toujours pour leur gâcher leur séjour : Mal au dos, cauchemars ou insomnies, leur châtiment varie  selon mon humeur.

Heureusement, ces intermèdes ne sont guère fréquents et nous nous retrouvons toujours avec un plaisir non dissimulé.

Elle et Lui. Lui et Elle. L’une, complexe et torturée, l’un, serein et apaisant.

J’apprends beaucoup auprès d’eux. Comment deux êtres aussi différents peuvent-ils s’harmoniser ?


Un soir, alors que tous deux lisaient, plongés dans un plaisir individualiste, presque égoïste, il lui a pris la main, sans la regarder, poursuivant sa lecture. Elle a souri. Leur échange, car cela en était un, m’a ému. J’ai compris que leur amour franchissait une étape. La passion qui jusque là les animait et qui, certains soirs, me faisait souffrir et grincer au-delà du raisonnable, se muait en un sentiment profond, solide, prémices d’une histoire qui prend racine. Moi aussi, j’ai souri. J’étais fier de détenir ce secret avant eux, de savoir quelque chose qu’eux-mêmes ne soupçonnaient pas encore. Ce soir là, ils se sont endormis lovés l’un contre l’autre et moi, j’ai veillé sur leurs rêves, confiant dans notre histoire.

Je croyais que nous allions vivre ainsi, éternellement.

Quoiqu’ils fassent dans la journée, ils me revenaient toujours. C’est auprès de moi qu’ils puisaient leur énergie, leur force. Je me pris à croire qu’ils m’aimaient et que personne ne viendrait troubler notre entente.


C’est alors qu’Elle lâcha la bombe...
Suite et fin Jeudi 25/02


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