Parmi les libéraux les avis divergent sur le bienfondé de la « flat tax ».
Certains considèrent tout impôt comme un vol. Peu importe pour eux le mode de calcul, il ne change rien à l’affaire. Il faut surtout réduire les dépenses publiques pour aboutir à la suppression totale de l’impôt sur le revenu et même de tous les impôts non consentis.
Certains autres considèrent qu’il faut être pragmatique et que, pour dégraisser les mammouths étatiques, le mode de calcul de l’imposition n’est pas neutre. Dans la configuration d'une « flat tax », comme tout le monde subit le même taux d’imposition, tout le monde a intérêt, en définitive, à ce qu’il baisse.
Quoi qu’il en soit, la « flat tax » n’est-elle pas tout simplement une construction intellectuelle, pour tout dire inapplicable et inappliquée ? Il faut tout de même dire que des pays de l’est européen l’ont adopté, mais qu’à ma connaissance les Etats les plus mammouths, situés à l’ouest, n’y songent même pas.
L’histoire de l’adoption de la « flat tax » par un canton suisse montre qu’il ne s’agit pas d’une construction intellectuelle quand la situation paraît désespérée, même si cet exemple reste unique en Suisse. En effet, il n’y a guère, le demi-canton helvétique d’Obwald était considéré comme un enfer fiscal, qu’il fallait à tout prix fuir pour s’établir sous des cieux cantonaux plus cléments de la Confédération.
Voilà bientôt cinq ans que les autorités d’Obwald ont décidé de décourager l’évasion fiscale en baissant les impôts pour les plus riches. Le contraire du modèle suivi par les mauvais élèves de l’économie que sont l’Italie, la France ou l’Allemagne, qui préfèrent traquer leurs évadés du fisc plutôt que de les dissuader de s'échapper en étant moins confiscatoires.
En décembre 2005, 86% des électeurs de ce demi-canton approuvaient par référendum la loi fiscale cantonale instituant un impôt dégressif pour les revenus imposables annuels supérieurs à 300 000 francs ou pour les fortunes de plus de 5 millions de francs. Cette hérésie fiscale, même en Suisse, devait être de courte durée.
Trois citoyens d’Obwald, encouragés par le POP, parti communiste suisse, devaient faire recours contre cette loi devant le Tribunal fédéral, la juridiction suprême helvétique. Le 1er juin 2007, la loi fiscale d’Obwald était considérée comme anticonstitutionnelle par les juges de Monrepos, à Lausanne, où siège la plus haute instance judiciaire suisse.
Selon les juges, à six contre un, cette loi fiscale cantonale ne respectait pas l’article 127 alinéa 2 de la Constitution qui dit :
« Dans la mesure où la nature de l’impôt le permet, les principes de l’universalité, de l’égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés ».
La Constitution fédérale ne dit pas comment respecter la capacité économique. Elle ne dit pas si l’impôt doit être progressif, constant ou dégressif. Implicitement elle dit que les plus riches doivent payer davantage que les plus pauvres.
Or un simple calcul montre que l’esprit de la Constitution est bien respecté dans le cas d’un impôt dégressif à partir d’un certain seuil : les plus riches payent davantage que les plus pauvres. Elles donnent donc tort aux juges fédéraux, qui, comme nombre de juristes, ne savent pas compter, mais ont toujours légalement raison.
Ainsi, n’en déplaise aux juges fédéraux, avec cette loi cantonale, considérée par eux comme anticonstitutionnelle, un contribuable qui avait à l’époque un revenu annuel d’un million de francs payait en impôt deux fois et demi plus qu’un contribuable qui avait un revenu annuel de 300'000 francs.
La réaction des autorités d’Obwald ne s’est pas fait attendre. En octobre 2007 le parlement de ce courageux demi-canton adoptait une loi qui instituait une « flat rate tax ». Quelle que soit la catégorie de revenu, le taux d’imposition était désormais le même, soit 1,8% et la déduction opérée sur le revenu imposable était la même pour tous les contribuables, soit 10'000 CHF.
Reste que ce qui est possible pour un petit canton, peuplé de 33'000 âmes, ne l’est peut-être pas si facilement pour un canton, voire un pays plus vaste et plus peuplé. Car il faut convaincre une large majorité, proche du consensus, pour qu’il y ait réel consentement de la population et réussite du changement.
Francis Richard
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