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Qu’est-ce que la guerre asymétrique ? (plan exposé)

Publié le 16 mars 2010 par Egea

Une jeune étudiante de la catho, en deuxième année de fac, m'a demandé conseil pour préparer un exposé de RI. Son sujet : les guerres asymétriques. Un lecteur d'égéa a tous les éléments de connaissance pour répondre à un tel sujet. Donc, j'ai sauté sur l'occasion : en effet, cela permet de montrer ce qu'est un plan détaillé, valable pour l'oral ou l'écrit.

Qu’est-ce que la guerre asymétrique ? (plan exposé)

Pour l'oral : il est peut-être trop précis (je l'ai fait en 3/4h, alors qu'on a usuellement 1/2 h de temps de préparation) : les détails des puces ne sont donc pas exigibles pour une colle orale de dix minutes (mon étudiante pouvait étendre son exposé à 20 minutes). En revanche, on aperçoit qu'on a les deux parties, les deux sous-parties, les paragraphes principaux, ainsi que les annonces principales. Pour un plan sciences po, on a la matière pour 10 minutes précises, si on ôte les puces.

Le niveau de détail est celui qu'on attend d'un plan détaillé pour une copie à l'écrit : il faudrait ensuite rédiger introduction et conclusion au brouillon, avant de commencer la réaction. Si on compte les 3/4h évoqués ci-dessus, le 1/4H de recherche préalable, la 1/2h de pré-rédaction des bouts, nous voici à 1h30, qui laissent 2H30 pour la rédaction : vous avez donc largement le temps de calligraphier et de peser vos mots, sachant qu'il s'agit de produire entre huit et dix pages. Avec de l'aisance, on rédige plus vite, et le rab est dédié à la recherche et la réflexion.

L'introduction est découpée classiquement, selon la règle des trois entonnoirs : Accroche, énoncé du sujet, définition des termes, cadre historico-géographique, problématique, Annonce du plan. De même la conclusion suit l"articulation reprise/ouverture (je ferme j'ouvre).

Bien sûr, ceux qui ne s'intéressent pas à la forme mais au sujet peuvent critiquer mon propos sur la guerre asymétrique : car cela devrait aussi intéresser les lecteurs d'égéa qui ne préparent aucun examen.

O. Kempf

Introduction

  • Accroche : offensive de Majrah en Afghanistan : des forces occidentales, lourdement armées, s’attaquent à quelques dizaines de talibans, faiblement armés d’armes individuelles
  • Sujet :
  • Déf : Guerre asymétrique = guerre non conventionnelle, entre des adversaires n’ayant pas le même niveau d’équipement et utilisant des techniques de combat différentes du rapport de force quantitatif
  • Limites : A existé dans l’histoire, cf. l’invention du mot « guérilla » = petite guerre ne espagnol, apparu pendant la Guerre d’Espagne contre Napoléon. Le concept de « petite guerre » n’est donc pas aussi nouveau qu’il y paraît. Toutefois, il y a des nouveautés propres à la situation contemporaine qu’il s’agira de déceler.
  • Problématique : S’agit-il d’une forme pérenne de la guerre, ou d’une adaptation temporaire des modes de combat, susceptible d’évolutions ?
  • Annonce Plan : Ainsi, la guerre s’est transformée, passant d’une symétrie à une asymétrie (I) ; pour autant, cette guerre asymétrique est-elle indépassable ? (II)

I De la symétrie à l’asymétrie de la guerre

La guerre était symétrique (A) ; cette situation a pris fin avec la guerre froide (B).

A Une guerre symétrique

1/ La densification des conflits au XX° siècle

  • Révolution de l‘art de la guerre fin XVIII°, Napoléon et le combat interarme
  • Clausewitz : rapport de force et centre de gravité
  • Guerre civile américaine (première guerre industrielle), guerre de 1870 (train et mobilité)
  • 1GM : guerre totale (Luddendorf, etc), la guerre n’est plus seulement affaire de professionnels, elle engage toute la nation
  • 2GM : guerre blindée mécanisée, couple aviation-char (De Gaulle, Lidell Hart, ..), plus de la moitié des victimes sont civiles !

2/ L’adaptation de la guerre froide

  • Le fait nucléaire : l’ascension aux extrêmes clausewitzienne aboutit à l’anéantissement réciproque
  • Cf. doctrines successives : représailles massives, destruction mutuelle assurée, riposte graduée, contrôle des armements
  • Mais la bipolarité organise un duopole (URSS US) qui entraîne la symétrie
  • Il faut quelque chose entre le tout ou rien : d’où armements « conventionnels » (chars, avions, artillerie) qui s’inscrivent dans cette symétrie, et permettent de préparer l’escalade pour éviter d’aller dans l’échange nucléaire (cf. Raymond Aron, « Paix et guerre entre les nations » et « penser la guerre Clausewitz »)

B La fin de la symétrie

1/ Fin du monde bipolaire

  • Ecroulement URSS et PAVA : l’organisation du monde est bouleversée
  • Les hésitations : monde unipolaire (US, puissance dominante : Fukuyama, « Le dernier homme ou la fin de l’histoire ») ou multipolaire (Hubert Védrine, Evgueni Primakov : « Un monde sans la Russie ? ») ?
  • Les balbutiements de la gouvernance mondiale dans les années 1990 : Système ONU, « opérations de maintien de la paix » plus ou moins réussies (Bosnie, Cambodge, Somalie), ingérence humanitaire (B. Kouchner et M. Bettati)
  • La tentation de l’interventionnisme : l’Otan au Kossovo, la GB en Sierra Leone, France (opération Licorne) en Côte d’Ivoire
  • La croyance en la technologie : la révolution informatique apporte une Révolution dans les affaires militaires (RAM) qui assure plus encore la domination des puissants

2/ Attentats du 11 septembre et leurs suites

  • Attentats à partir de rien : la vieille logique « gros contre gros » tombe à bas, l’ennemi n’est pas un Etat, mais un groupuscule terroriste, inorganisé et réticulaire : il y a eu contournement stratégique, surprise stratégique, par une démarche « asymétrique »
  • Guerre d’Irak 2003 : faire tomber Saddam Hussein n’est pas le problème, mais contrôler l’éruption des insurgés (Al Qaida en Irak) est terriblement compliqué : on n’y arrive qu’à partir de 2007
  • Afghanistan : les talibans tombent en deux mois (décembre 2001), mais l’insurrection reprend de la vigueur et grossit à partir de 2006 : aujourd’hui, l’Occident n’est-il pas en train de perdre la guerre ? cela validerait la posture asymétrique

II Peut-on dépasser la guerre asymétrique ?

Tout d’abord, cette notion de guerre asymétrique recouvre-t-elle tout le champ des conflits contemporains ? (A). Surtout, constitue-t-elle l’état terminal de la guerre, ou y aura-t-il de nouvelles formes ? (B).

A Comment nommer la guerre asymétrique ?

1/ Guerre au sein des populations

  • Ruppert Smith, V. Desportes (trouve les réf)
  • La population est à la fois le milieu et l’enjeu (opinion) de la guerre
  • Il faut donc « gagner les cœurs et les esprits », d’où logiques « contre-insurrectionnelles » (COIN : COunter INsurgency)
  • Des succès : Gal. Petraeus en Irak, cf. tentative Gal Mc Chrystal en Afghanistan

2/ Guerre bâtarde

  • cf Bouquin A. de La Grange et JM Balencie
  • la suprématie technique occidentale ne suffit plus : les technologies sont accessibles à bas prix (cf. Hezbollah au sud-Liban 2006), les insurgés jouent la communication (attentats suicide marquent aussi bien leurs populations que les nôtres, cf. aussi émotion quant à la notion de bavure)

D’où : Guerre irrégulière

B La guerre asymétrique, la dernière des guerres ?

Soit pour, soit contre

1/ La guerre conventionnelle n’est plus crédible

  • le monde est en voie de pacification : le monde est plat (Th. Friedman,), mondialisation, ...
  • juridicisation (jus ad bello, jus in bello), la norme internationale prend de plus en plus de place
  • Ces situations de contournement de la guerre sont donc celles du monde moderne, et demeureront pérennes.

2/ Attention aux surprises stratégiques

  • La guerre asymétrique a surpris en ce début de XXI° siècle, car moyen de contourner la puissance reconnue de l’adversaire : pas de raison que ça ne se reproduise pas
  • Emergence de la Chine, réarmement prononcé de l’Asie : attention à ne pas tout voir au travers de nos lunettes d’Européens pacifiés
  • Fait nucléaire : il était organisé et contrôlé dans un cadre bilatéral, celui-ci n’existe plus alors que prolifération (cas iranien) : le tabou nucléaire risque de ne pas durer
  • Fait environnemental : la biosphère devient un enjeu par elle-même, cf. géopolitique des ressources, possibilité de guerres de l’environnement (cf. JP Gambotti, La guerre qui vient, RDN, mars 2010)

Conclusion

  • Reprise des principales articulations de l’exposé (On redit IA, IB, II A II B : je vous ai dit que je l’ai dit)
  • La guerre asymétrique occupe donc les esprits de tous les stratèges actuels : attention toutefois à une double myopie : l’une chronologique (c’est la guerre qu’on observe depuis dix ans, ce qui ne signifie pas que c’est pertinent pour le siècle à venir) et l’autre culturelle (c’est notre guerre, celle qui nous pose problème). Le renouveau du fait nucléaire (cf. toutes les négociations de désarmement de cette année : conférence de Washington, TNP, négo START, cas iranien…) et la montée en puissance de la question environnementale sont des facteurs de très longue portée, d’autant que la crise fragilise la scène mondiale
  • Ouverture : Ce n’est pas pour autant qu’il faut ignorer la guerre asymétrique, ou irrégulière : elle demeurera encore longtemps dans le champ de la guerre, parce qu’elle est complexe, et qu’elle correspond bien à un monde épais (François Heisbourg, « L’épaisseur du monde »)

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